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Un désir en corps

Par Céline Aulit
12 septembre 2021
Un désir en corps
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Vingt-et-un témoignages.
Vingt-et-une traces d’une rencontre avec un désir en acte.
Vingt-et-un styles.

Le Désir de Lacan[*] s’ouvre sur une leçon inédite du Séminaire « R.S.I. » de Lacan qu’il a prononcée le 19 novembre 1974. Il y annonce tout de go que « si l’analyse est un remède contre l’ignorance, elle est sans effet contre la connerie »[1].

Il est impossible de parler de Lacan sans évoquer son style, « quelqu’un qui élevait sa singularité à la dignité d’un style et qui, infatigablement, cherchait à réveiller »[2], écrit Laura Petrosino. Elle épingle ainsi deux signifiants incontournables quand il s’agit de Lacan : le style et le réveil. Il a fait du style « la seule formation que nous puissions prétendre à transmettre »[3]. Lacan est, pourrait-on dire, le pionnier de la psychanalyse en acte, « expérience originale »[4] qui se distingue de toute psychanalyse didactique.

Jacques-Alain Miller met cette expérience au centre de la distinction entre la psychanalyse lacanienne et celle de l’IPA : « l’expérience analytique a débordé toute théorie que l’on a prétendu fixer »[5]. Il y a donc un primat de l’expérience sur la théorie. Ce « n’est pas une expérience immédiate, […] humaine, mais une expérience analytique, […] structurée, relevant de ce que Lacan a appelé un discours »[6] ; « [f]ormer est [d’ailleurs] un mot qu’il faut abandonner parce que sa référence est imaginaire »[7]. La formation se conclut toujours par l’identification au formateur : « le savoir qui opère dans l’expérience analytique ne peut pas s’expliciter »[8]. La contingence ainsi que l’ici et maintenant y sont mêlés.

On ne peut pas faire fi de ce qui s’enseigne, de la théorie, des concepts mais, dans l’expérience analytique, J.-A. Miller nous propose de nous mettre en rapport avec ce qui ne s’enseigne pas. Ce qui vient appuyer le lieu d’où ça s’énonce. C’est ce dont témoignent les Analystes de l’École : une énonciation touchée par l’expérience.

Philippe Stasse et Alexandre Stevens, dans ce recueil concocté par Bruno de Halleux, l’affirment chacun à leur façon : la psychanalyse s’occupe du pire, « l’inavouable de la pulsion de mort freudienne que Lacan a pu théoriser en termes de jouissance et d’objet a »[9]. Le désir de Lacan, inextricablement lié à la formation du psychanalyste, trace deux sillons : l’analyse et la pratique, seules voies royales pour élaborer son propre rapport à l’inconscient, puisqu’« être analyste ce n’est jamais que travailler à le devenir »[10]. Le corps retrouve ses lettres de noblesse et notamment « le corps de Lacan en train de parler. Son corps et son énonciation, c’est-à-dire sa présence »[11]. Mettant par là le corps au centre des préoccupations. C’est de la confrontation entre les concepts et l’expérience, ce qui ne s’enseigne pas, que le sujet peut se transformer et modifier son énonciation : « Ainsi […], le psychanalyste n’a plus à attendre un regard, mais se voit devenir une voix »[12].

De cette expérience originale, il ne peut être question dans la psychologie, car en se rapprochant de la science, nous vérifions aujourd’hui plus que jamais ce que Lacan, dans son discours de Rome, avançait déjà, à savoir que la science « réduit […] le réel au mutisme »[13]. Nous en sommes témoins en Belgique avec les dérives catastrophiques que sont les actes d’euthanasie pour raisons psychiques : « Les résistances de toutes sortes à la psychanalyse ne font que cacher le refus de prendre en compte l’horreur de la pulsion de mort. »[14] Il s’agit plutôt d’un ne pas vouloir savoir généralisé avec comme conséquences, d’une part, un renforcement du discours de la science et, d’autre part, en compensation, une inflation des pratiques de bavardage ainsi que des pratiques du corps, pour trouver du sens à ce qui se passe. Dans les deux cas, le réel est bâillonné.

L’objectivation psychologique élude la question de la responsabilité et toute possibilité laissée au sujet de prendre son symptôme à bras le corps. Il s’agit que la conscience laisse la place à la parole et que « cette parole soit entendue ». Sans doute est-ce là un des points fondamentaux de la formation du psychanalyste que nous a transmis Lacan. C’est la seule chance de pouvoir se séparer d’un mode de jouir pulsionnel dévastateur et que surgisse une autre forme d’intranquillité qui serait davantage de l’ordre d’un réveil, un ressort. Une intranquillité vivifiante.

[*] L’ouvrage collectif, dirigé par Bruno de Halleux, Le Désir de Lacan, paru aux Presses Psychanalytiques de Paris en 2021, est disponible à la vente en ligne sur le site de l’ECF-Échoppe.

[1] Lacan J., « Jour de grève », texte établi par J.-A. Miller, Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », in de Halleux B. (s/dir), Le Désir de Lacan, Paris, Presses Psychanalytiques de Paris, 2021, p. 8.

[2] Petrosino L., « L’art d’aimer Lacan », in De Halleux B. (s/dir), Le Désir de Lacan, op. cit., p. 49.

[3] Lacan J., « La psychanalyse et son enseignement », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 458.

[4] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 246.

[5] Miller J.-A., « La “formation” de l’analyste », La Cause freudienne, n°52, novembre 2002, version CD-ROM, Paris, Eurl-Huysmans, 2007, p. 6.

[6] Ibid.

[7] Ibid., p. 7.

[8] Ibid.

[9] Stasse P., « Le désir de désir », in De Halleux B. (s/dir), Le Désir de Lacan, op. cit., p. 58.

[10] Miller J.-A., « Présentation du thème des Journées de l’ECF 2009 : comment on devient psychanalyste à l’orée du XXIe siècle : perspective de politique lacanienne, seconde intervention », La Lettre mensuelle, n°279, juin 2009, p. 4.

[11] Stevens A., « Rencontre », in De Halleux B. (s/dir), Le Désir de Lacan, op. cit., p. 59.

[12] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967… », op. cit., p. 254.

[13] Lacan J., « Discours de Rome », Autres écrits, op. cit., p. 137.

[14] Stasse P., « Le désir de désir », op. cit., p. 58.

Numéro : L’Hebdo-Blog 247
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