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L’escabeau de Michèle S.

Par Hervé Castanet
26 avril 2015
L’escabeau de Michèle S.
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Le mot « S.K.beau » (= escabeau) est inventé en 1975 par Jacques Lacan[1] pour qualifier l’esthétique de James Joyce. La sublimation, via la question de l’œuvre d’art, y est impliquée.

Le corps

Dans L’éthique de la psychanalyse (1959-1960), Lacan avait donné une théorie de la sublimation : « Et la formule la plus générale que je vous donne de la sublimation est celle-ci – elle élève un objet […] à la dignité de la Chose »[2]. Cette Chose qui traduit das Ding freudienne est « cette réalité muette […] – à savoir la réalité qui commande, qui ordonne »[3]. La sublimation est une « opération ascensionnelle »[4] – une Aufhebung. Par contre, « S.K.beau » dénude ce réel auquel l’artiste se confronte et que les sublimations possibles voilent : au cœur du Beau toujours ce S.K. hors sens. L’escabeau est modeste – on s’y hisse mais pas bien haut ! Il est plutôt bricolé et relève du tordu et non du droit ou du rond. Ce n’est pas une métaphore mais une différence quant à la structure : « […] le réel du droit, c’est le tordu, […] le tordu l’emporte sur le droit, […] le droit n’est qu’une espèce du tordu »[5].

Le corps des sujets parlants y est engagé. Comment ? « L’S.K.beau c’est ce que conditionne chez l’homme le fait qu’il vit de l’être (= qu’il vide l’être) autant qu’il a – son corps : il ne l’a d’ailleurs qu’à partir de là. »[6]

L’artiste précède le psychanalyste

Le travail photographique de Michèle Sylvander[7] apporte sa contribution à cette interrogation. Ainsi La fautive (1995 – élément n° 17 de la série Rencontres. Photographie polaroid, 54 x 47 cm[8]). Cette petite image, qui ne paye pas de mine, est l’une des réalisations les plus accomplies de cette artiste. Pourquoi ? M. Sylvander se présente de face, pensive et immobile. Ses yeux fixent l’objectif. Le cadrage inclut la tête maquillée, les épaules, le buste jusqu’au-dessous des seins. Elle est seulement vêtue d’une chemise blanche large, le col relevé, largement ouverte. L’artiste a disposé sur sa poitrine (les seins sont cachés ; la naissance du sein gauche visible) des poils nombreux et épais qui donnent l’aspect d’une poitrine d’homme. L’image fait donc coexister une femme avec une poitrine d’homme ou un homme avec un visage de femme. À se planter devant la photographie, impossible de trancher – homme ou femme ? Le titre, Fautive, indique une réponse. La faute de cet homme est d’être une femme. L’identité féminine est une faute par rapport à l’identité masculine. La force de cette image est que le titre en est l’interprétation. Être une femme relève de la faute. Serait affirmé ceci : il n’y a qu’un seul sexe – celui qui fait un homme. Il n’y a pas de deuxième sexe. La femme est une faute ! L’image ni ne dit ni ne montre plus. Elle est une affirmation simple exposée dans l’évidence. Elle interprète de façon critique en laissant ouverte cette question : Qu’est-ce qu’une femme si elle ne se réduit plus à être la faute d’un homme ? Telle est sa force. Le dernier mot sera à l’artiste : « […] je pense m’éloigner totalement des codes utilisés pour parler de sexe »[9]. Cet éloignement fait non pas la limite de cette œuvre photographique, mais sa grandeur puisqu’elle déconstruit les limites homme/femme fondées par les signifiants du patriarcat phallique.

[1] Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, Seuil, 2001, p. 565.

[2] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Seuil, 1986, p. 133.

[3] Ibid., p. 68.

[4] Miller J.-A., « Notice de fil en aiguille », Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Seuil, 2005, p. 209.

[5] Ibid.

[6] Lacan J., « Joyce le Symptôme », Autres écrits, op. cit. .

[7] Michèle Sylvander (née en 1944) vit et travaille à Marseille. Se reporter au site : documentsdartistes.org

[8] Michèle Sylvander, catalogue d’exposition, MAC-Galeries contemporaines des musées de Marseille, 2003, p. 51.

[9] « Face à face (en miroir) – Conversation sur les images de Michèle Sylvander », ibid., p. 7.

Numéro : L'Hebdo-Blog 29
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