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Contre-temps

Par Michèle Elbaz
27 mai 2018
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C’est par la porte d’entrée même de ce grain de folie dont j’avais à parler ici que je suis passée pour l’écrire !

Car, le mail de la belle proposition d’Anna Aromi était tombé dans mes spams, inaperçu ! Soudain j’ai dû écrire ces quelques lignes pour vous dans une extrême urgence, sur le mode que je dirais ainsi : à partir du temps que je n’avais pas ! 

Ce temps que je n’ai pas, c’est précisément la modalité de jouissance itérative, le noyau du symptôme que la logique de ma passe a dégagé.

Avoir un grain en français c’est être pris temporairement par une action folle, hors sens. Mon grain de folie, ce reste inéliminable, c’est ce moment où la pression du temps qu’il n’y a pas m’affole et dérègle mes horloges et mon corps !

De retards en manque de temps, en temps perdu, créant ma propre hâte, d’abord j’appelle à la rescousse la bibliothèque universelle du savoir, le corps tremblant et les nuits courtes, mais cette plongée est insurmontable, mortifiante et absurde ; je risque alors des bribes de réponses à ma main sans le filet de l’Autre, laissant là l’ampleur imaginée du travail à produire qui me rend folle !

D’ailleurs quand le temps vient à ne pas manquer, lorsque j’en ai, immanquablement j’organise sa perte, sa fuite, comme sable entre les doigts, jusqu’à buter sur ce temps qu’on a pas, et dont la secousse, force à la création.

Vous le voyez, ce scénario d’un hors limite qui m’affole, c’est celui qui flirte avec la Dead line.

Cette Dead line je l’ai rencontrée à l’orée de la vie ; c’est à partir d’elle que le petit être, dans une extrême prématurité, écourtant le temps, s’est arraché à la mort. Cet arrachement marque le réel du temps qu’il n’y a pas. Mais cette existence gagnée sur un bord pulsionnel du naît (au sens de l’acte décidé, contrairement au né comme état), fut frappée des paroles de Cassandre prononcées par le médecin accoucheur. Le « elle ne va probablement pas rester en vie » fut une parole docte. Ce savoir de mort que l’Autre a tendu, le sujet a consenti à s’y articuler mais à condition de lui faire subir un contretemps, de ruiner sa probabilité (le probable-ment !). Insondable décision de l’être de ne pas y succomber !

Dans une discontinuité radicale avec les temps multiples de l’analyse, l’instant de passe fut celui d’un temps asémantique qui a surgi, localisant une jouissance supplémentaire, Autre, que l’on peut formuler ainsi : avec les moyens du contretemps, le corps se jouit de son vivant !

La contingence du c’est ça ! a surgit dans un syntagme nouveau, inattendu, que je me suis entendu prononcer : « pas achevée », (où s’entend – et s’y sent ? – la conjonction du pas fini d’un corps, avec le pas tuée d’existence) ; il constitua l’acte intempestif, la décision de la fin de l’analyse et l’expérience de la passe. À l’annonce de la nomination, le séisme intense du corps enregistra et attesta de cet impact de la langue sur le corps.

Ainsi, l’analyse achevée s’est présentée comme l’incarnation de l’être du pas achevée [1].

C’est dans la passe que se sont nouées « la fonction temps » et « la fonction corps » qui faisaient les coordonnées de mon existence.

À ce temps qu’il n’y a pas, la jouissance d’un corps ébranlé par l’urgence a fait allégeance !

À la fin de l’analyse et dans la passe, cette allégeance est faite à la fois d’un consentement à cette Autre jouissance inéliminable et d’un allégement par un savoir y faire avec ce grain de réel, ce rien de temps qui est Un d’existence.

C’est un reste fécond en précipitations : précipitation du temps et précipité du texte !

Il ne s’agit donc plus de se faire bouffer par le temps mais de faire levier de son manque. En jouer, en faire l’instrument du risque et de l’invention qui ne surgissent que de ses failles. Alors il s’avère élastique, ce qui est un gain du savoir y faire que l’on bricole à partir de l’incurable du symptôme.

Vous vous souvenez qu’Alice de Lewis Carroll, inquiète et étonnée dans les dédales de son souterrain, franchit pourtant des portes auxquelles s’ajustent les transformations de son corps, ce que Lacan épingle de cette formule : qu’« on ne franchit jamais qu’une porte à sa taille » [2]. C’est à la fois satisfaisant et roboratif !

Est-ce folie que de vous dire qu’il y a donc une porte au temps, et que c’est son manque ?!

Gardons comme enseignement, pour un gai savoir, que si le grain de sable enraye, le grain de folie embraye ! Embraye sur le nouveau.

Alors comme vous l’avez compris, ce grain de folie, c’est pour moi le grain du temps.

[1] Commentaire d’Éric Laurent lors de mon témoignage à Madrid.

[2] Lacan  J., « Hommage rendu à Lewis Carroll », Ornicar, Paris, Navarin, n° 50, janvier 2003, p 11.

Numéro : L'Hebdo-Blog 138
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