Il y a l’urgence de la réponse et l’urgence comme traitement de ce qui ne peut attendre, fût-ce une réponse non conclusive.
Dans une première acception, l’urgence est la modalité temporelle qui répond, pour un sujet, à l’irruption d’un traumatisme. Le temps presse à produire une réponse qui vienne masquer la rencontre d’un réel, d’une irruption de jouissance qui s’est fait jour, hors signification, hors symbolique, hors image qui viendrait donner un sens.
Pour un sujet, ce qu’il est de son être, comme a, trouve à ne pas pouvoir se dire !
Il y a urgence à parler, à dire le mot qui éloigne la perplexité anxieuse du sujet qui accompagne la déréalisation du monde. Pour un sujet, en analyse ou pas, le transfert sur la personne de l’analyste ou vers un autre un tant soit peu Autre peut y répondre.
Ainsi cette jeune femme qui revient consulter, après des années d’absence, car le modus vivendi qu’elle s’était aménagé vient de s’effondrer. Son partenaire, pour le cœur – bien peu – et pour le sexe, l’abandonne. Elle s’en trouve dévitalisée, perplexe, déjà inquiète d’envisager de trouver un nouveau partenaire. C’est ce qui lui est difficile ; elle reste seule, quoiqu’en lien de transfert avec son analyste.
Celui-ci, bien qu’animé du désir de l’aider en vient à se dire, en le découvrant, que sa solitude est son sinthome. Il est urgent de ne pas l’aider à trouver un nouveau partenaire, ce manque réel est ainsi habillé du nom de « manque de partenaire ». Ce qui n’empêche pas de continuer à la recevoir avec les développements qu’elle donnera de ce moment de débranchement de toute une chaîne signifiante.
Lacan écrivait : « Au moins maintenant pouvons-nous nous contenter de ce que tant qu’une trace durera de ce que nous avons instauré, il y aura du psychanalyste à répondre à certaines urgences subjectives1 ».
Il s’agit de répondre au point même – moment structural ou kairos de l’urgence – où surgit une urgence, une urgence à dire, à avouer l’innommable de son être pour un sujet2.
Le temps logique court sous le temps chronologique ; il s’agit alors de repérer les signifiants du transfert qui articulent cette coupure, trace indicible du sujet dans la suite des signifiants ou la fuite métonymique du sens.
« Rien de créé qui n’apparaisse dans l’urgence, rien dans l’urgence qui n’engendre son dépassement dans la parole.3 »
Jean-Louis Morizot
[1] Lacan J., « Du sujet enfin en question », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 236.
[2] Cf. « L’urgence subjective, deux questions à Éric Zuliani », L’Hebdo-Blog, n°103, 23 avril 2017.
[3] Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, op. cit., p. 241.