Rendez-vous à Bruxelles le samedi 28 février ! Entretien avec Guy Poblome

Le 28 février, à Bruxelles, l’ACF-Belgique organise une Grande journée d’étude intitulée : « Autisme et psychanalyse. Résultats. » Guy Poblome, président de l’ACF-Belgique, a bien voulu répondre aux questions de l'Hebdo-Blog pour éclairer cet événement dont il est le maître d’oeuvre.

L’Hebdo-Blog – L’annonce de la Journée d’Étude organisée par l’ACF-Belgique à Bruxelles ce 28 février sous le titre « Autisme et psychanalyse : résultats » précise que la psychanalyse lacanienne, ainsi que de nombreuses pratiques en institution, nous donne les outils pour résister au formatage des sujets autistes. Pourriez-vous nous dire précisément ce qu'il en est aujourd’hui des recommandations en Belgique ?

Guy Poblome – Deux études ont été menées en Belgique ces dernières années. La première par le CSS (Conseil Supérieur de la Santé), organisme « indépendant », qui ne dépend d’aucun ministère et a émis un Avis en novembre 2013. Il prône de façon univoque les méthodes éducatives et comportementales dans la prise en charge précoce de l’autisme, et notamment la plus « dure » d’entre elles, ABA. La seconde étude émane du KCE (Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé) et a été sollicitée par la ministre de la Santé. Le rapport du KCE a été publié en novembre 2014. Bien que plus nuancé, il centre ses recommandations dans la sphère de l’éducatif et du comportement. La dimension subjective de l’autisme, le refus de l’Autre par exemple, est complètement éludée ou reprise sous le terme de « comorbidité », comme l’est le rapport au langage considéré sous l’angle du déficit. En somme, ce qui sous-tend ces études, c’est que le ressort de l’autisme est de l’ordre du handicap et n’aurait rien à voir avec une « insondable décision de l’être » comme le disait Lacan.

Là où les deux études se rejoignent, c’est pour rejeter la psychanalyse hors du traitement de l’autisme. Elles n’ont pas cherché bien loin puisqu’elles se contentent de se référer à la HAS (Haute Autorité de Santé) française. Ainsi, le sort de la psychanalyse est réglé en deux coups de cuillère à pot. La seule méthode d’investigation envisageable pour ces collèges d’experts est la méthode issue des études randomisées, dite scientifique. Leur credo, c’est EBM ou EBP pour Pratiques Basées sur les Preuves. L’intéressant, c’est que le KCE a l’honnêteté de reconnaître que, « pour de nombreux aspects de la problématique [de l’autisme], la récolte dans la littérature scientifique s'est révélée très maigre » et qu’« appliquer les méthodologies rigoureuses de la recherche evidence-based s’avérait d’office une entreprise hasardeuse ». Le KCE s’est donc reposé sur l’étude de la HAS et son équivalent anglais, et pour ce qui est de la spécificité belge, il a dû s’en remettre à un questionnaire envoyé à des « gens de terrain ». C’est une méthodologie qui se base sur le consensus. Du coup, toute une série de questions peuvent se poser : comment le questionnaire a-t-il été établi ? Comment a-t-on constitué la liste des « gens de terrain », à qui ce questionnaire a-t-il été envoyé ? Etc.

L’HB – Quel poids ont eu les batailles menées par les psychanalystes ? Que pouvez-vous dire des effets produits par les deux films « D’autres voix » et « À ciel ouvert », films qui chacun, rendent compte de la rencontre de la psychanalyse avec les sujets autistes ? Ces projections et les vifs débats qui les ont accompagnés ont-ils permis selon vous à la psychanalyse ainsi qu’aux pratiques institutionnelles qui en découlent de témoigner de leur « efficacité » ?

GP – En Belgique, il n’y a pas pour le moment de Plan autisme comme en France. Le problème de la prise en charge de l’autisme est par conséquent moins médiatisé. Les films « À ciel ouvert » et « D’autres voix » ont eu un succès certain – et ont eu aussi leurs détracteurs dans les salles – mais n’ont peut-être pas eu le retentissement qu’ils ont connu en France.

Par contre, s’il n’y a pas de Plan autisme belge, des associations de parents en réclament un. L’une d’entre elles notamment est très active et militante, elle écume les couloirs des ministères et des administrations, s’introduit dans les instances pour obtenir la mise en place d’un Plan autisme tout en se faisant le chantre des méthodes comportementales. La conséquence en est qu’elle devient l’unique interlocutrice des mandataires politiques.

C’est pour cette raison qu’après la publication de l’Avis du CSS sur la prise en charge de l’autisme fin 2013, l’ACF-Belgique, en partenariat avec le Kring voor Psychoanalyse de nos collègues flamands, la Section clinique de Bruxelles et l’APCF (Association Psychanalytique de la Cause freudienne), a organisé le forum « Quel plan autisme ? » en mai 2014. Il s’est tenu dans les locaux de l’Université Saint Louis à Bruxelles, a accueilli trois cents participants et a été soutenu par soixante institutions concernées directement par la question de l’autisme. Un numéro du Forum des Psychanalystes y a été consacré. Le but recherché était bien sûr médiatique. Nous avons sollicité les politiques et les administrations, le président de l’AWIPH (Agence wallonne d’Intégration des Personnes Handicapées) également président de l’INAMI (Institut National d’Assurance Maladie-Invalidité) est venu prononcer un discours en faveur d’une approche plurielle de l’autisme, d’autres mandataires politiques nous ont reçus. Bref, l’objectif poursuivi de se constituer comme interlocuteurs, de remettre ces questions sur la scène du débat démocratique, de ne pas laisser la question de l’autisme à l’hégémonie des comportementalistes a été atteint. Ce qui en témoigne, c’est que la présidente de la Commission de la Santé du parlement fédéral belge, Mme Muriel Gerkens, viendra faire une allocution lors de notre journée du 28 février.

Ce n’est pas tout. Le forum a aussi donné la parole à des parents. Mireille Battut, présidente de l’association La Main à l’Oreille y est venue témoigner de son parcours. D’autres parents, belges, ont parlé de leur rencontre avec la psychanalyse, avec les institutions orientées par la psychanalyse qui ont accueilli leurs enfants. Cela a permis la mise en place d’une antenne belge de La Main à l’Oreille, ce qui n’est pas un effet négligeable de notre action. Même si elle n’en est qu’à ses débuts, cette association a le mérite de faire entendre une autre voix du côté des parents d’enfants autistes.

L’HB – À propos de l'usage des objets que font certains sujets autistes, l’argument de la Journée dit que « le fil du lien passe par là ». Or le discours analytique de l'époque isole souvent le fait que les objets viennent plutôt court-circuiter le lien. Comment, dans le cas des autistes, cet objet peut-il atteindre à la dignité du lien ? Et quel type de lien ?

GP – Nous passons de la politique à la clinique. L’objet autistique est communément considéré comme venant fermer le corps du sujet autiste, venant redoubler son retrait. Et, en effet, il a un rôle de protection par rapport à ce qui est vécu par lui comme une intrusion de l’autre. À ce titre, les mains qui viennent boucher les oreilles peuvent être considérées comme des objets autistiques. Ce que certains posent comme postulat, c’est qu’il faut retirer l’objet pour que l’autiste s’ouvre à la relation. Seulement, cette extraction forcée ne tient pas compte de cette fonction de défense de l’objet et a un effet de mutilation, d’arrachement qui entraîne des crises d’angoisse.

