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Une question de goût ?

Par Carmen Cuñat
6 janvier 2019
Le désir, un enjeu politique
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Décider le désir, une expression bien étrange pour nous qui sommes bien plus accoutumés à parler du désir décidé[1]. Encore serait-ce l’occasion d’ouvrir cette formule bien connue.

Lorsqu’une décision est prise quant au désir, s’agit-il d’une question de goût ?

Une jeune analysante déclare qu’elle a « décidé d’orienter son désir en fonction de ce qui lui plaît, en suivant ses goûts ». À savoir, non pas en fonction de ce que lui disent ses parents, ni par obéissance à un devoir, et encore moins par ce qu’elle s’impose parfois, une jouissance destructive. Il s’agit d’un désir qui prenne en compte ses fantaisies, ses rêveries diurnes, ses ambitions. Elle voudrait être quelqu’un d’intéressant. Avec l’analyse elle a découvert, et elle le reconnaît, qu’il lui plaît de se faire regarder et quel rôle d’actrice lui plaît. Elle aimerait réussir dans le domaine artistique qu’elle étudie, et transmettre son versant mélancolique ou excessif, qui parfois la submerge. Et puisqu’il en est ainsi, elle a mis la main à la pâte, et pour l’heure, elle le démontre en acte. Auparavant, ses actes la portaient à exiger sans mesure la présence de l’Autre, et dans ses revendications se présentifiait cette jouissance excessive qui se révélait intraitable. J’ai dû lui dire qu’on allait « raccourcir un peu » les séances pour qu’elle cesse de laisser des cicatrices sur son corps.

Nous pourrions dire que cette jeune cherche à se mettre en accord avec son désir, ne pas décider une chose pour une autre, ne pas se maintenir dans la contradiction du désir, comme lorsque quelqu’un exprime un désir alors que le symptôme manifeste un refus inconscient de ce désir.

Elle dit qu’elle n’est pas pressée, qu’elle veut aussi « profiter de sa jeunesse », elle vient de rompre avec un prétendant dont elle se sentait aimée et qu’elle aimait, mais elle préfère attendre que les conditions soient réunies pour une vie commune. Un autre prétendant ne tarde pas à se présenter qui semble coïncider avec ses goûts actuels mais son désir ne la fait pas pencher pas vers lui. De tout ceci elle fait état non sans angoisse. À la fin de la séance, elle respire profondément.

S’agirait-il dans ce cas d’un désir décidé à la manière de l’hystérie ? Le désir décidé peut quelquefois contribuer à l’hystérie, mais à condition de ne rien vouloir savoir de la jouissance qui la concerne. Se maintenir comme énigme, ne pas supporter que l’on jouisse d’elle, faire que ce soit l’Autre qui la désire, tel est son objectif. Ce ne semble pas être le cas de cette jeune.

Dans son cours du 24 juillet 2017, Jacques-Alain Miller nous rappelait que le choix du désir appartient au registre du goût et qu’à leur tour, « les choix sont enracinés dans le corps ». Le désir décidé suppose-t-il un choix ?

J.-A. Miller développe dans le cours « Les us du laps » cette question du « désir décidé », qu’il a prélevée dans une réponse de Lacan dans « Télévision », et qui s’est muée pour nous en un insigne incontestable du désir de l’analyste. Il le fait équivaloir à une volonté impérieuse, de l’ordre d’un caprice urgent[2].

Il dira également autre chose : le « désir décidé […] ne s’embarrasse pas toujours des signes de l’amour » Dès lors, « À désir décidé, amour d’autant plus courtois »[3].

D’un autre côté, si ce désir rend compte légitimement de ce qui est sous-jacent dans la position de l’analyste et de ce qui soutient son acte c’est parce qu’il s’articule en un discours venant maintenir la barrière entre le savoir et le pouvoir, comme le fait le discours de l’analyste. On ressent une certaine épouvante à assister au défilé actuel de ces figures politiques dont on pourrait dire qu’elles se soutiennent du désir décidé d’écraser les trois-quarts de l’humanité. Ils savent ce qu’ils veulent et cherchent à n’importe quel prix le pouvoir pour y arriver.

Du point de vue de la psychanalyse le désir décidé paraît plutôt résulter d’un traitement de la volonté de jouissance. Lorsque les AE témoignent de ce moment où ils ont pris la décision de faire la passe, ils l’expriment d’un « je ne peux m’empêcher de faire la passe, j’y vais », sans ignorer les conséquences de cet acte, et qu’il les confrontera pour exposer leurs raisons à la communauté analytique. La décision paraît bien plutôt l’expression d’un désir qui s’est fait volonté et qui consent à cette volonté tout en sachant que la jouissance la plus intime y est engagée.

L’analyse fait parfois apparaître qu’un désir décidé pourtant présent dès l’enfance a succombé durant des années au désir de l’Autre, dans l’attente d’une reconnaissance. Le désir décidé s’enracine de toute évidence dans le pulsionnel, ou dans les marques qu’a laissé sur le corps la rencontre avec lalangue. Cependant, ce à quoi nous assistons actuellement, et même dès l’enfance, est qu’avec le culte de l’envie immédiate ou avec l’attention portée au goût par exemple on ne laisse pas de place à l’attente, on n’examine pas ces marques – parfois impératives.

L’optimisme professé par Lacan me plaisait lorsqu’il proposait que l’expérience analytique offre une chance nouvelle à qui veut préserver son désir de la défense. Expérience qui permettrait à un sujet de savoir s’il veut ce qu’il désire, décider effectivement le désir. Mais il y a peut-être quelque chose de plus actuellement. Il ne s’agirait pas tant de préserver le désir de la défense que de le préserver d’un pousse-à-jouir de n’importe quoi qui s’accompagne d’une offre infinie de jouissance, ce qui donne d’autant moins la possibilité d’apercevoir le désir court-circuité, dans lequel le moment de conclure est subsumé sous l’instant de voir. Nous pourrions nous demander alors si ce désir court-circuité n’est pas lui aussi une modalité de défense. La psychanalyse offre peut-être aujourd’hui la possibilité d’accéder à une invention sinthomatique qui fasse accueil à la jouissance, au désir et au goût, sans oublier l’Autre. Maintenant, nous aurons à être à la hauteur de ce que nous offrons puisque l’invention incombe aussi et surtout à l’analyste. En effet, il ne s’agit pas de s’adresser à ce parlêtre pour lui dire n’importe quoi.

Texte traduit de l’espagnol par Jean-François Lebrun.

[1] Intervention lors d’une table ronde intitulée « Décider le désir » aux XVIIe Journées de la Revue la Escuela lacaniana de Psicoanalisis à Barcelone les 24 et 25 novembre 2018

[2] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Les us du laps », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 19 janvier 2001, inédit.

[3] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Donc », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 23 mars 1994, inédit.

Numéro : L'Hebdo-Blog 156
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