L’éducation comporte en son cœur un processus de normalisation du sujet par l’Autre via le savoir dispensé par la pédagogie. Programmes, méthodes, dispositifs éducatifs se déploient, portés par l’idéal d’une transmission toujours plus accomplie et efficace. Mais qu’est-ce qu’éduquer, et surtout, que ne peut-on pas éduquer ? La psychanalyse rappelle que l’éducation est un « métier impossible », parce qu’elle se heurte à l’inéducable : cette part pulsionnelle, singulière, irréductible, échappe aux recommandations de bonnes pratiques ou d’« éducation thérapeutique ». L’inéducable habite chaque sujet et recèle en cela l’impossibilité d’une éducation qui serait toute. Freud en 1905 le signalait : C’est l’activité sexuelle qui rend l’enfant inéducable. Rappelons le mot d’Ernesto dans La pluie d’été de Marguerite Duras : le sujet sait déjà et ce savoir vient trouer celui qu’on essaie de lui faire ingurgiter. Accepter ce trou dans le savoir peut permettre à un sujet d’apprendre réellement à partir de ce qu’il sait et à partir de ce qu’il ne sait pas.
Si tout est prévu, cadré, anticipé, que devient l’énigme qui mobilise le désir ? L’apport de la psychanalyse demeure décisif : c’est dans le manque, le malentendu, la surprise que se creuse un espace où le sujet peut advenir. Donner au symptôme sa dignité, c’est préserver le plus intime et le plus singulier du parlêtre à rebours du dressage et du tout éducable si cher aux logiques neuros.
À l’heure où la rentrée relance le cycle scolaire et ses attentes, ce numéro interroge l’éducation à partir de son envers : l’inéducable. Plutôt que de l’éradiquer, il s’agit de lui faire place, car c’est lui qui ouvre à la rencontre, à l’invention, à l’inattendu. Accueillir ce qui échappe, sous les auspices de l’objet a, est alors le pari de la psychanalyse.
Cécile Favreau de Rivals et Françoise Haccoun