Autre chose est de respecter cet objet, de l’accueillir en tant qu’il est non seulement protecteur, mais aussi en tant qu’il est situé sur une frontière entre le corps du sujet et le champ de l’autre. Accueillir l’objet autistique, travailler à partir de cet objet sur le bord permet de s’introduire comme partenaire non menaçant pour le sujet et de faire entrer cet objet dans un circuit, dans une métonymie, et donc dans un certain échange. Une enseignante expliquait par exemple qu’à la condition d’accepter que l’objet accompagne l’enfant en classe, ce dernier pouvait consentir à le déposer quelques instants, juste à proximité, pour s’affairer aux apprentissages. Le lien dont il s’agit est un lien de bord et inventif, toujours sur un fil en effet. Il arrive que le sujet autiste s’en soutienne pour élaborer un objet plus complexe qui lui permette de faire avec l’autre. Rendez-vous à Bruxelles le 28 février !

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Des addicts sexuels en analyse

En s’appuyant sur une série de vignettes cliniques, Annie Dray-Stauffer illustre comment la psychanalyse peut opérer face à la singularité de quatre sujets ayant fait le choix de l’addiction sexuelle face aux embrouilles du ratage incontournable de la rencontre.

Faire œuvre de sa solitude

Emmanuel, âgé de quarante ans, adepte des sites de rencontres homosexuelles depuis longtemps, dénonce avec vigueur la crudité actuelle des images postées sur le net pour attirer d’éventuels partenaires, des photographies de pénis en érection accompagnées de leurs mensurations. Réduit à la taille de son organe, il se sent vidé de toute vie, simple nombre d’une série faisant de lui un objet, non plus de désir mais de pure jouissance. Il ne s’agit plus ici de la rencontre avec le corps d’un partenaire mais de celle de deux organes, ayant pour seule finalité le vidage d’un en-trop de jouissance, qu’aucune de ces entrevues fugaces ne parvient à étancher. Pour lui qui souffre de la précarité du sentiment de la vie et des limites de son corps, les ravages de ce mode de rencontre sont térébrants.

L’analyse lui permettra de s’en tenir à distance, recentré sur un art dans lequel le regard a une place prééminente, qu’il va développer selon ses propres particularités. Il va ainsi faire œuvre de la solitude et de l’enfermement de l’être, ce qui, selon lui, lui donne un cadre le protégeant de la jouissance de l’autre. C’est également dans la danse qu’il trouve à se faire un corps auquel la coordination de ses mouvements donne une unité. Ces deux modes de sublimation vont permettre à la pulsion sexuelle, en renonçant à son but, de se satisfaire en partie.

L’écrivain américain homosexuel Daniel Mendelsohn, dans son livre autobiographique L’étreinte fugitive[1], évoque sa passion pour les garçons et sa quête insatiable de partenaires choisis sur un trait, singulier à chacun, qui éveille son désir. Si on peut parler ici aussi d’addiction sexuelle, avec l’extension universalisante que l’on donne aujourd’hui à cette catégorie clinique, il est bien évident que le trait singulier recherché se différencie de l’implacable pousse-à-jouir comptable dont Emmanuel dénonce le caractère déshumanisant.

Rendre possible la rencontre

Kevin, vint-et-un ans, homosexuel lui aussi, raconte sa surprise devant la déception d’un ami d’en être à sa 600e rencontre sexuelle, et pourtant toujours pas à la hauteur de ses autres amis qui ont largement dépassé ce score. C’est une jouissance purement comptable qui est là aussi au premier plan. Chacun s’évalue à l’aune du nombre de ses rencontres-éclair. Kevin se demande avec angoisse s’il doit continuer lui aussi à sacrifier à cette pratique du sexe. En contrepoint, il fait symptôme de sa différence, de son horreur d’être ainsi croisé puis rejeté et de sa demande d’amour tout à fait incongrue dans cet univers dont il aimerait faire partie autant qu’il est dégoûté d’en être.

L’analyse, en soutenant la légitimité de sa propre modalité de choix d’objet, vise à lui permettre de rendre possible une rencontre qui ne ferait pas de lui un objet de déchet. Le travail analytique a ici à mettre en avant le versant imaginaire de la rencontre sexuelle, celui de l’amour, pour éviter la crudité d’une rencontre trop directe avec le réel à laquelle l’expose la forclusion du Nom-du-Père.

Prendre le risque du ratage

Guillaume, hétérosexuel, vient consulter parce que fait symptôme pour lui son besoin compulsif de regarder des films pornographiques, besoin installé depuis son adolescence. Selon lui, c’est ce qui aurait rendu toute rencontre amoureuse impossible, alors que les jouissances scopique et masturbatoire tirées de ces films représentaient la solution qu’il avait trouvée à la rencontre sexuelle impossible avec chaque-une de chair. Devenu « addict », il faisait l’impasse sur sa propre responsabilité, ce pousse-à-jouir lui apparaissant comme venant d’un Autre lieu. Il aura à passer par la subjectivation des pulsions qui l’habitent pour finir par prendre le risque de ce ratage, après avoir traversé son fantasme d’une rencontre amoureuse « parfaite », à l’image de celle qu’il imaginait entre ses parents, sa mère étant morte brutalement quand il avait un an et son père n’ayant jamais trouvé aucune femme digne de la remplacer. Souvent confié à sa grand-mère paternelle, il avait fait de plus, encore jeune enfant, la rencontre traumatique de la jouissance sexuelle, lové contre le corps nu de cette femme. D’une position de spectateur, il pourra, par le biais de l’écriture, trace du ravinement de son corps jouissant traumatique, passer à la position d’être celui qui oriente la jouissance de l’autre vers des œuvres d’art de son choix.

Éviter la rencontre ravageante

Mathieu est torturé par la puissance de l’addiction sexuelle dont il se sent l’objet, qui emplit sa vie au point de ne plus laisser place à rien d’autre que la recherche enfiévrée, dans des lieux divers, de femmes anonymes et de leurs furtives rencontres. Les rares fois où il a rencontré une femme qu’il aurait pu aimer, elle l’a très vite quitté, lui reprochant de la ravaler au rang de simple objet par sa fringale sexuelle qui obvie à tout autre échange. L’objet de son angoisse se révélera être la rencontre possible de La femme. L’analyse permettra à Mathieu de faire de ce mode de rapport aux femmes, une fois évidées l’angoisse qui l’accompagnait et la place prééminente que ses recherches prenaient dans sa vie, une suppléance lui évitant une rencontre par trop ravageante. C’est un mode de vie qui lui permet un certain lien social dans les lieux qu’il fréquente.

