Opération du transfert
Les drames se succèdent et placent les projecteurs sur la santé mentale des enfants, des adolescents et sur les conditions de dépistage et d’offres thérapeutiques mises à leur disposition.
Les praticiens orientés par la psychanalyse, quels que soient leurs titres et leurs fonctions, savent par expérience que les nuances et les signes de la clinique, parfois infimes détails, ont une chance d’être recueillis dans un lien singulier qu’on appelle le transfert. En tant qu’opérateur clinique, des impasses se révèlent partout où il n’est ni posé ni questionné. Car si le symptôme dépistable est déjà là, c’est par le transfert qu’un symptôme se constitue et devient interprétable. Il lui faut la supposition d’un savoir, d’un vouloir dire, produit dans ce lien singulier qu’est notre outil de base.
Parallèlement, le recul de l’orientation psychanalytique dans les services de pedopsychiatrie et la modification des repérages cliniques eux-mêmes conduisent à une grande confusion.
Quand l’étiquette remplace l’écoute
Les « plateformes de diagnostic » se multiplient en revanche, selon de nouvelles catégories de troubles. Elles ne permettent aucune nuance car elles ne recensent que des comportements. Elles n’incluent pas cet outil du transfert et si elles posent des étiquettes qui permettent d’obtenir un certain nombre de droits (accompagnement scolaire notamment), elles laissent méconnus les signes discrets que sont l’anxiété, un mal-être diffus, des obsessions ou des idées délirantes parfois tenues secrètes.
À titre d’exemple, l’adolescent meurtrier de Nantes a rencontré plusieurs psys pendant les deux années qui ont précédé son passage à l’acte.
Consulter une fois plusieurs professionnels, quelle que soit la valeur de leur formation, n’a rien de comparable avec la rencontre d’un praticien dont la formation permet d’établir ce lien de confiance indispensable pour que puisse advenir le dire singulier qui se joue en secret dans les replis de la subjectivité et donne sa forme au symptôme, en tant que construction complexe et propre à chacun.
La disparition du soin orienté par le sujet
Les demandes de consultations et de suivis dans les CMP font l’objet d’un véritable parcours du combattant, propre à décourager les parents inquiets, et les adolescents souvent peu demandeurs : plus d’un an pour obtenir un rendez-vous, des hospitalisations courtes non suivies de rendez-vous réguliers. Dans de nombreux endroits des structures de proximité ferment, remplacées par ces plateformes régionales de diagnostic. Le dispositif de secteur de psychiatrie, mis en place dans les années 70 et 80, est en voie de disparition, et avec lui les orientations qui le soutenaient : psychanalyse, psychothérapie institutionnelle. Cela s’est fait au bénéfice d’une conception centrée sur le désordre cognitif, le trouble des apprentissages, et par là même sur une orientation principalement éducative : tout neuro, ou tout éducable, faisant peser sur l’école des missions qui ne lui reviennent pas.
La dépathologisation de la clinique, qui accompagne ce mouvement, relève d’une dérive plus idéologique que conceptuelle, et conduit à une situation préoccupante d’abandon pur et simple des personnes atteintes de symptômes et de pathologies mentales.
Catherine Stef