Au commencement [au commandement] était le texte, au commencement était le corps, au commencement était la guerre, au commencement était la mère

 

Au commencement [au commandement] [1] était le texte, au commencement était le corps, au commencement était la guerre, au commencement était la mère [2]

 

La dramaturgie de La Mouette, fomentée par Tchékhov, repose, imprimée ; elle attend son metteur en scène, son plateau de comédiens, son public se pressant pour vivre une passion au-delà de ce que la lecture lui a fait imaginer, supputer – elle attend son heure pour faire effraction dans le temps. La Mouette de Brigitte Jaques-Wajeman se pose sur l’hiver de 2022-23. Elle prend acte de ce que Kiev, devenue Kyïv, a cessé d’être l’antique capitale de la petite Russie. Elle donne à la guerre son épaisseur et son opacité, l’immixtion intempestive d’un chœur a capella en ukrainien irradiant soudain la scène et la salle d’un souffle d’opéra.

Cette Mouette-là, comme quelques autres mises en scène avant elle [3], surmonte l’épreuve qu’est toute traduction en français. Surtout, elle est bien la seule à opérer sur des corps aux prises avec la langue qui les immobilise ou les meut. Elle montre ce faisant que cette langue constitue la machinerie même du spectacle. Par les enchevêtrements de sons, des chairs et des muscles avec le texte, elle s’impose comme la marque de la « méthode B.-J. Wajeman ». Les corps sont des épiphanies, ils apparaissent comme autant de solitudes enchaînées à des signifiants, lesquels n’en demeurent pas moins souverains. Leurs enlacements – crispations/modulations, torsions/accélérations, accablements/suspens, défections/silences, lâchages/pauses, nourrissent les rythmes qui vont converger au cœur des spectateurs/auditeurs et servir leur persévérance à travers les âges, les scènes, les mystères des langues et les langues des mystères. La défroque des acteurs nous tient à bras-le-corps ; elle se fond avec ou tranche sur leurs sacs de peaux, momies animées jamais loin de l’aube et déjà proche du crépuscule où le ciel précipite la fin du jour et du spectacle.

Telle, la puissance de l’art dramatique, art total et irréductible à aucune de ses composantes : lumière, noir, musique, mutisme, espace ouvert, réduit, choc/couleur. Quelles que soient les éclipses d’un Zeitgeist distrait, le dit de Constantin Stanislavski les illumine : « On ne peut représenter Tchekhov, on ne peut que le vivre » [4].

Et ça palpite, ça pulse, ça mord, ça saigne.

Qu’on puisse lire ce théâtre, le vivre en chambre, l’imaginer se fracasse sur le réel de l’organisation scénique, des mouvements qui s’y déploient, traversant les corps et les voix soudain aux prises avec un texte que ses sens pulvérulents finissent par interdire, emmurant le fils éperdu, rivé à l’étreinte de l’ombre de Gilliatt dont la pieuvre s’abreuve encore et qui devient lambeau.

Son amour de la femme que sa mère a confisquée à son profit exclusif lui revient en boomerang et le tue. D’ailleurs, n’avait-il pas, lui, distrait, sans savoir pourquoi, tué une mouette ? N’en avait-il pas fait l’étrange offrande/offense à la jeune fille de ses pensées, comme d’un portrait précisément « tiré » ?

Mais pendant ce temps, avez-vous donc oublié son père ? Il est vrai qu’il ne tenait qu’à une ligne : « d’après mon passeport, je suis un petit-bourgeois de Kiev, comme mon père, qui avait beau être lui aussi un acteur connu, n’en était pas moins un petit-bourgeois de Kiev » [5]. Ce père fantomatique n’a plus de voix pour demander vengeance au fils ; il a passé et s’est résorbé sans protester dans sa classe sociale qui se referme sur lui en écrasant au passage le choix, heureux, qu’il fit du métier d’acteur, sans en faire l’objet d’une enquête ni, a fortiori, d’un procès. Son engeance ne pourra être autre qu’à son image, complétant l’adage tel père, tel fils d’un jugement sans appel : aucun des deux ne peut racheter l’autre [6]. N’est-ce pas cette même ligne qui vibre et se tend sur la fin, quand tous conspirent à faire équivaloir la détonation mortelle du suicide filial à l’explosion d’un flacon d’éther dans la sacoche du médecin ? Ainsi disent les hommes, tous d’accord désormais pour épargner la femme, la mère, l’innocente bacchante, si bien qu’on ne sait plus, à la fin, ce que peut bien vouloir dire vivre, sinon que ce pourrait être ce qui reste, quand survivre et mourir s’embrassent avant de tirer leur révérence complice. Tel est le point d’impact de la purgation de la vie contemporaine, que Lacan, avec Balzac, reprit et reprisa à l’envers.