Pour conclure

Pour chacun de ces hommes, la dite « addiction sexuelle » a représenté, à un moment de leur vie, la solution pour éviter de se confronter au ratage incontournable de la rencontre avec le sexe et à la jouissance qu’il procure. Comme le rappelle Laure Naveau[2], lien sexuel et lien social ne sont pas sans rapport. L’enjeu en est la rencontre avec l’autre : « La sexualité est un acte, pas une décharge motrice, et cet acte s’inscrit dans une suite, ce qui lui donne son caractère sérieux, au sens de la prise en compte des conséquences, pour chacun des deux sexes, de cet acte. »

[1] Mendelsohn D., L’étreinte fugitive, Paris, Flammarion, 2009. [2] Naveau L., http://www.lacan-universite.fr/wp-content/uploads/2010/12/Des-mercredis-soir-8-1.pdf

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Le cartel, son produit, ses effets

C’est à partir de ma fonction de délégué aux cartels pour l’ACF-Massif Central, de ma question sur la place du cartel dans l’École et dans la cité que j’ai été amené à distinguer trois registres de ce qui, du cartel, participe d’une ouverture vers les gens : le produit de cartel, l’effet de cartel et l’effet-cartel.

Le produit de cartel : « Quatre se choisissent, pour poursuivre un travail qui doit avoir son produit. Je précise : produit propre à chacun, et non collectif »[1]. Lacan est précis. De très beaux textes ont été entendus et discutés dans l’ACF-MC, portés par une énonciation singulière et un désir orienté. Le produit de cartel est un pan du travail de l’École, il est attendu par elle, la passe en est un autre. Jacques-Alain Miller insiste « le travail de l’École passe par le cartel »[2].

L’effet de cartel est distinct du « produit propre à chacun ». Il est un résultat, une conséquence. Il s’extrait de l’intimité du cartel qui va le soutenir et l’orienter vers d’autres : il rassemble. C’est une invitation à découvrir, dans sa portée citoyenne, la psychanalyse sous un autre angle. Dans l’après-coup, ou dans la dynamique de son travail même, ce sera une rencontre, un échange, élevé à la dignité d’un événement. L’effet de cartel relève d’un désir de liens avec des lieux de la cité. C’est une priorité politique que d’offrir aux gens l’occasion de rencontrer le discours analytique dans son ouverture, sa logique, sa rigueur, et sa souplesse. L’effet de cartel, c’est le désir en tant qu’il est contagieux.

L’effet-cartel est le troisième volet du triptyque. Il s’invente à partir d’une rencontre singulière, de quelques paroles échangées et soutenues par une énonciation désirante. Il naît d’un mot qui, lancé à la cantonade, fait mouche. L’acte du sujet y est convoqué. Il s’agit de l’ouverture au discours analytique de nouveaux réseaux de diffusion. Ce sont aussi les demandes de partenariat reçues de ceux qui ne restent pas insensibles à la cause analytique. L’effet-cartel est une porte qui s’ouvre sur le monde des gens : ceux de l’opinion éclairée, de la pénombre, du clair-obscur et de l’ombre. Cela touche ceux qui prennent leur ex-sistence au sérieux et se découvrent sensibles au discours analytique vers lequel ils n’auraient pas spontanément orienté leurs pas. Pourquoi ? Parce qu’ils rencontrent, dans ce théâtre, ce cinéma, ce centre culturel, cette salle de concert, cette librairie, ce café, cette rue, à la croisée des échanges, des psychanalystes dont les paroles viennent résonner avec ce qui, de leur existence, les préoccupe.

Je laisserai la conclusion à Brigitte Jaques-Wajeman et François Regnault qui nous ont adressé quelques mots, peu de temps après leur visite à Brive pour la Soirée « Elvire, Jouvet 40 ». Ces mots disent l’effet-cartel :

« […] vous et tous ceux qui ont travaillé avec vous pour ces rencontres autour d’Elvire-Jouvet 40, nous avez donné la joie de revivre les moments intenses que nous avons vécus lors de la création du spectacle, de ses représentations et de ses tournées, ainsi que du tournage du film par Benoît Jacquot.

Surtout, votre fervente attention à notre égard, la disponibilité de tous vos collaborateurs, du Cartel tout entier, et l’hospitalité chaleureuse de vos amis et invités, ainsi que du public de Brive, nous laissent de ce passage un souvenir heureux, qui nous incite à travailler encore et toujours pour le théâtre, dans ses rapports directs ou indirects avec la psychanalyse. […] »

[1] Lacan J., « D’écolage », Séminaire du 11 mars 1980 (extrait), inédit. [2] Miller J.-A., « Le cartel au centre d’une école de psychanalyse », intervention à la Journée des cartels du 8 octobre 1994 à l’ECF, transcrite par Catherine Bonningue. (paru initialement dans La Lettre mensuelle n°134).

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Désencombrer la voie

Le 14 janvier 2015 nous avons partagé une soirée chaleureuse, organisée par Jean-Christophe Gaston à la librairie Majolire de Bourgoin-Jallieu, avec Patrick Hollender autour de son livre Les Passerelles et Délia STEINMANN qui en a rédigé la préface.

P. Hollender est psychanalyste, membre de l’Association de la Cause freudienne Rhône-Alpes.

Dans le public, des lecteurs assidus de l’association « Passeurs de mots ». L’un d’entre eux nous livre sa lecture et souligne l’ambiance particulière des époques que les personnages traversent, depuis la guerre de 14-18 jusqu’à nos jours, sur fond de passion pour cet agencement réglé qu’a été la Compagnie des Chemins de Fer, viatique de nos vies embrouillées.

Les embrouilles ne manquent pas dans l’histoire familiale que nous raconte Philippe, le narrateur.

Quelques années avant 1914, Jeanne, issue d’une riche famille belge, tombe amoureuse de Gustave, jeune français de condition modeste. Reniée par sa famille, elle viendra s’établir avec lui en France.

Août 1914, alors que Gustave convoyait un train de munitions vers la Belgique, tout explose sous les feux de l’ennemi, de son corps il ne restera rien. Jamais aucune sépulture ne pourra border le chagrin de Jeanne. Elle en perdra la raison, errera avec ses deux jeunes enfants Lydie et Paul. Un jour, l’inimaginable se produit. Du bord d’une passerelle, Jeanne pousse Lydie dans l’étang, à nouveau l’abîme aspire. Lydie sera sauvée de la noyade de justesse par son frère.

D’autres drames suivront. La honte sans borne de Lydie lorsqu’elle devient fille-mère en mettant au monde Jacqueline, son amoureux Jacques ayant fui devant un mariage qui se présentait comme une mésalliance. Lydie rencontrera plus tard Emile, de leur amour naîtra Michèle.

Les années passèrent.

Lorsque Lydie apprit que sa fille mineure de dix-sept ans, Michèle, reproduisait l’erreur de sa mère, les murs tremblèrent. Le mariage avec Nicolas fut organisé dans la hâte avant l’arrivée de leur enfant Damien. Leur entente se fissura rapidement, mais naquit un deuxième fils Philippe, le narrateur.

Notre lecteur ponctue : « je me reconnais dans ce livre».

C’est qu’en effet la grande histoire se conjugue tout au long du livre à l’histoire intime des personnages réels, sur quatre générations.

Alors les questions des lecteurs avertis ne manquent pas : « Est-ce une autobiographie ? Un roman ? »

La réponse convoquera la structure de fiction de la vérité et la subjectivité toujours engagée, même lorsque l’on raconte l’histoire avec un grand H.

