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Une vérité qui touche au réel

Par Alexandre Gouthière
27 septembre 2020
La folie comme risque de la liberté
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« Si quelque tare est décelable dans le psychisme avant la psychose, c’est aux sources mêmes de la vitalité du sujet, au plus radical, mais aussi au plus secret de ses élans et de ses aversions, qu’on doit la pressentir, et nous croyons en reconnaître un signe singulier dans le déchirement ineffable que ces sujets accusent spontanément pour avoir marqué leurs premières effusions génitales à la puberté » [1].

 

Ainsi s’exprime Lacan dans son texte de 1938, lorsqu’il aborde l’hypothèse du rôle causal des complexes familiaux dans le déterminisme de la psychose. À la lecture de ces quelques lignes qui datent d’avant son « Propos sur la causalité psychique » [2], il est déjà très clair qu’à la logique neuropsychiatrique du déficit, Lacan oppose celle de la faille, comme le relève Jacques-Alain Miller dans son cours intitulé « Tout le monde est fou » [3].

Cette faille nous indique-t-il, Lacan va la situer en 1946 entre le moi et l’être. Il va la rapporter à la division dont tout sujet fait l’objet du fait qu’il parle, autrement dit au fait que l’être humain est fondamentalement un aliéné dans le langage, un être affronté au problème de la signification. Il va en faire la source d’une possible « infatuation du sujet », tout se jouant pour celui-ci au niveau des identifications qui comblent cette faille et dans l’attrait qu’elles exercent sur lui. C’est dans ce « dynamisme » que Lacan verra le risque du virage de la folie.

Mais dans sa notation clinique suscitée, qui date de l’époque de sa thèse, il est remarquable qu’une telle faille lui apparaît dans le « déchirement » dont témoigne le sujet psychotique à l’occasion de sa rencontre avec la jouissance sexuelle à la puberté. C’est même là un signe singulier de la folie nous dit Lacan, que ce tourment indescriptible qu’occasionne pour le sujet ses premiers éprouvés orgasmiques. Dans la clinique, cela va d’ailleurs parfois jusqu’à porter atteinte au sentiment d’unité même de son corps, expérience dont on mesure qu’elle a toute la dimension d’un attentat.

Quel lien y a-t-il alors entre la faille que Lacan loge dans l’aliénation du sujet au langage, à quoi il rapporte la causalité psychique, et celle qui se révèle dans l’attentat sexuel dont témoigne si radicalement le psychotique ? Ce lien, c’est l’impasse que tout être qui parle rencontre lorsqu’il tente de se représenter ce à quoi le confronte spécialement la jouissance sexuelle, et que Lacan désignera plus tard comme le réel.

D’ailleurs, comment ne pas lire la désignation même du réel dans le terme choisit par Lacan d’« ineffable » ? Le réel c’est par définition l’ineffable. C’est ce qui vous laisse sans recours, parce qu’il n’y a pas de mots pour le dire, et qui s’éprouve dans l’écart entre le corps qu’on a, ce corps qui jouit, et ce qui en répond au niveau de l’être.

Ainsi, la vérité dont nous témoigne la folie est une vérité qui touche au réel de notre condition de parlants. C’est une vérité sur l’insensé de tout discours, qui n’est jamais qu’une construction à partir des mots de l’Autre, pour donner un sens à des phénomènes qui fondamentalement n’en ont pas. Notre collègue Véronique Voruz nous l’indiquait en ces termes, dans une récente interview à l’Antenne Clinique Brest-Quimper [4]. Il se passe des choses dans nos corps qui fondamentalement nous échappent ajoutait-elle, choses auxquelles nous cherchons à donner un sens à l’aide des discours ambiants dans lesquels nous évoluons, pour tenter de produire en nous une homéostase.

En citant à sa suite Lacan dans son Séminaire D’un Autre à l’autre, nous pourrions donc dire que la vérité de la folie est une vérité sur le « destin [d’]égaré » [5] de l’être parlant. Or cette vérité prend toute son acuité dans la confrontation au réel du sexe.

[1] Lacan J., « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu. Essai d’analyse d’une fonction en psychologie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 67.

[2] Lacan J., « Propos sur la causalité psychique », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 151-193.

[3] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Nullibiété. Tout le monde est fou », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 30 janvier 2008, inédit.

[4] Voruz V., « ‘‘Tout le monde est fou’’. Dans l’après-coup de la nomination d’Analyste de l’École », entretien, Antenne clinique de Brest-Quimper, 29 septembre 2019, disponible sur le site de YouTube.

[5] Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2006, p. 48.

Numéro : L’Hebdo-Blog 215
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