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Un amour impur ?

En juin, nous avons demandé aux membres du comité de pilotage et du comité scientifique des 44es Journées une contribution originale, en leur proposant de piocher dans une longue liste de mères « typifiées » pour l’occasion.

Nous faisions le pari que les responsabilités actuelles dans l’organisation des J44 faisaient de nos interlocuteurs de véritables catalyseurs du thème. L’Hebdo-Blog a souhaité recueillir cette matière sensible tamisée par le style de chacun. Que nous apprirent-ils ? Avec la mère du don, à partir du film Mildred Pierce, Hélène Bonnaud mit d’emblée la focale sur le ravage, qui se distingue ici d’un défaut d’amour. Le dit « amour maternel » réalisé jusqu’à son comble peut être pourvoyeur de dégâts. En isolant la position sacrificielle d’une mère, nous apprenons que ce qui est sacrifié ici, c’est la femme dans la mère. D’emblée, ce premier texte permit d’opacifier la figure de la mère toxique que Camilo Ramirez mit en question dans son texte paru dernièrement. Car, en chaque mère, existe une zone inquiétante qui peut rapidement confiner à une « diabolisation psychologisante de l’être mère ». Ainsi éclairée, l’inexorable « faute maternelle » glisse du côté d’une faute d’entendement : « faute d’entendre la femme derrière la mère ».

Examiner la nature de l’amour maternel à partir du lien à l’objet-enfant en confrontant ce lien avec ce qui se produit dans la passion ou dans le deuil, permet de nuancer l’imaginaire de pureté d’un primary Love, pour lui préférer l’accent du désir, impur de structure ; c’est ce que démontra Aurélie Pfauwadel. Quid de cette « impureté » du désir, enserrée dans l’ombre du péché originel, quand il est aujourd’hui possible pour les mères modernes d’être « enceintes de la science », soit d’avoir une maternité sans sexualité, à l’instar de la Vierge Marie ? C’est ce qu’interrogea pour nous Damien Guyonnet.

Au fond, cette impureté, sous de multiples formes, court dans tous les textes.

Car n’est-ce pas cette impureté encore, dans le texte de Daniel Roy, qui vient se glisser entre les gestes de la mère et le corps pulsionnel de l’enfant ? Faisant ainsi de la mère « la première séductrice » de l’enfant, comme le souligna scandaleusement Freud en son temps. Se pourrait-il que par l’émoi qu’elle suscite à son corps défendant, la mère reste nimbée d’une puissance et d’un reproche éternels, ces gestes furent-ils ceux qui ouvrirent la possibilité d’un monde au corps de l’enfant ?

Nous sommes aujourd’hui à quelques jours des 44es Journées de l’École de la Cause freudienne, et nul doute que ces questions gagneront encore en acuité, en complexité, en opacité, pour tendre vers une élucidation. Avant cet événement attendu, LHebdo-Blog vous convie à venir découvrir, lundi prochain, le texte de Christiane Alberti, Directrice des Journées, qui viendra ponctuer ces portraits, et qui sait, les interpréter ?

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a-corps parfaits

« a-corps parfaits », un titre en forme de Witz pour le Colloque annuel de l’ACF-Estérel Côte d’Azur du 11 octobre 2014 dont vous lirez l’introduction faite par Armelle Gaydon.

Les corps remaniés par la science, que notre époque rêve sans limites, résonnent dans le titre « a-corps parfaits », ainsi que dans le titre choisi par notre invité. Il a bravé une météo fort aléatoire pour venir nous parler des « Paradoxes de la prédiction »… : avouons qu’hier soir nul ne se risquait à prédire s’il finirait par se poser à Nice. Mais François Ansermet a parié sur son désir et non sur le calcul de probabilité. Et voilà ! Il est là.

Lacan aimait à dire qu’« il n’y a de science que fiction »[1]. Il accordait son estime à ces fictions futuristes qu’il qualifiait tantôt de « variations sur le thème du savoir absolu » tantôt d’« amusettes »[2]. Prendre le propos de Lacan au sérieux, c’est s’apercevoir qu’un thème récurrent du cinéma campe des héros aux corps glorieux, ayant réalisé la promesse de la science d’éradiquer les limites du corps[3]. En somme, la science-fiction dévoile en quoi les corps sont devenus les « victimes toutes désignées » de la science[4].