Puis une autre question s’accroche à la première : « l’histoire (le récit qu’on en fait) construit-elle le sens ou le déconstruit-elle ? »

C’est qu’en effet, si les rappels historiques créent des balises qui permettent de s’y retrouver – première partie du livre –, le réel rencontré par le personnage principal, Philippe, à travers la folie de son frère et qu’il ne sait nommer – deuxième partie –, déborde le sens, accélère le rythme, entrechoque les éprouvés.

La cohabitation de ces différents aspects fait naître un sentiment de malentendu qui ouvre à une interprétation personnelle.

Et ce temps qui ne passe pas ! Qui laisse intactes les traces sur le corps via les mots.

Pourtant, rien dans ce livre d’une approche trans-générationnelle, bien que la métaphore de la passerelle invite à cela. Plutôt, pour chaque génération la charge de prendre sa part, et pour chacun de faire quelque chose avec ce qu’il aura retenu au passage, à son insu.

Ce quelque chose, c’est l’analyse dont P. Hollender nous dit qu’elle lui a permis de faire éclater l’idéal de ce qui serait une bonne filiation. Il s’en est déduit la possibilité d’écrire ce livre.

Ce n’est pas parfait, ça rate toujours, les choses ne sont pas aussi logiques qu’on voudrait, pas de belle conclusion comme dans un roman, mais à l’arrivée le temps passé enfin se perd.

Il reste un objet – extime pour l’auteur –, fraternel pour nous, de cette fraternité, comme le dira Délia Steinmann, « qui ne fait pas de l’autre mon semblable, mais qui comme moi est touché par la langue, est touché par un autre qui n’est pas ma propre image ».

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Timbuktu : un film de résistance

J’avais vu le film Timbuktu, du cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako, avant l’attaque à Charlie Hebdo du 7 janvier dernier : un film bouleversant sur les avatars d’une ville conquise et tyrannisée par les miliciens de la police islamique. Aujourd’hui à la lumière des événements sanglants de Paris, cette œuvre prend un éclairage nouveau qui décuple son message d’opposition à tous les pouvoirs absolus fondés sur les religions fondamentalistes. Au Mali, en 2012, A. Sissako, cinéaste combattant, fut horrifié par la lapidation à mort d’un couple dont l’unique faute avait été de s’aimer hors mariage. L’idée du film lui vint après cette expérience bouleversante. Son œuvre est la réponse à son indignation face à l’effondrement des valeurs de l’humanité, une œuvre chargée de révolte et en même temps de poésie, de lumière et de justesse.

L’histoire raconte la vie tranquille d’une famille d’éleveurs. Un accident qui concerne l’une des vaches du troupeau entraîne le drame. L’intervention du pouvoir djihadiste précipite les événements dans l’absurde et la tragédie. Autour du drame intimiste de cette famille, film dans le film, se déroule celui d’une ville envahie et tyrannisée par l’intégrisme islamiste : des hommes qui s’acharnent à interdire et réprimer toutes les activités qui ne plairaient pas à Dieu et à sanctionner, par le biais de tribunaux aussi douteux qu’implacables, chaque geste porteur d’une trace de plaisir. Interdiction d’écouter de la musique, d’allumer la radio, de fumer, de jouer au foot, de flâner dans les rues, de choisir librement son époux, interdiction d’accéder à la culture et au savoir en dehors des livres sacrés. Le corps et la sexualité sont principalement visés par les plus stricts des interdits. À l’obligation de porter le voile et de longues robes noires, une nouvelle loi est ajoutée un jour pour les femmes : elles doivent aussi porter des gants et des chaussettes parce que la peau nue de leurs mains et de leurs pieds est considérée comme indécente.

Les miliciens censés terroriser les habitants sont montrés par le cinéaste dans leur position paradoxale ; leur férocité ne cache ni leur faille ni leur bêtise : ils maîtrisent mal l’arabe de la guerre sainte et, inhibés par la caméra qui les filme, ils trébuchent sur les formules de leur serment de fidélité à la cause. Ils restent perplexes quand, ayant déniché une nuit la source d’une musique accompagnée de chansons, ils ne savent que faire : les gens chantent les louanges d’Allah ; faut-il les arrêter ou non ? Est-ce la musique interdite ou les prières qu’il faut prendre en compte ? Une scène restera inoubliable, celle d’un match de football joué sans ballon par des adolescents afin de déjouer la traque des miliciens, sans pour autant renoncer au plaisir. Car c’est le plaisir, le rire et la jouissance qui sont l’objet de l’intolérance fondamentaliste. La jouissance étant ce qui ne peut ni se gouverner, ni se mettre au pas, ni s’encadrer : elle échappe aux règles, elle déborde, elle est irrévérencieuse et irrespectueuse.

Mais ces combattants si « normaux » qui, en cachette, discutent de footballeurs ou fument une cigarette peuvent dans le même temps flageller publiquement une jeune fille ou lapider à mort. C’est la même « normalité » qui nous a frappés après les attentats de Paris : les criminels sont décrits par leurs voisins comme des hommes ordinaires et paisibles, et les otages libérés de l’hyper-marché casher ont raconté le décalage ahurissant entre le discours banal et « gentil » du terroriste dialoguant avec eux, et son acte de tuerie ; ils ont raconté l’abîme choquant entre sa parole « rassurante » et la présence de ses victimes à terre, à quelques mètres. Nous avons du mal à intégrer ce concept de « banalité du mal » qu’Hannah Arendt nous a délivré, il ne nous soulage en rien face à cette réalité choquante.

Courageux et déchirant, le film de A. Sissako dénonce et raconte l’irracontable. Sa puissance, qui devrait être redoublée après l’attentat à Charlie Hebdo, a pourtant été la source d’une récente et étonnante interdiction : le maire UMP de Villiers-sur-Marne a en effet décrété la déprogrammation du film dans sa ville pour des raisons de sécurité, « par précaution ». Le côté provisoire de l’interdiction n’entame en rien la gravité de cette censure dictée par la peur, à l’envers justement du message de A. Sissako : « Ne pas céder à la peur que les djihadistes veulent installer dans nos vies ».

Timbuktu nous montre qu’au Mali les gens n’ont pas, pour autant, arrêté de chanter, de faire et d’écouter de la musique, de jouer au foot, de s’aimer ; ce film nous montre que la pulsion de vie n’est pas si facile à extirper, que la répression, la menace, le terrorisme n’auront pas une force suffisamment dissuasive pour faire pâlir et s’éteindre sexualité et jouissance.

En ces moments dramatiques de l’actualité, chargés d’émotion, d’indignation et de contradictions, ce film est un acte de résistance, et en dépit de ses scènes de mort et de violence, il se situe du côté de la vie, de la poésie et du désir.

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Éditorial

« J'appelle symptôme tout ce qui vient du réel. Et le réel, tout ce qui ne va pas, qui ne fonctionne pas, qui s'oppose à la vie de l'homme et à l'affrontement de sa personnalité. Le réel revient toujours à la même place. Vous le retrouverez toujours là, avec les mêmes semblants. Les scientifiques ont beau dire que rien n'est impossible dans le réel. » (Jacques Lacan, Entretien accordé au magazine Panorama en 1974).