Vous avez dit la vie ? Qu’on le dise n’est pas, dans cette mise en scène/abyme, oublié mais, en chaque réplique, assumé, au-delà comme en deçà du sens.

Nathalie Georges-Lambrichs

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[1] Archè, en grec, signifie commencement et aussi commandement.

[2] Après avoir vu la dernière représentation de La Mouette de Tchékhov le 25 février dernier au théâtre des Abbesses.

[3] Mémorable entre toutes, celle de Bruno Bayen [1978] qui signait l’argument suivant : « Un jeune écrivain veut outrager le public que compose sa famille, sa mère actrice et un auteur rival qu’abusivement il prend pour le successeur de son père, par le biais d’une pièce de théâtre. Il veut machiner une pièce qui les confonde ; il échoue c’est le prologue. Deux ans plus tard : il convoque les mêmes personnes par le stratagème de la maladie de son oncle au spectacle de son suicide c’est l’épilogue. Comme ce jeune homme est pudique et très moderne, le suicide aura lieu en coulisse. “Au bord d’un lac vit depuis son enfance une jeune fille qui aime le lac comme une mouette. Mais par hasard survient un homme, il la voit et par désœuvrement, lui prend sa vie… comme à cette mouette”. Deux ans plus tard comme un détective ou un archéologue, cet homme qui est écrivain, revient sur les lieux pour écrire la nouvelle qu’il veut tirer de son expérience vécue. Mais voilà, il a l’écriture coupée. Un nouvelliste qui voulait écrire du théâtre pourra – le jeune dramaturge mort, le nouvelliste à succès rendu improductif – faire alors une pièce qui connaîtra un échec retentissant. Ce n’est pas Borgès, c’est Tchekhov ». Article disponible en ligne https://www.festival-automne.com/edition-1978/bruno-bayen-mouette

[4] C. Stanislavski cité dans « Entretien avec M. Potiron », Theatre-contemporain.net disponible en ligne https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/LA-MOUETTE-8815/ensavoirplus/idcontent/37890

[5] « La mouette », acte 1, in Tchekhov A., Œuvres, t. 1, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1968, p. 297.

[6] De fait, le père de Tchekhov, serf, s’était racheté lui-même, ne laissant en héritage symbolique à ses fils rien d’autre que la mémoire de cet acte.




« Quand nous avons cessé de comprendre le monde » : Les lumières aveugles de Benjamín Labatut

 

Livre « inclassable » [1], Lumières aveugles de Benjamín Labatut [2] est la preuve matérielle que, si la vérité a la structure d’une fiction, cette dernière ne cesse de se fragiliser au rythme du progrès. Fort bien documenté, ce recueil atteste qu’« [i]l n’est nullement nécessaire qu’une écriture veuille dire quelque chose » [3], et en montre les ravages. Nous en tirons les conséquences sur trois points successifs.

Premier point : B. Labatut retrace les antécédents des deux grandes inventions de Fritz Haber. Celle du salpêtre synthétique, fertilisant efficace qui a éloigné un risque sans précédent de famine. La seconde invention est le gaz de chlore qui fut la première arme de destruction massive. Ironie de cette triste histoire, B. Labatut signale le véritable regret de F. Haber. Ce ne fut pas l’usage du gaz comme arme. Au contraire, ce qu’il regretta fut le déséquilibre que provoqua son fertilisant sur l’environnement. Le taux de nitrogène permettait aux plantes libres de « proliférer sans frein […] pour se répandre sur la surface de la Terre jusqu’à la recouvrir totalement, étouffant toutes les formes de vie sous un vert effroyable » [4]. Une pulsion de vie à l’état pur entraîne inévitablement la mort [5].

Deuxième point : l’absence de vrai sur le vrai apparaît dans la pure écriture mathématique. B. Labatut le dévoile dans l’affrontement entre un Schrödinger croyant en un Dieu qui ne joue pas aux dés, versus un Heisenberg pour qui « La meilleure description d’un système quantique n’était pas une image ou une métaphore, c’était un ensemble de nombres » [6]. Point d’existence de la matière, mais pure indétermination des probabilités. Il n’est pas anodin que ce chapitre soit intitulé « Quand nous avons cessé de comprendre le monde ».

