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Chronique du malaise, L'Hebdo-Blog 277

CHRONIQUE DU MALAISE : Peut-on savoir ce que tu es ?

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Depuis plusieurs années le service de développement d’identité de genre pour enfants (GIDS) [1] de la Tavistock Clinic, le seul du Royaume-Uni, est régulièrement mis en cause. Le voilà obligé de fermer d’ici le printemps prochain suite à une décision du service national de santé britannique, le NHS [2].

Charlie Hebdo, qui aborde ce sujet, illustre son article d’une caricature : un jeune ado est entre ses parents face au médecin. Sa mère lui dit : « Allez, mon chéri, dis-nous, quoi ?! Tu te sens plutôt Homme comme papa ou Femme comme maman ? Nous avons besoin de savoir pour bloquer ou non ta puberté… » et le père ajoute : « Il faut prendre ta décision, le docteur n’a pas que ça à faire, tu sais… Alors ?! » [3] C’est bien de cela qu’il s’agit, un « dis-nous ce que tu es » pour qu’on puisse fixer ça.

En 2015, un rapport mettait en cause sa gestion du nombre d’admissions. En 2018, le docteur David Bell, un psychiatre très respecté de la Tavistock, a affirmé que « les besoins des enfants y sont rencontrés de manière lamentablement inadéquate » [4], et en 2021 l’organisme de surveillance de la santé (CQC) [5] lui a donné la note la plus basse.

Entretemps la justice avait été saisie. C’est l’affaire Keira Bell, du nom de cette jeune femme qui avait attaqué la Tavistock en contestant la valeur de son consentement aux bloqueurs de puberté reçus à l’âge de seize ans, avant des injections de testostérone et une mastectomie. « J’ai vécu beaucoup de détresse à l’adolescence, a-t-elle déclaré à la BBC. En fait j’avais juste besoin d’un soutien psychologique et d’une thérapie pour tout ce que j’ai vécu. » [6] La Haute Cour de Londres lui a donné raison, avant que la cour d’appel n’infirme ce jugement sur un principe juridique : « c’est aux cliniciens plutôt qu’au tribunal de décider de la compétence à consentir » [7].

Le NHS a dès lors commandé une enquête indépendante au docteur Hilary Cass, une pédiatre renommée, dont le rapport attire spécialement l’attention sur deux points : les bloqueurs et le consentement.

Les bloqueurs de puberté sont prescrits sans que l’on connaisse leurs effets et conséquences sur le long terme, dénonce le rapport. « Nous ne comprenons pas entièrement le rôle des hormones sexuelles dans le développement de la sexualité et de l’identité de genre au début de l’adolescence. Par conséquent nous ne pouvons pas être sûrs de l’impact de l’arrêt de ces poussées d’hormones sur la maturation psychosexuelle et de genre. » [8]

Mais il y a peut-être pire, puisqu’ils sont prescrits pour permettre une pause, or « nous n’avons aucun moyen de savoir si, au lieu de gagner du temps pour prendre une décision, les bloqueurs de puberté ne risquent pas de perturber ce processus de décision » [9]. Au-delà de la question formelle du consentement, c’est le choix du sujet qui peut être mis en danger par ces procédés.

Regrettant l’insuffisance d’études sur les effets de ces substances, le docteur H. Cass en conclut que « les questions en suspens resteront sans réponse et le manque de preuves continuera à être comblé par des opinions polarisées et des conjectures » [10]. C’est l’idéologie qui passe alors au premier plan, au détriment de l’écoute des adolescents.

Alexandre Stevens

_________________________

[1] Gender Identity Development Service.

[2] National Health Service.

[3] McLiam Wilson R., « En Angleterre, l’identité de genre fait demi-tour », Charlie Hebdo, 10 août 2022.

[4] Barnes H., « The crisis at the Tavistock’s child gender clinic », BBC Newsnight, 30 mars 2021, disponible sur internet. Traduction de l’auteur.

[5] Care Quality Commission.

[6] Andersson J., Rhoden-Paul A, « NHS to close Tavistock child gender identity clinic », BBC News, 28 juillet 2022, disponible sur internet. Traduction de l’auteur.

[7] Siddique H., « Appeal court overturns UK puberty blockers ruling for under-16s », The Guardian, 17 septembre 2021, disponible sur internet. Traduction de l’auteur.

[8] Cass H., « Letter to NHSE », The Cass Review, 19 juillet 2022, disponible sur internet : Cass-Review-Letter-to-NHSE_19-July-2022.pdf. Traduction de l’auteur.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

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