À la minute où nous bouclons ce 20e numéro de l’Hebdo-Blog, un frein, un suspens. Après une attaque terroriste mortelle au centre culturel de Copenhague, le samedi 14 février, Seize coptes assassinés en Égypte. Et plusieurs centaines de sépultures juives profanées, en Alsace, hier.

Nous aussi, orientés de Lacan, reviendrons comme le réel toujours à la même place. Référons-nous encore à l’expérience qui nous tient, l’expérience de la psychanalyse. Scilicet.

Tu peux savoir, lecteur, et lire les derniers Lacan Quotidien, plusieurs textes de Jacques-Alain Miller, rompus à analyser cette actualité, et celui d’Éric Laurent: http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2014/01/LQ-371.pdf.

Et d’autres encore.

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Pornographie : censure du langage

« Ou bien tu jouis, ou bien tu parles ». Serge Cottet cerne avec justesse et drôlerie la logique d’un vel propre au porno.

Dans le hard sex, tel que les vidéos le diffusent depuis les années soixante-dix, on ne parle guère. Est-ce alors le corps parlant qui prendrait le relais ? Distinguons :

Il y a le porno chic. Il arrive que les sujets disent quelque chose, du moins dans les préliminaires. Dans l’un d’entre eux, l’incontournable Brigitte Lahaie entreprend une femme dans la rue et lui propose de venir chez elle : « On s’occupe de tout ». L’impersonnel, tel un Dieu du sexe, garantit que la maison ne lésinera pas sur les moyens ; vous en aurez pour vos fantasmes. Ce cliché racoleur, genre Club Med, fait mouche et la femme de rencontre cède (on n’a pas la suite sur Internet). De brefs préambules, un semblant de scénario bâclé en quelques mots font fonction de simple mise en bouche. À partir du moment où ça baise, comme dans le porno hard, on ne parle plus. Normal, la jouissance est muette. Silence, on jouit. Un bruitage tout terrain accompagne les exécutants. L’hyper-réalisme oblige à tout faire, tout montrer, toute honte bue : « Dans la gêne, il n’y pas de plaisir », n’est-ce pas ? Les X les plus nuls gomment toute transgression ; nul interdit, pas d’angoisse. Sex machine, le corps est rivé à un protocole mécanique où les fantasmes pervers, loin de maximaliser la jouissance, la ravale ; on baise comme on passe le balai. Au fait, qui jouit ? Le phallus certes, en gros plan, mais pas le porteur du phallus ; c’est la jouissance de l’idiot que ne dément pas l’acteur Rocco Siffredi, malgré son harem affamé. Lui, sans émotion, impassible, fait le boulot. Un seul interdit : la parole. L’ascèse analytique sert ici d’antonyme s’il en était besoin : abstinence, équivoque phallique du discours, tout dire, ne rien faire, le corps n’en parle que mieux.

Dans le porno, côté mâle, si l’organe jouit seul, si la jouissance est hors corps, est-ce que « ça parle » ? Rappelons que « la jouissance est interdite à qui parle comme tel », selon l’axiome lacanien. Tout se passe comme si les imbéciles en concluaient qu’elle n’est permise qu’à condition de se taire. Ou tu parles, ou tu jouis ! Non seulement le corps ne parle pas, mais il ne faut pas qu’il parle ; cette intrusion du langage dans l’acte émousse la jouissance : la moindre concession à la sublimation prive l’acte de son énergétique, telle une castration par le langage prise au pied de la lettre. La seule concession que le porno fait à cette disjonction, c’est l’expression du cri, pour la fille ; le seul signifiant autorisé pour le porteur du phallus est l’insulte : « Salope » !

Un cinéaste de la nouvelle vague, José Benazeraf (Joë Caligula, Le désirable et le sublime) avait dénoncé cette dérive du X avec la prétention de faire de l’art : « Le porno, c’est fasciste ! », disait-il. Il avait pour argument que la jouissance féminine n’était pas prise en compte ; il voulait la faire parler (Bordel SS 1978). Tâche difficile : le corps ne parle pas tellement dans ses films, mais on parle beaucoup en son nom. J. Benazeraf, auteur hybride, verbeux, subversif, mélangeait les genres. Entre Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Mocky dans les années soixante-dix, son slogan avait la cote : le sexe est politique ! Le porno côtoyait la philo : Spinoza, Hegel... Or, nul n’a été plus que lui visé par la censure ; son « anthologie » des œuvres censurées en DVD (1975) ne va pourtant pas loin ; diffusée un temps en salle et sur Canal Plus, J. Benazeraf la commente en voix off. Il voulait faire parler le sexe, on lui a coupé la parole : on ne compromet pas la culture avec le porno. Conclusion : le porno parlant est plus censuré que le hard.

Par contraste, on se souviendra de la scène du coït dans Les amants de Louis Malle, une des premières dans le cinéma français, en 1958. L’acte sexuel lui-même n’est pas filmé, tandis que l’expression de la jouissance de Jeanne Moreau est explicite. Avec la montée de l’orgasme, rythmant sa jouissance, elle répète de plus en plus fort : « Mon amour ! » dans les bras de son amant de rencontre. Aveu incongru, dérangeant. Le réalisateur a su tirer profit de la censure de l’époque, tout en révélant une censure plus obscure, moins contingente : un impossible de tout dire sur la jouissance féminine.

Tel n’est pas l’avis de B. Lahaie, la voix féminine du porno qui entend en dire toujours plus sur la femme. Depuis ses années hard sex, elle a lu Freud et repris du service hors champ : promue, dans les années quatre-vingts, grand prêtresse de la fellation sur les ondes de RMC pour l’édification des jeunes filles maladroites, elle donne aujourd’hui des leçons de savoir vivre.

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Foucault – le pouvoir : une fiction de l’être

Pierre Sidon nous propose de revisiter l’œuvre de Michel Foucault en l’interrogeant comme un symptôme parant au rejet premier de ce qui liait pour lui nom et pouvoir. En usant de déconstruction, en montrant la diffraction des marques du pouvoir et l’inexistence de La société qui en serait la source, Foucault fait-il une réécriture qui lui permet de « guérir » le lien social défait ?

Folie et histoire : bien avant le chef d’œuvre de 1961, Histoire de la folie à l’âge classique, ce binaire constitue à la fois le « premier problème »[1] et la méthode de Foucault. Dès 1954, dans Maladie mentale et personnalité, il recourt en effet à l’histoire pour contrer toute idée d’essentialisation de la maladie mentale : « le sujet de la maladie mentale […] est un être historique… »[2]. Ce refus de la maladie comme essence est corrélé à l’idée de conditionnement par un Autre aliénant : la famille, l’hôpital, la société. Vocation précoce : on raconte qu’il professait déjà l’histoire à l’âge de douze ans… en famille. Lacan souligne à propos de Poe : l’œuvre ne « saurait être élucidée au moyen de quelque trait de sa psychobiographie : bouchée plutôt qu’elle en serait »[3]. Cependant Foucault, promoteur de la question nietzschéenne : « qui parle ? », encourageait aussi à considérer que « chacun de ses livres pouvait se lire comme un fragment d’autobiographie »[4].