Dès 1974, Lacan prédit le retour de la religion, y compris la religion des corps. Mais la science avec ses « tripatouillages » lui paraît « autrement plus despotique, obtuse et obscurantiste » que la religion[5]. Il est temps d’ajouter aux trois professions impossibles – gouverner, éduquer et psychanalyser – « une quatrième, la science. À ceci près, dit-il, que les savants ne savent pas que leur position est insoutenable ». Il évoque une science « folle » « avançant à tâtons » et « sans juste milieu » au point qu’elle commence à effrayer les savants eux-mêmes qui soudain se demandent : « Et s'il était trop tard ?... Et si tout sautait ? »

En riant il ajoute : « Je ne suis pas pessimiste. Il n’arrivera rien. Pour la simple raison que l’homme est un bon à rien, même pas capable de se détruire lui-même. […] Je trouverais merveilleux un fléau total produit pour l'homme. Ce serait la preuve qu’il est arrivé à faire quelque chose […]. [Ce serait] le triomphe de l’homme ». Il conclut : « Mais ça n’arrivera pas » !

Lacan restait optimiste. Certes, nous les savons tenaces, ces fantasmes de « corps parfaits » ainsi que ces vertiges des sciences de la vie qui réalisent une autre prophétie de Lacan : l’avènement du corps « détaill[é] pour l’échange »[6].

Le mérite de ces films est de mettre en scène le pouvoir d’effraction et la puissance subversive qui résulte du fait que ces corps qui rêvent de perfection soient aussi des corps parlants et désirants. La science-fiction oppose souvent aux sociétés futuristes et totalitaires pilotées sur écran, une poignée de rebelles déguenillés qui n’ont pour trouer cette toute-puissance que leur courage physique, leur incompréhensible volonté de continuer à faire l’amour pour se reproduire et leur étrange énergie à continuer de vouloir lire des livres imprimés sur papier. La clinique nous l’apprend : on pourra toujours compter sur l’incroyable capacité du parlêtre à se prendre les pieds dans son fantasme, son inconscient et sa jouissance et à faire buguer, dérailler et rater ces projets de sociétés pures.

En matière de prédiction, la seule chose à peu près sûre c’est que les parlêtres continueront d’avoir affaire, dit Lacan, au réel qui toujours « prend l’avantage »[7]. Céder à l’inquiétude n’est donc pas de mise tant que le psychanalyste gardera une orientation vers le réel. Pour cela, là où « les savants [dont parle Lacan] ont leurs alambics et […] leurs montages électroniques » [8], notre « couteau-suisse » à nous – je rappelle que François Ansermet vient de Suisse ! – c’est… de rendre au parlêtre sa parole.

[1] Lacan J., interview pour le magazine Panorama (1974), republiée dans le Magazine Littéraire, n° 428, février 2004, p. 24 : « Pour moi, la seule science vraie, sérieuse, à suivre, c'est la science-fiction. » Disponible en ligne (octobre 2014). [2] Lacan J., Le Séminaire, livre IX, L’identification, inédit, Leçon du 22 novembre 1961. [3] Cf. Armelle Gaydon, « Limitless », a-corps parfaits n°4, newsletter préparatoire au Colloque de l’ACF-ECA du 11 octobre 2014, en date du 29/09/2014, disponible en ligne (octobre 2014) sur le Blog de l’ACF-ECA. [4] En paraphrasant Jacques-Alain Miller qui parlait des « enfants victimes toutes désignées du savoir ». Cf. Jacques-Alain Miller, « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Navarin Editeur, 2011, p. 13-20. [5] Lacan J., interview republiée dans le Magazine Littéraire, op.cit., ainsi que les citations qui suivent. [6] Lacan J., « Allocution sur les psychoses de l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 369. [7] Lacan J., interview republiée dans le Magazine Littéraire, op.cit. [8] Ibid.

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L’analyste porte la parole

L’école de Lacan est celle qui parle à partir de ce qu’est l’expérience d’une psychanalyse. La présence de l’ECF dans les régions devient particulièrement effective lorsque ceux qui sont allés jusqu’au terme de cette expérience y sont invités. S’enseigner de leur témoignage est le pari que peut prendre la communauté de travail qui s’inscrit dans l’orientation lacanienne. C’est dans cette intention que l’ACF-Midi Pyrénées a invité le 4 octobre dernier Danièle Lacadée-Labro, AE en exercice, à venir rejoindre ses membres pour participer à une séance de leur Séminaire Interne et donner une conférence publique. Florence Nègre saisit ici les points vifs de sa conférence devant un auditoire en grande partie jeune et captivé qui l’a écoutée parler sous le titre « Une cure-type aujourd’hui: une femme à venir de la fille ».