Enfin, le troisième point capitonne ce récit à travers son tout dernier personnage. En jardinant en pleine nuit, un ancien mathématicien confie au narrateur que le véritable danger n’est pas la série de désastres provoqués par le progrès scientifique, mais celui de l’écriture mathématique qui porte en elle-même ce mouvement à n’en rien comprendre. D’ici vingt ans nous ne saurons plus ce que c’est que l’humain. « Non que nous l’ayons jamais vraiment saisi, a-t-il ajouté, mais c’est de pire en pire » [7].

Que suggère le poète dans ces brillants récits ? Que ce que nous vivons aujourd’hui était déjà là. Que la flagrante absence de garanties de la science pendant la crise du Covid 19 était loin d’être une nouveauté. La tempête informative de notre époque, pur progrès technique, n’a pour résultat que de mettre à ciel ouvert un effet propre à la démarche de la science moderne. Depuis le cogito cartésien, il ne s’agit que de produire du savoir, tout en se débarrassant de la question de la vérité, comme le signale Lacan dans son séminaire inédit « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse » [8]. C’est bien ce que le dernier personnage de ce roman saisit : le pire sera la chute totale des semblants, la pulvérisation des vérités menteuses.

L’analyste, tout comme le scientifique, ne croit pas au père Noël. Un adolescent me racontait le jour où sa mère lui a avoué l’inexistence de ce personnage. Il me dit : « mais je voulais y croire ! ». Il revient à l’analyste, non de dénigrer ni de revendiquer ce semblant, mais d’en saisir, une par une, la fonction dans ce corps parlant singulier devant nous. Pour le moment, c’est le seul principe de réalité qui nous reste.

Cristóbal Farriol

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[1] « Hoy, el que no tiene más de un par de ojos está ciego » : Benjamín Labatut, el autor chileno recomendado por Barack Obama. BBC News Mundo, 11 août 2021, disponible sur internet https://www.bbc.com/mundo/noticias-57943009

[2] Labatut B., Lumières aveugles, Paris, Seuil, 2020. Labatut B., Un verdor terrible, Barcelona, Anagrama, 2020.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XIV, La Logique du fantasme, Paris, Seuil, p. 23.

[4] Labatut B., Lumières aveugles, op. cit., p. 39.

[5] Cf. Freud S., « Au-delà du principe de plaisir », in Œuvres complètes. Psychanalyse, vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 273-338.

[6] Labatut B., Lumières aveugles, op. cit., p. 189.

[7] Ibid., p. 214.

[8] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre XII, « Problèmes cruciaux pour la psychanalyse », leçon du 9 juin 1965, inédit : « mais que pour ce qui est de la vérité, il s’en décharge sur l’Autre, […] de cette façon, aussi bien, il s’en débarrasse, et par la voie ouverte, la science entre et progresse, qui institue un savoir qui n’a plus à s’embarrasser de ses fondements de vérité ».




CHRONIQUE DU MALAISE : La guerre entre réel et réalité -1

 

La guerre, fait de discours

Conquérante ou défensive, la guerre est considérée depuis toujours comme une activité sociale qui s’impose. Machiavel, en la disant juste, si nécessaire, indique qu’elle ne répond pas à la libération sauvage des instincts ou des pulsions mais à une élaboration qui les encadre. C’est Machiavel qui conseillait au prince de se préparer à la guerre, en levant en masse les citoyens afin de remplacer les mercenaires au service des villes. Sun Tzu ne disait pas autre chose, dans son Art de la guerre. « La guerre est d’une importance vitale pour l’État. C’est le domaine de la vie et de la mort : la conservation ou la perte de l’empire en dépendent ; il est impérieux de le bien régler. » [1] La guerre n’est donc pas hors discours, son caractère se modifie selon la société que colore le discours du Maître en rapport aux autres discours.

Aujourd’hui le concept de réel a fait florès, il s’est glissé dans lalangue. La notion est très communément employée pour signifier ce qui va plus loin que la réalité ou la compréhension, en somme une autre dimension généralement plus dure, voisine du pire.

Produire son réel

Dans le crime contre l’humanité que fut dans la Seconde Guerre mondiale l’entreprise d’extermination des juifs d’Europe, le réel fait son entrée de manière visible, massive et compacte, hors sens et hors discours. Il s’agit d’une entreprise effective de déshumanisation – disparition des corps, des noms, de l’histoire – avec systématisme, exhaustion, rationalisation. La question ici est en effet celle-ci : comment un fou paranoïaque a-t-il pu faire produire à d’autres son réel ? Certes on connaît la puissance persuasive, hypnotisante parfois de celui qui ne doute pas, sur la faiblesse des esprits incertains; ici l’extrême a été atteint et ce qui frappe c’est bien que le réel, celui d’un seul ait été produit socialement dans sa pureté de réel, au-delà de toute imagination possible.