Dans sa conférence de 1978 « Qu’est-ce que la critique ? Critique et Aufklärung »[5], Foucault résume ainsi sa question : « Comment ne pas être gouverné ? ». Si Didier Eribon, son biographe, ne veut pas y lire un « ne pas être gouverné du tout », on est tout de même frappé ici par la résonnance d’un dit primordial de la mère repris du père de celle-ci : « l’important est de se gouverner soi-même »[6]. Pensant avoir évité de diriger ses enfants, elle semblait avoir réussi néanmoins à interrompre la transmission paternelle, depuis plusieurs générations, du prénom du père : Paul. Après que sa mère l’ait tempéré d’un Michel, Paul-Michel, Foucault rayera plus tard le prénom du père haï, après avoir passé son tour de reprendre la vocation médicale de ce dernier. Mais ce rejet fera retour comme « foyer d’intérêt dont on n’arrivait pas à se détacher même lorsqu’on avait quitté sa famille »[7]. Source peut-être d’une archéologie du « paradigme médical » de son approche des sciences humaines[8] ? Source en tout cas d’un éthos « critique », d’un « désassujettissement dans le jeu de […] la politique de la vérité »[9], d’une « inservitude volontaire » portée haut – sans l’ironie de La Boétie. Ce rejet, il l’a mis au service d’une analyse des mécanismes du pouvoir : de l’absolutisme au « micro-pouvoir ». L’analyse se rapproche toujours plus de ses sources dans « l’individu » lui-même, mais ne parvient toutefois jamais à y pénétrer.

Dans ses débuts, c’est l’ironie, l’injure, l’isolement et le rejet qui semblent caractériser l’insertion sociale du jeune Foucault. Mais cela se situe bien au-delà de l’interprétation étonnamment essentialisante de son biographe voulant n’y voir que « poussée à l’extrême […], l’attitude typique d’un jeune gay mal dans sa peau »[10]. Certes l’homosexualité est épinglée par Foucault lui-même comme ayant tenu un rôle primordial dans l’orientation de son travail[11]. Mais,   nous sommes frappés, quant à nous,   par le poids singulier des mots du philosophe pour décrire le vécu de son homosexualité : « très vite, ça s’est transformé en une espèce de menace psychiatrique : si tu n’es pas comme tout le monde, c’est que tu es anormal, c’est que tu es malade »[12]. Identifié à une certaine abjection, « fouilleur de bas fonds » à l’instar de Nietzsche, il aura fait « sa patrie naturelle » « de la folie et de la manière dont elle est captée, disqualifiée, enfermée, méprisée, vilipendée » [13]. Mais cette « patrie naturelle », irrémédiablement opposée à la culture paternelle, ne résume pas son œuvre. Ce rejet primordial, il n’aura de cesse de le mettre au travail pour s’en extraire : le Pouvoir, initialement abordé sous l’aspect de sa violence – notamment en 1954 et 1961 – change de visage à mesure que s’accomplit, dans l’œuvre, le processus d’historisation qui en fit, plus que sa méthode, sa solution.

C’est ainsi qu’en 1973, reprenant son travail sur la psychiatrie, Foucault estime d’abord devoir récuser le substantif de « violence » dont il a usé dans son Histoire de la folie[14]. Nous faisons ici l’hypothèse d’une application possible des termes de Jacques-Alain Miller : d’« un rapport de méfiance, un rapport biaisé, tordu, au signifiant maître »[15]. Foucault, parti d’un vécu douloureux, rejoint, selon Deleuze, « un profond nietzschéisme » dans lequel « le pouvoir n’est pas essentiellement répressif puisqu’il « incite, suscite, produit »[16]. Il extrait donc sa conception du pouvoir d’un pathos primordial pour l’élever à la dignité d’une fonction physique, voire vectorielle, mathématique, comme semble l’indiquer le terme de « microphysique » qu’il promeut alors dans une réduction drastique du sens oppressif initial, peut-être à l’origine de son esseulement.

À quelques adhérences près (qu’il aimait les métaphores chirurgicales !), repérables par exemple dans sa fascination pathétique du tableau du roi Georges III nu et couvert d’excréments[17], et malgré une conception du pouvoir qui fait fi de l’amour, Foucault, inexpugnable Contr’un[18] et insoumis magnifique, aura produit une véritable déconstruction aux allures lacaniennes en concluant à l’hétérogénéité et à la pulvérulence des sources du pouvoir, à l’inexistence de La société[19]. Nous faisons l’hypothèse qu’il y est parvenu en traitant l’archive, dans un processus d’historisation subjective du savoir (qui lui est d’ailleurs reproché). Est-ce ainsi qu’il s’est, lui-même, « guéri » de son lien social défait, selon le mot même de son ami Althusser[20] ? Il est possible, en effet, que le rejet de l’ontologie, à l’origine d’une certaine irréalisation, ait constitué le vecteur à même de l’éloigner durablement de l’abjection primordiale à la source d’un certain sentiment initial d’infamie.

Après lui son enseignement se diffracte en des usages opposés[21], conformément au mathème du discours universitaire et comme, ironiquement, il l’avait souhaité : faute de l’amour forclos, le rejet de toute ontologie laisse les convives au banquet sans lien social véritable, et la voie est ouverte à tous les constructivismes sociaux, voire au transhumanisme qui trouve en Foucault une inspiration. Il nous laisse néanmoins l’exemple étourdissant de sa réinvention subjective singulière : « Écrire, c’est se transformer, c’est se déprendre soi-même. Si je savais où j’allais, je n’écrirais pas. »[22]

[1] Michel Foucault déclarait, dans les années 70 : « mon premier problème ça a été la psychopathologie et la psychanalyse ». [2] Foucault M., Maladie mentale et personnalité, Paris, PUF, coll. « Initiation philosophique », 1954, p. 17. [3] Lacan J., « Lituraterre » Autres écrits, Seuil, 2001, p. 13. [4] Eribon D., Michel Foucault, Paris, Flammarion, coll. Champs Biographie, 2011, p. 11. [5] Foucault M., « Qu’est-ce que la critique ? Critique et Aufklärung », conférence prononcée par M. Foucault le 27 mai 1978 devant la Société française de philosophie, Bulletin de la société française de philosophie, 84e année, n° 2, avril-juin 1990. [6] Eribon D., Michel Foucault, op. cit., p. 17. [7] Voetzel T. Vingt ans après, Paris, Grasset, p. 55, cité in Eribon D., ibid., p. 31. [8] Defert D., « Michel Foucault ou les jeux de la vérité », France Culture, 1988. [9] Foucault M., « Qu’est-ce que la critique ? Critique et Aufklärung », op. cit., p. 39, cité in Eribon D., op. cit., p. 12. [10] Eribon D., Michel Foucault, op. cit., p. 49. [11] Eribon D., ibid., p. 51-57. [12] Droit R.-P., Michel Foucault, entretiens, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 94-95, cité in Eribon D., Michel Foucault, ibid., p. 53. [13] Interview à la radio, par Jacques Chancel, 1975. [14] Foucault M., Le pouvoir psychiatrique. Cours au collège de France. 1973-1974, Paris, Gallimard, 2003, p. 15-18. [15] Miller J.-A., « Les semblants de l’Un », Conversation sur le signifiant-maître, Paris, Agalma/Seuil, 1998, p. 141. [16] Deleuze G., Foucault, Paris, Les Éditions de Minuit, 1986-2004, p. 78. [17] Foucault M., Le pouvoir psychiatrique, op. cit., leçon du 14 novembre 1973. [18] La Boétie É. de, Le discours de la servitude volontaire ou le Contr’un, 1549. [19] Lagasnerie G. de, « Que signifie penser ? », Foucault contre lui-même, sous la direction de François Caillat, Paris, PUF, 2014, p. 30-33. [20] Althusser L., L’avenir dure longtemps, Paris, Stock/IMEC, 1992, p. 40. [21] Caillat F., Foucault contre lui-même, op. cit., p. 9. [22] Cité in Lagasnerie G. de, Foucault contre lui-même, op. cit., p. 45.

