Alors là… Bravo !
Cette fois-ci, cela revient aux hommes politiques d’avoir à faire le nécessaire pour sauver une histoire d’amour. L’ont-ils fait par amour ? Par calcul politique ? Par intérêt national ? Quand ? Quoi ?
Voici l’histoire :
Nous sommes en 2016. Les deux spectaculaires portraits des époux – Oopjen Coppit et Maerten Soolmans – peints par Rembrandt sont à vendre. Éric de Rothschild, son propriétaire, veut s’en séparer. Prix ? Cent soixante millions d’euros. Prix impossible pour l’État français. En même temps l’œuvre ne peut pas sortir du territoire. Comment faire ?
On coupe la poire en deux : la France pourrait éventuellement acquérir un des deux Rembrandt, et la Hollande, l’autre.
En pleine crise existentielle, le couple le plus durable de l’histoire de l’art est suspendu à un arrangement à l’amiable. Et on trouvera une solution : les deux portraits continueront d’être exposés ensemble, en alternance entre le Louvre à Paris et le Rijksmuseum, à Amsterdam. Et ainsi de suite. Toujours en rotation. L’accord ne serait pas, à proprement parler, de la copropriété, puisque l’œuvre française, une fois entrée dans les collections nationales, deviendrait inaliénable, mais l’équivalent d’un contrat de mariage établi sous le régime de la séparation des biens. Au terme de l’accord, le couple nomade ne pourra pas être séparé, il ne quittera pas l’Europe et il sera interdit de prêt. Merci François Hollande et ses majestés les princes Hollandais.
Ah ! Quel plaisir d’aller les contempler en connaissant cette histoire. Rembrandt peint les deux portraits en 1634. Il a vingt-huit ans, il connaît une de ses périodes les plus fécondes. Seuls portraits en pied grandeur nature connus, ils constituent une exception dans son œuvre. Ce type, réservé aux cours d’Europe méridionale, était alors rarissime en Hollande. Il est probable que les modèles souhaitaient, par l’introduction de ce mode de représentation, afficher leur statut social. En effet, les époux appartenaient à la plus haute bourgeoisie d’Amsterdam. Maerten Soolmans, fils d’un réfugié anversois, venait d’épouser Oopjen Coppit, l’un des meilleurs partis de la ville.
Pour cette commande prestigieuse, Rembrandt fait dialoguer les deux compositions par l’introduction d’un mouvement : Maerten Soolmans tend un gant, gage de fidélité, à son épouse qui descend un escalier vers lui ; les nœuds à la ceinture créent comme une guirlande unissant les époux. Un grand rideau dans le fond unit les deux toiles et le luxe des tenues noires, alors les plus coûteuses, lui offre l’occasion de montrer son brio dans le rendu des matières : soie, satin, tulle. Le génie de l’artiste se verra aussi à la précision et au raffinement des extravagants nœuds des souliers de l’époux ou l’éventail d’Oopjen.
Aujourd’hui, il faudra aller à Amsterdam pour les voir. Ils étaient au Louvre pendant trois mois avant de repartir pour le Rijksmuseum pour cinq ans puis de revenir au Louvre pour cinq ans, après quoi chacun des deux musées pourra les garder pour huit ans.
L’histoire est tellement belle que même la marque de jouets Playmobil leur consacre une (deux) figurine(s). Inséparables ! Précision : la France est le détenteur de Madame ; Monsieur appartient à la Hollande. Malgré nos recherches cette distribution n’a pas pu être explicitée. Peut-être la solitude du pouvoir et les embrouilles sentimentales de notre ancien président au moment du choix l’auraient poussé vers le féminin ? Mystère….