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Edito : La trace du père

Par Ligia Gorini
8 mai 2022
Edito : La trace du père
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« Nous sommes en phase de sortie de l’âge du père » [1], affirmait Jacques-Alain Miller en avril 2013, lors d’une rencontre littéraire organisée par Christine Angot au théâtre Daniel Sorano de Toulouse. Sa récente lecture de l’auteure, dans Une semaine de vacances [2], lui avait permis de saisir l’actualité de l’élaboration de Lacan dans le Séminaire VI, Le désir et son interprétation [3], à propos du remaniement des lignes de l’Œdipe par le concept de désir. Il signale que « selon Lacan le père est à interpréter en termes de perversion » et ajoute que l’Œdipe, loin d’être l’unique solution du désir, « en est sa forme normalisée, et sa prison » ; qu’il est « pathogène » [4] – les leçons sur Hamlet en témoignent. Le Séminaire met en jeu la dimension du fantasme comme lieu où se loge le désir de chacun, et qui vient empêcher toute corrélation directe entre le sujet et l’objet de son désir. Pas de lien univoque lorsqu’il est question de désir, mais des circuits complexes, irréductibles aux idéaux communs.

Lacan annonçait déjà à cette époque « le remaniement des conformismes antérieurs instaurés, voire leur éclatement » [5] : le déclin du patriarcat, le changement imminent des mœurs. La mise en question des limites du complexe œdipien et du mythe paternel s’est poursuivie tout au long de son enseignement. Freud a beaucoup œuvré pour sauver le Père ; Lacan est parvenu à le définir à partir d’une fonction. Quelle serait cette fonction ?

Dans la première et unique leçon du Séminaire « Introduction aux Noms-du-Père » [6], Lacan commence par retracer le fil de son élaboration sur le père, depuis la formalisation de la métaphore paternelle du Séminaire III jusqu’au drame du père dans la trilogie claudélienne analysée dans le Séminaire sur le transfert. Il avance par la suite sur ce que le mythe du père implique dans le registre de la jouissance, du désir et de l’objet, pour en arriver à formuler que la perversion « représente la mise au pied du mur, la prise au pied de la lettre de la fonction du Père, de l’Être suprême. Le Dieu éternel pris au pied de la lettre, non pas de sa jouissance, toujours voilée et insondable, mais de son désir comme intéressé dans l’ordre du monde » [7].

Fini le règne du Père comme seule boussole aux questions existentielles. Le Nom-du-Père, dit Lacan, crée la fonction du père. En posant le père comme une fonction, il arrive à faire passer de la logique universelle au particulier de l’existence comme telle [8]. Lacan parle alors de versions du père, une par une, dans la singularité de chacun comme autant d’inventions venant voiler ce qui reste irréductible dans le savoir. Si « le père c’est une fonction qui se réfère au réel » [9] en tant que ce point irréductible, comme il le formulera bien plus tard, le Nom-du-Père est un semblant, dans la mesure où il relève d’un montage venant lier « le signifiant et le signifié, la Loi et le désir, la pensée et le corps » [10]. À chacun l’invention d’un nouage singulier entre les trois registres – le symbolique, l’imaginaire et le réel – jouant le rôle de boussole.

Le père lacanien n’a donc pas de pattern. Lacan nous enseigne qu’il est celui qui épate (sa famille) [11], dans la mesure où il ne s’identifie pas à l’idéal « pour tous » de la fonction. Le nouvel amour du père pourrait être ainsi père-versement orienté.

Ligia Gorini

_________________

[1] Texte de Jacques-Alain Miller dans ce numéro. Miller J.-A., « Nous n’en pouvons plus du père ! », L’Hebdo-Blog, n°269, 9 mai 2022, publication en ligne.

[2] Angot C., Une Semaine de vacances, Paris, Flammarion, 2012.

[3] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2013.

[4] Miller J.-A., « Nous n’en pouvons plus du père ! », op.cit.

[5] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, op.cit., p. 571.

[6] Lacan J., « Introduction aux Noms-du-Père », Des Noms-du-Père, Paris, Seuil, 2005, p. 65-104.

[7] Ibid., p. 89.

[8] Ibid., p. 74.

[9] Lacan J., « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines. Columbia University, 1er décembre1975 », Scilicet, n°6/7, novembre 1976, p. 45.

[10] Miller J.-A., « Quatrième de couverture », Des Noms-du-Père, op.cit.

[11] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 208.

Numéro : L’Hebdo-Blog 269
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