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Parler de lui encore

Mme N. vient au CPCT parce qu’elle ne comprend plus son fils Yohan, âgé de vingt ans.

Elle a eu « une adolescence carabinée, un père pédagogue qui la dévalorisait et une mère régisseuse ». À dix-sept ans, après une dispute avec son père, elle s’enfuit avec un « bad boy » et arrête ses études. Elle pensait l’aimer, il était intelligent et incarnait la liberté.

Enceinte à dix-neuf ans, elle dit avoir eu « un flash », réalisant que le père de son enfant était un truand se croyant supérieur à tous, condamné à des peines de prison. Or, devenue mère, « elle ne veut plus de bêtises ». Elle rompt et élève seule son fils. Mère câline tant qu’il est bébé, elle le tient à distance lorsqu’il a trois ans. « Je surveillais son œdipe » me dit-elle. Elle est présente, subvient à ses besoins, mais ne peut plus le câliner car il ressemble à son père.

Yohan semble être tombé malade à l’âge de dix-sept ans, suite à une liaison amoureuse. S’en suivront de longues périodes d’errance. Mme N. demandera l’aide de plusieurs personnes : des éducateurs, une association de parents et un psychiatre pour elle-même.

« Un virage à 180° »

Mme N. est tendue lorsqu’elle évoque son fils, son visage est crispé, elle relate les disputes, les manœuvres de son fils pour lui soutirer de l’argent, son laisser-aller complet et ses dents pourries. « Il n’est plus sous ma responsabilité depuis qu’il a dix-huit ans », plaide-t-elle. Puis : « J’ai fait des choses horribles : les éducateurs m’ont expliqué qu’il fallait un éloignement familial pour Yohan, ils me demandaient de ne pas l’aider. C’est allé très loin. » En effet, il s’est fait renvoyer du foyer d’hébergement. Elle l’a laissé à la rue, a coupé tout lien avec lui, témoignant alors de son côté d’un sentiment de liberté, mais d’un « flottement inouï ». Elle me dit : « Il allait mal, c’était l’horreur de le voir comme cela, alors j’ai donné la main à mon fils. » Elle le reprend chez elle mais au prix de nombreux conflits qui la débordent. Elle perd parfois la voix d’avoir crié. Elle le reprend, à la façon d’une régisseuse – comme sa mère, repère-t-elle. Elle le met dehors tôt le matin quand elle part au travail, mais elle se sent mal de le voir rester là, désemparé, à côté des boîtes aux lettres de son immeuble.

– « Il reste à côté des boîtes aux lettres ? … C’est une adresse que vous lui assurez, c’est important pour lui. »

Mme N. surprise acquiesce, soulagée. Par la suite mes interventions viseront à la soutenir dans sa place de mère prenant soin de son fils. Quand elle doit s’absenter pour le travail, il l’appelle parfois car il est en détresse. Il lui demande de venir le chercher. Parfois elle ne veut pas être dérangée, elle ne répond pas. Elle est alors inquiète, ne dort plus et se met en colère quand, décidant de le secourir, elle s’aperçoit qu’il a trouvé une solution et la laisse en plan. Elle ne comprend pas qu’il l’appelle alors qu’il sait qu’elle est loin.

– « Il a besoin de vous parler, ou même d’entendre votre voix sur le répondeur quand vous ne pouvez pas lui répondre. »

Ensemble nous évoquons les aides extérieures qu’elle recherche : ses parents prennent le relais le week-end, un ami lui loue un appartement et prend Yohan sous sa coupe, « entre hommes ».

Je lui indique que son fils est malade et qu’il faudrait qu’il consulte. Ce signifiant « malade » l’arrête, la questionne et l’apaise. Les consultations pour son fils auprès d’un collègue précisent cette ébauche diagnostique. « Il a dit que ça ne passerait pas comme ça, il a parlé de psychiatrie. » Elle prend cela très au sérieux. Elle me dit être plus douce, elle était « braque ». Elle me dit qu’elle l’entend et qu’elle s’est entendue. « Vous ne vous rendez pas compte, j’ai fait un virage à 180°. » Yohan ne supporte pas la vie, seul dans son propre appartement et va manifestement très mal. Mme N. accepte de le reprendre chez elle, mais avec un protocole médical. Elle sait maintenant qu’il est malade. « Je souhaite continuer à l’aider, mais ne pas recommencer à l’identique. »

Régler la distance à l’Autre

Par trois fois, les aides que Mme N a sollicitées visaient à la séparer de son fils dans le réel. Les éducateurs ont imposé l’éloignement, l’association de parents lui a conseillé de ne plus l’aider pour se protéger, son psychiatre lui a dit : « Je ne peux plus vous aider, vous ne voulez prendre aucun risque avec les hommes, revenez quand vous parlerez de vous. »

Mme N. remarque que je l’invite à parler d’elle. Elle me dit : « Nous avons parlé de beaucoup de choses la dernière fois, mais je reviens toujours à mon fils. »

– « Oui, pour le moment vous avez besoin de parler de lui et de vous. »

Par la suite, Mme N parle de son fils et d’elle-même, de ce qu’elle met en place pour lui, de ce qui la soutient, elle.

Elle a un métier qui lui plaît, où la féminité et l’apparence comptent. Elle s’y sent indépendante. C’est un milieu où il n’y a pas de cadre ou d’habitudes préétablies. Cela lui convient parce que c’est elle qui instaure des règles.

Mme N. aborde sa relation aux hommes. Elle dit : « Je me tiens à distance des bad boys, mes vieux démons, parce que je suis maintenant une femme respectable. » Elle fréquente un homme qui souhaiterait construire une vie de couple. Elle constate qu’elle veut rester indépendante. Elle sait être affective, mais n’a pas les « sentiments adaptés » pour vivre avec quelqu’un.

Reprendre une vie normale

Lors de ces séances, Mme N. a exposé ce qui la soutient, ce qui lui permet de régler son lien à l’Autre. Le lien à son fils échappe à cette formule et la pousse vers la haine. Elle vient traiter ce qui dans le lien à son fils ne trouve pas à se symboliser, rendant inhumaine la séparation et impossible la vie sous le même toit. Le signifiant « malade » permet à Mme N. de tenir une place, celle d’une mère « respectable » qui prend soin de son fils. Les entretiens se terminent quand, Yohan allant à nouveau mal, Mme N. conclut que « cela doit maintenant passer pour lui par le CMP ». Elle se sert de ce signifiant « malade » pour introduire une respiration dans leur couple, sans le livrer à la rue. Elle peut envisager une séparation d’avec son fils qui doit être soigné et « veut essayer de reprendre une vie normale ».