La cure-type, extraite du texte[1] de Lacan, avait été, avant la conférence, à l’ordre du jour du Séminaire Interne. Selon la méthodologie lacanienne qui exige des mêmes choses un « discours différent à être prises dans un autre contexte »[2], chacun avait relu ce texte de 1953 dans la perspective de la question mise au travail cette année : qu’est-ce qu’une psychanalyse au XXIe siècle ? Puis une conversation s’est engagée où chacun s’est tenu à suivre l’invitation éthique de Jacques-Alain Miller à « rester au plus près de l’expérience pour la dire »[3], pour dire la psychanalyse qui change. Comment par exemple envisager ce propos fort de Lacan selon lequel « l’analyste porte la parole »[4] du sujet à l’ère du parlêtre, quand la parole du sujet mute en « percussion du signifiant sur le corps »[5] ?

Une femme à venir de la fille. De la fille à la femme, l’avenir est tout tracé pour la biologie. Il en va tout autrement pour la psychanalyse. Prenant appui sur son analyse, Danièle Lacadée-Labro a fait entendre au cours de sa conférence que l’on devient femme selon un trajet singulier, une par une, au gré des rencontres et tout particulièrement de ce qui vous a été dit ou ce qui ne l’a pas été. Il s’en déduit que l’expérience de la psychanalyse peut permettre d’aller jusqu’au point de rendre compte de ce trajet et du sujet féminin qui en résulte. Extrayant de son expérience de vie des signifiants marquants, isolant la tristesse « passée dans [son] corps » « comme un liquide dans le corps », l’analyste s’est employée à disséquer plusieurs rêves jusqu’à rendre compte du passage subjectif entre le début de l’analyse empreint d’« un deuil infini » et la fin, marquée d’« un plus de vie »[6]. J.-A. Miller, commentant l’ultime conception de la passe par Lacan, avait pointé qu’il s’agit d’« une procédure inventée […] pour mettre à l’épreuve de dire la fin de l’analyse. »[7] Eh bien, c’est à cela que nous avons assisté, à une mise à l’épreuve de dire son expérience de la cure. Deux conséquences en ont découlé : un effet vivifiant du côté de la salle d’où ont fusé réactions et interrogations, et une mise au travail de D. Lacadée-Labro elle-même à recevoir et examiner les questions posées par l’assistance.

De sorte que l’on peut dire avec Lacan que si « la psychanalyse ne change rien au réel, [...] elle “change tout” pour le sujet »[8].

[1] Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966. [2] Ibid, p. 339. [3] Miller J.-A., L’inconscient et le corps parlant, Conférence prononcée en clôture du IXe congrès de l’AMP le 17 avril 2014 à Paris. (L'inconscient et le corps parlant, http://wapol.org/fr/articulos/Template.asp?intTipoPagina=4&intPublicacion=13&intEdicion=9&intIdiomaPublicacion=5&intArticulo=2742&intIdiomaArticulo=5) [4] Lacan J., « Variantes de la cure type », op.cit., p. 350 [5] Miller J.-A., « L’enfant et le savoir », Peurs d’enfants, Collection de la petite Girafe, Paris, Navarin, n° 1, 2011, p. 19. [6] Lacadée-Labro D., « Reddition de l’hystoire et réduction de la jouissance », La Cause du désir, Paris, Navarin, n° 87, p. 95. [7] Miller J.-A., « La passe du parlêtre », La Cause freudienne, Paris, Navarin, n° 74, p. 118. [8] Lacan J., « Variantes de la cure-type», op. cit., p. 350.

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« J’ai le droit d’être reçue au CPCT»

Lorsqu’une personne arrive au CPCT, elle rencontre d’abord le consultant. C’est à celui-ci de décider s'il y a lieu de continuer les entretiens ou non. Nicole Borie nous présente un cas pour lequel elle dit non. Et elle ajoute : « Le temps nécessaire est à prendre pour trouver la meilleure issue. » Elle nous enseigne que ne pas donner suite à une demande adressée au CPCT doit tenir compte de la modalité de parole du sujet. Elle nous transmet une façon de faire qui se construit dans les rencontres avec le consultant. Elle n’énonce pas un non, mais élabore une issue qui, vous pourrez le lire, est encore une solution singulière.

Il arrive que nous rencontrions au CPCT une personne pour qui le dispositif ne convient pas. Le temps nécessaire est à prendre pour trouver la meilleure issue.

