Le symptôme, cette chance
On les disait turbulents, agités, insolents, paresseux, au pire idiots, bons à rien, et parfois même « sauvageons » ou « racaille ». On les dit hyperactifs, instables, en déficit d’attention et de concentration. Leur niveau aurait baissé, sans doute parce qu’ils ne lisent soi-disant plus de livres et sont tout le temps collés à leur nouvel organe hors-corps, le smartphone.
Il est vrai que parfois, ils s’y réfugient comme dans un monde parallèle où quand ils sont particulièrement désarrimés, toute une sphère d’influence, religieuse notamment, peut s’ouvrir à eux. Il est vrai également qu’ils arrivent au monde alors que jamais les possibilités n’ont semblé tellement ouvertes qu’elles peuvent apparaître fermées, le manque de repères et de voies toutes tracées aussi faibles, les chances de construire un avenir radieux aussi incertaines.
Si les explications historiques, sociologiques, ainsi que les grandes tendances scolaires ou économiques doivent nourrir notre manière d’appréhender l’éducation, jamais elles ne pourront rendre compte tout à fait de ce que le hasard d’une rencontre peut provoquer, « entre les murs » d’un collège, d’un lycée, d’un CMP ou de toute institution dans laquelle un adulte a choisi d’aller au-delà des étiquettes et des comportements pour entendre que quelque chose d’autre se jouait pour l’enfant ou l’adolescent dont il est en charge.
C’est le cas pour les professeurs qui font le pari de la conversation avec des analystes dans les laboratoires du Centre Interdisciplinaire sur l’ENfant (CIEN), notamment. Mais c’est le cas partout où un petit d’homme est entendu dans sa plus grande singularité, et où dès lors peut émerger un symptôme, c’est-à-dire la possibilité de faire une place au savoir, scolaire ou pas, et que puisse se saisir cette chance de mettre au travail l’énigme de ce qui agite, dérange, bref, fait vivre le parlêtre en grandissant.