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Lorsque l’enfant questionne, d’Hélène Deltombe

Le commentaire fort vif de Carolina Koretzky du bel ouvrage d'Hélène Deltombe met en valeur ce qui de son titre fait ressource dans la cure qu'un psychanalyste conduit pour un enfant en souffrance : le moment où ce qui fait question, pour son entourage ou pour lui-même, peut se décliner en une énigme. Car l'énigme, et l'appui pris par Freud sur la légende d'Œdipe nous le rappelle, constitue réellement la façon dont le sujet est mis à l'épreuve de soutenir la question de son désir, en y mettant du sien.

C'est précisément ce point que vise le psychanalyste en son interprétation. La 3e Journée de l'Institut psychanalytique de l'Enfant le 21 mars mettra à son étude les diverses facettes et les diverses façons de l'interprétation.

Daniel Roy, directeur de la Journée.

Lorsque l’enfant questionne[1] est le titre du dernier ouvrage d’Hélène Deltombe. En 2010, H. Deltombe abordait déjà la clinique psychanalytique avec les adolescents dans son ouvrage Les enjeux de l’adolescence. Sur le plan épistémique, Lorsque l’enfant questionne est un livre qui a la grande qualité, d’un côté, de nous faire entendre le plus intime de chaque cas clinique présenté – ne sont jamais absents les méandres et les détours parfois compliqués d’une cure d’enfant – et, de l’autre, de poser les bases théoriques de la pratique analytique. H. Deltombe réussit à montrer clairement la puissance de l’appareil conceptuel de Freud et de Lacan pour aborder les problématiques cruciales que la clinique avec les enfants nous pose. Ainsi, elle permet au lecteur de toucher de près la manière dont ces concepts répondent à une pratique très concrète. H. Deltombe partage avec le lecteur son expérience d’analyste avec les enfants. J’utilise ici le terme d’expérience non pas dans le sens d’avoir de l’expérience (méfiance !), mais dans le sens où nous sommes en permanence – comme le souligne Bruno de Halleux dans sa belle préface – avec Hélène au cœur de son cabinet.

Ce livre, vous l’avez compris, est un livre éminemment clinique : Dylan, Olivier, Yvan, Victor, Sylvain, Florent, Marilyne, Simon, Stefan Zweig, Petit Hans, Hélène Deltombe. J’inclus l’auteur à la fin de la liste, lisez ce livre pour en déceler le mystère !

H. Deltombe ne nous épargne jamais les moments d’impasse dans la cure. Ceci constitue un élément fondamental dans ce que signifie la transmission d’un cas clinique. Transmettre les impasses d’une cure, comme Freud savait si bien le faire, c’est aller à l’encontre de toute idéologie de réussite ou de productivité dans une analyse. Présenter ce qui ne change pas quand tout change, montrer les impasses du transfert, montrer ce qui se répète, inclut la dimension du réel, fondement même de ce qui oriente notre pratique. L’analyste ne travaille pas avec ce qui marche, il travaille avec ce qui ne marche pas, ce qui cloche, ce qui ne trouve pas d’accord. Il travaille avec ce qui ne s’arrête pas de rater. Je pense au cas de Victor qui montre que, comme l’adulte, un enfant peut parler pour en dire le moins possible sur ce qui le taraude et que le dénouement du symptôme advient par l’irruption de l’inconscient, un inconscient qui a moins à voir avec un contenu profond et mystérieux qu’avec ce qui est de l’ordre du non-né, du non-réalisé, qui a donc à voir avec la trouvaille.

Le symptôme de l’enfant – un enfant comme symptôme du couple, un symptôme qui dérange l’Autre parental ou scolaire – est dans tous les cas la porte d’entrée que le psychanalyste emprunte pour faire résonner une vérité inconsciente. Dans son ouvrage, H. Deltombe développe finement le côté « solution » du symptôme de l’enfant. Il n’est ni une erreur ni un déficit, mais une solution, certes coûteuse, mais une solution trouvée. D’où le risque de réduire un symptôme, voire de l’éliminer, sans offrir au sujet l’accompagnement nécessaire pour qu’il trouve une nouvelle solution à son existence. Le cas de Karim est ici exemplaire. Le problème, comme H. Deltombe le souligne si justement, c’est que nous sommes aujourd’hui confrontés à des institutions de soin qui s’emploient « à éradiquer les symptômes sans plus s’attacher à la part de vérité qu’ils recèlent »[2]. J’en profite pour rapporter cette magnifique citation de Jacques Lacan dans le Discours aux Catholiques, que j’ai découverte grâce à ce livre : « décomposer jusqu’à la niaiserie tout dramatisme de la vie humaine »[3]. C’est précisément ce que soutiennent silencieusement certaines des méthodes contemporaines d’annulation du sujet. À l’analyste de permettre à ce dramatisme de se faire entendre.

Comme c’est souvent le cas en psychanalyse, la cause est ce qui se trouve à la fin. La postface du livre concerne la cause du désir de l’analyste. Freud, avec l’interprétation qu’il nous offre de son propre rêve connu sous le nom de « l’injection faite à Irma », a déployé pour nous les fondements névrotiques du désir de l’analyste. Il n’y a pas de désir qui saurait être pur. À l’analyste, dans sa propre cure, de dégager les ressorts de ce désir et d’en faire non pas un obstacle, mais le moteur des cures qu’il mène et oriente. Ce livre l’illustre particulièrement bien : un symptôme de mutisme (revers de toutes ces choses brûlantes à dire) peut devenir un silence où l’enfant pourra enfin poser ses propres questions.

Nous arrivons ainsi au titre de ce livre : Lorsque l’enfant questionne. L’auteure avoue l’avoir trouvé en résonance au livre de Françoise Dolto, Lorsque l’enfant paraît. Mais ici paraît, et la fascination pétrifiante de l’imaginaire avec laquelle ce mot résonne, est remplacé par questionne. Questionner ouvre sur le champ de la parole et du langage, c’est la puissance du signifiant qui est au premier plan. Mais qu’est-ce qui questionne ? L’enfant ? Les parents ? Le symptôme ? L’analyste ? Tout est à décliner, c’est la beauté de la clinique. H. Deltombe l’explicite parfaitement : les problèmes adviennent lorsque l’enfant ne questionne pas. Car l’enfant et la question sont étroitement liés : l’enfant questionne sans relâche le désir de l’Autre, il va l’interroger pour, un jour, ne plus être un assujet[4] et accéder à son désir.

Finissons donc avec cette belle phrase qui signale la portée de notre tâche : « On peut faire le pari que la rencontre avec l’analyste pourrait lui permettre de chercher ce qui se passe d’énigmatique pour lui. Il s’agit d’éléments inconscients, signifiants, qui le font souffrir et dont il n’a pas les clefs pour devenir sujet de son inconscient »[5].

[1] Deltombe H., Lorsque l’enfant questionne, Paris, Éd. Michèle, 2013, p. 97. [2] Deltombe H., ibid., p. 97. [3] Lacan J., Le triomphe de la religion précédé de Discours aux catholiques, Paris, Seuil, 2005, p. 20. [4] Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, Paris, Seuil, 1998, p. 189. [5] Deltombe H., op. cit., p. 71-72.

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