J’ai reçu cinq fois Lina, d’origine chilienne, à raison d’un rendez-vous tous les mois, voire toutes les six semaines. Venue en France pour y devenir professeur d’espagnol, « mise au chômage » contre son gré par l’éducation nationale, Lina rumine sa rancœur. Depuis quatre ans elle ne travaille plus, et l’année de stage et de formation qui a précédé son premier poste reste une source inépuisable de reproches. L’année suivante, l’annonce d’un cancer du sein condensera son combat. La médecine lui propose une mastectomie préventive de l’autre sein. Lina n’hésite pas et « demande » cette deuxième opération. Depuis, elle n’a de cesse d’exiger que l’on reconnaisse le dommage qui lui a été fait. Elle est bénéficiaire du RSA, mais elle se déclare toujours mise au chômage par la volonté mauvaise d’un Autre.

Le conseiller de Pôle emploi l’adresse au CPCT. Lina attend qu’il lui trouve un travail à la hauteur de ses compétences. Par ailleurs, Lina n’a aucun problème. Elle vit seule, a repris la course à pied le plus vite possible après l’opération. Elle ne s’ennuie jamais, ne se plaint de rien, pas même de douleurs physiques. Elle reconnaît qu’elle ne souffre d’aucune douleur physique suite à son opération.

Le même conseiller de Pôle emploi lui propose de déposer une demande d’AAH (Allocation aux Adultes Handicapés). Lorsqu’elle arrive au CPCT, elle vient d’être déboutée de sa première demande. Lina veut obtenir la fameuse carte d’invalidité qui est, pour elle, la marque minimale de reconnaissance de ce qu’on lui a fait et lui donnerait des droits et des priorités, en particulier de ne pas attendre dans les files d’attente. Lorsque je relève l’incertitude quant à la possibilité d’obtenir l’AAH, elle me toise et, avec une extrême déférence langagière, rétorque : « Madame, dans ce cas, je ferai appel à l’avocat de mon consulat ! » Je vois son effroi de ne pas être reconnue dans ses droits.

Elle m’entretient à chacune de nos rencontres de l’avancée de son dossier. Sa deuxième demande à la MDPH (Maison départementale des Personnes Handicapées) vient de partir ; elle m’a déjà demandé de très nombreuses fois quand elle aurait, non pas la réponse, mais l’accord.

Lina a été une bonne skieuse dans son pays. Elle a sans doute choisi Lyon pour la proximité des montagnes. Il a fallu les Jeux Olympiques d’hiver pour qu’une issue soit trouvée. Ce jour-là, elle parle des Jeux Olympiques qu’elle regarde intensivement à la télévision. Je lui fais remarquer que « l’expert, c’est elle », elle est d’accord. Alors, avec douceur, je fais le parallèle avec la demande à la MDPH et l’incompétence du CPCT à l’aider dans sa démarche pour obtenir l’AAH.

Nous nous sommes quittées de façon cordiale. Rassurée d’avoir pu utiliser le CPCT, puisque c’était son droit, Lina a pu partir, non sans avoir reconnu une certaine incapacité de notre structure. Ainsi pour cette raison, le CPCT n’était pas conseillé pour Lina.

Souvent, dans les premiers entretiens, nous déboutons un « j’ai le droit » pour le remplacer par un « c’est possible ». Pour cela il faut une question, si ce n’est une demande, que le sujet accepte de prendre à sa charge. Lina n’a pas le choix, l’absence de question subjective la pousse à une modalité de parole résolument revendicative.

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« J’ai un problème avec mon corps » – 7° Journée du CPCT Aquitaine

Intitulée « J’ai un problème avec mon corps », la 7e Journée du CPCT Aquitaine s’est déroulée le samedi 11 octobre dernier au château du Diable à Cenon, réunissant pour l’occasion plus de 215 participants de tous horizons. En ouverture, le Dr Delpech, adjoint au maire, témoigna de la confiance et de l’attente de la ville à l’égard du CPCT.

Philippe La Sagna, en sa qualité de président, précisa l’importance, dans la cité, de ce lieu d’accueil de la parole qu’est le CPCT : « À une époque où la qualité du lien social devient souvent le seul rempart contre la crise, voire la ségrégation, le discours analytique est devenu une composante essentielle de ce lien social et du lien à venir ».

En ce sens, si le travail du CPCT se noue au discours analytique, il y a cependant bien des manières pour celui-ci de prendre corps. Et justement, un des propos de Fouzia Liget, directrice du CPCT de Nantes, était de mettre en lumière un fonctionnement différent, en ce qui concerne la temporalité du travail de cartel qui n’intervient qu’en fin de traitement[1]. Elle a pu également évoquer sa pratique, à travers l’accueil de la parole d’un sujet en faisant déconsister l’idéal du signifiant « travail » auquel il était rivé, enserré.

