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L’horizon du pire

Par Marie-Hélène Blancard
7 novembre 2021
L’horizon du pire
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La nostalgie de la norme mâle serait-elle une maladie susceptible de miner en profondeur les sociétés modernes, déboussolées par la révolution féministe ?

Récemment, France Culture se faisait l’écho du mouvement de protestation qui secoue la société sud-coréenne [1]. Les revendications féministes ont engendré des réactions de haine qui s’expriment ouvertement, amplifiées par les réseaux sociaux où circulent des appels au meurtre. Une majorité d’hommes se déclarent hostiles au mouvement féministe qui s’est ancré dans la société et qui a bouleversé le paysage politique en quelques années. Au moment de la légalisation de l’IVG [2], ont éclaté à Séoul des manifestations violentes aux slogans particulièrement haineux : « Le féminisme est une maladie mentale », ou encore « Le féminisme est un cancer ! »

Un YouTubeur qui insulte et menace des féministes rassemble 400 000 abonnés sur sa chaîne baptisée « Solidarité masculine ». Que ce soit sur internet, dans les rues, dans les sphères politique et économique, la parole des masculinistes gagne du terrain et s’affronte aux féministes regroupées dans un mouvement nommé « La vague ». Affaiblis et sans repères, ces jeunes hommes, qui doutent de leur avenir professionnel et sentimental, rendent les femmes responsables de tous leurs maux. Qu’il serait donc rassurant de pouvoir jouir sans fin des mêmes privilèges !

Peut-on faire de ce désarroi nostalgique de la norme mâle un effet de la féminisation du monde qui affolerait les masculinistes de tout poil ? Lacan nous rappelle que « c’est en tant qu’elle veut ma jouissance, c’est-à-dire, jouir de moi, que la femme suscite mon angoisse. […] Dans la mesure où il s’agit de jouissance, c’est-à-dire où c’est à mon être qu’elle en veut, la femme ne peut l’atteindre qu’à me châtrer » [3]. Pour lutter contre leur émancipation, on peut enfermer les femmes, les réduire au silence, les empêcher d’accéder à la culture et d’occuper une place dans la société : le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan l’a récemment montré.

La haine du féminin est le dénominateur commun entre les discours radicalisés, celui de la droite extrême comme celui des islamistes. La sympathie que Éric Zemmour éprouve pour Tariq Ramadan, selon lui victime d’un complot et donc injustement emprisonné pour des violences sexuelles, en dit long sur ce point. Ce sont les femmes qui menacent la norme mâle et qui veulent détruire l’hégémonie du pouvoir masculin sous toutes ses formes. Racisme, antisémitisme et homophobie sont les symptômes d’une haine de la différence qui est corrélative de cette croyance forcenée à l’Un phallique.

Sauver le patriarcat de la décadence au nom d’un passé mythique, qu’il s’agisse de la Tradition sacrée de Mahomet ou de l’Histoire sublimée de la France de Louis XIV, voilà l’objet de la croisade masculiniste. Célèbre pour sa misogynie, Zemmour fait l’apologie d’une virilité archaïque, déplorant que les gays soient devenus les modèles masculins : pour lui, la virilité va de pair avec la violence, l’homme est un prédateur, un conquérant mené par ses pulsions. Réagir à la décadence de la France en restaurant un ordre patriarcal que l’on croyait caduc, au mépris de l’État de droit et en falsifiant l’Histoire, tel est le programme qu’il propose. C’est un projet insensé, qui permet aux négationnistes et aux théoriciens du grand remplacement de retrouver une visibilité afin de séduire ceux – essentiellement des hommes – qui sont habités par la haine, la rancœur et le désir de vengeance.

Il y a dix ans, dans un article écrit pour Le Point, Jacques-Alain Miller estimait que les français « semblent voués à osciller, maniacodépressivement, entre l’exaltation de fictions grandioses et la délectation morose de leur déchéance, trouée de crises de panique et d’accès de rage xénophobe » [4]. Il faisait alors de Zemmour celui qui savait toucher, avec un art pervers, au point le plus sensible de leur douleur exquise, la nostalgie de « la France de papa » : « Les plus atteints croient que l’expression publique de leurs passions négatives les soulagerait. Illusion ! Injurier son prochain, rêver de le chasser pour rester entre soi à jouir en pantoufles du fantasme de la “Grande Nation”, ce n’est pas le remède, c’est le mal lui-même. » [5]

[1] Rocca N., « Le reportage de la rédaction. “Le féminisme est un cancer” : la haine des masculinistes en Corée du Sud », France Culture, 5 octobre 2021, disponible sur le site de France Culture.

[2] IVG : Interruption volontaire de grossesse.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 211.

[4] Miller J.-A., « Zemmour est aujourd’hui le nom de notre stress national », Le Point, 31 mars 2011, disponible sur internet.

[5] Ibid.

Numéro : L’Hebdo-Blog 253
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