Pas de corps parfait, pas d’idéal non plus, n’en déplaise au superman bodybuildé imprimé sur le programme de la journée. Les intervenants du CPCT Rive Droite et de Lien Social ont tenté de penser un petit bout de ce corps imparfait au travers de vignettes cliniques : être ou avoir un corps, le corps intouchable, celui de l’autre, le corps absent, et la place du corps de l’analyste. Ainsi, si chaque présentation signait un rapport au corps unique, un certain nombre de questions transversales ont émergé : quel est l’intérêt des séances courtes ? Comment se donner la chance d’attraper la question sur un point vif ? Quel accueil faire à l’énonciation du sujet ? S’agit-il d’interpréter le sens inconscient ainsi que le proposait Freud au début de sa pratique, ou bien de limiter la jouissance du sujet ? Par quoi l’acte de l’analyste est-il orienté ? Comment permettre à chacun de trouver une formule inédite pour être au monde ? C’est à cela que les intervenants ont tenté de répondre, pour penser ce que peut être la clinique lacanienne du corps au XXIe siècle dans la pratique singulière proposée au CPCT : à savoir des traitements psychanalytiques courts, gratuits, d’une quinzaine de séances.

Le CLAP, Centre de Consultations et Lieu d’Accueil Psychanalytique Petite Enfance, « nouvelle branche de l’arbuste CPCT » a, quant à lui, proposé un cas clinique à trois voix. Corps étrange, différent, puisqu’il propose un fonctionnement tout à fait original. En effet, il accueille parents et enfants jusqu’à l’âge de six ans, pour cinq à six consultations. La particularité tient au fait que les intervenants les reçoivent au même moment, mais avec la possibilité d’avoir accès à des pièces différentes selon qu’il s’agit de travailler ensemble ou bien d’aménager un espace individuel. La question du corps de la famille est donc traitée de façon surprenante puisque chacun, au loisir de ses jeux, mouvements, errances, peut s’en dissocier pour mieux y revenir à partir de sa place de sujet. Ainsi, au gré de ses va-et-vient, et pendant que ses parents étaient reçus, un jeune garçon a pu s’apaiser et se délester d’un certain nombre d’objets qui encombraient son corps.

Le corps médical était lui aussi invité en la présence de Charles Cazanave, praticien hospitalier en maladies infectieuses et tropicales au CHU de Bordeaux ; Julie Versapuech, dermatologue à Bordeaux ; Rémy Lestien, gynécologue et psychanalyste à Nantes. Leur pratique au cours de leurs rencontres médicales a posé la question délicate de la maladie en place de symptôme chez le sujet contemporain. Maux à mots, a été abordé la difficulté de dénouer le corset du savoir médical afin d’entendre aussi celui du patient. La meilleure prescription, a-t-il été ajouté, est parfois de ne pas soigner, de ne pas soulager la douleur mais d’entendre ce qui se joue, ce qui se jouit ailleurs.

Comment penser le corps à corps paradoxal de la prise en charge psychanalytique dans un espace médical puisque : « le pur acte scientifique rate toujours » ?

Le corps enseignant, enfin, n’a pas fait pas exception en la présence de Catherine Thomas, enseignante de la classe relais, et Éric Dignac, réalisateur, intervenant au sein de cette classe, venus nous présenter un court métrage d’une drôlerie doucement percutante, « Mutation nocturne », écrit et réalisé par les élèves. Leur travail a permis d’aborder comment, au travers de l’écriture d’un corps de texte, prennent forme sur la toile des adolescents se saisissant du cadre de la vidéo pour travailler différemment la question de leur place, de leur corps. Comment accueillir, comment faire avec l’agitation et la souffrance dont ils peuvent témoigner ? Les intervenants nous ont proposé quelques éléments de réponse, du « savoir-y-faire » qu’ils ont développé au contact de ces adolescents au fur et à mesure des années. Un travail d’une finesse et d’une pertinence remarquables.

Au final, le corps était donc bien présent, y compris pour le corps psychanalytique. Puisque en ce jour, nous portions tous, épinglé au corps sous forme de badge, en clin d’œil, le thème de la journée du CPCT : « j’ai un problème avec mon corps ». Intense, foisonnante en pratiques et expériences différentes, cette journée a fait trace, pas à pas, en déployant la richesse des solutions trouvées par chaque sujet pour faire « avec », dès lors qu’une place leur est donnée en tant que corps parlant.

[1] La formation des intervenants des trois CPCT comprend un travail de cartel, sous l’égide d’un Plus-un éclairé, qui permet de dérouler et de discuter chacun des cas rencontrés. À Bordeaux, il intervient en cours de traitement, une fois par mois environ, tandis qu’à Nantes, ce travail ne s’effectue qu’une fois le traitement terminé.

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