C’est donc bien le réel dans sa monstruosité qui crée un avant et un après dans la conception de la guerre. Au sein de la guerre, celle qui obéit aux lois de la guerre, la possibilité d’une autre guerre est introduite, celle que guide le réel sans loi ou, ce qui lui équivaut, une loi personnelle. Cet absolu du réel réalisé a constitué une fracture dans la civilisation. À partir de là, les formes larvées, où une structure du même ordre se révèle, s’en trouvent éclairées et deviennent lisibles, même si apparaissant comme moins anti-humaine dans leur exécution. Des formes qui vont du crime de guerre au génocide, pour lesquelles le réel comme tel se détache. À l’époque de la jouissance généralisée, elles sont de plus en plus nombreuses, voire participent à toute guerre moderne. La guerre aujourd’hui doit être lue à l’aune du réel en tant qu’il a subverti le symbolique, et partant l’imaginaire, au-delà de la notion de l’alter ego, de l’ennemi.

Du crime réel et de l’imaginaire du groupe

Dans son écrit sur la criminalité, Lacan dessine une place possible pour ce réel bien que non encore théorisé comme tel. Il prend l’exemple de la situation de guerre et du statut du passage à l’acte dans l’armée, armée dont le recrutement est de moins en moins exigeant et sélectif. Eh bien, lors de la mise en contact avec des ennemis civils, une propension pour les exactions apparaît, soit « le goût qui se manifeste dans la collectivité ainsi formée, au jour de gloire qui la met en contact avec ses adversaires civils, pour la situation qui consiste à violer une ou plusieurs femmes en la présence d’un mâle de préférence âgé et préalablement réduit à l’impuissance, sans que rien fasse présumer que les individus qui la réalisent, se distinguent avant comme après comme fils ou comme époux » [2].

La loi symbolique choit dans l’imaginaire que le groupe soutient, en irréalisant l’action du violeur. Le réel s’affranchit du processus d’intériorisation de la pulsion de mort, et si la civilisation devient moins violente, les individus le sont toujours plus. Ils peuvent même se regrouper, se structurer à cette fin.  Lacan avait saisi dans son texte sur la psychiatrie anglaise et la guerre [3], dès 1945, le pas pris de l’efficacité du « rapport véridique au réel » côté anglais sur « le mode d’irréalité » côté français [4]. Les « inadaptés, facilement délinquants » et autres « Dullards » regroupés ensemble vinrent, aidés par des psychiatres, grossir l’armée régulière [5]. L’ère du pragmatisme à tout prix avait commencé, les groupes paramilitaires ainsi formés jouent une partie qui reste à explorer.

Examiner le réel : les noms qui peuplent le silence

Être réaliste par rapport à ces nouvelles formes larvées plus ou moins occultes de guerres, c’est d’abord savoir ce que signifie examiner le réel, en apporter la preuve. Il ne relève pas en effet, du simple dire, de la déclaration, et ne s’inscrit dans aucun lien à la vérité.

Dès l’ouverture des camps, Sydney Bernstein, chef de la section film de la division action psychologique des armées alliées, accompagne l’armée. Il est chargé de réaliser un film documentaire. Le film « La mémoire meurtrie, sous-titre témoin à charge » sort en 1945 [6].

Bernstein prend conscience d’emblée que ce qui se présente à lui est tellement inimaginable que l’on pourrait ne pas le croire. Il anticipe en cela les thèses négationnistes : sans la preuve de ce réel, on pourrait réécrire l’histoire. Il note immédiatement que « [l]es images seront insuffisantes en elles-mêmes ». Il faut les insérer dans un discours irréfutable. Il décide, alors, de filmer tout ce qui pourrait prouver que cela sest passé, noms propres figurant sur les fours crématoires, – « Tous les noms qui peuplent le silence » dit-il –, et tous les autres signes qui font traces signifiantes, pour retrouver les industriels allemands. Interrogations des SS et autres responsables présents : ce qui comptait, c’était de les filmer en présence, les faire « assister à l’enterrement des victimes, voire leur demander de l’aide ». « J’ai demandé des plans séquences aussi larges et longs que possible, et des mouvements de caméra panoramiques ». Il y a associé des images d’autres camps : il ne fallait pas que l’on prenne celui de Belzec Belsen, où il filmait, comme une exception.

C’est à Hitchcock que Bernstein confiera le montage du film, et ce, afin de transmettre la réalité, là-présente à ses yeux où loge l’indicible et monstrueux réel.

Francesca Biagi-Chai

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[1] Sun Tzu, L’Art de la guerre, trad. Père Amiot, Paris, Fayard, coll. Mille et une nuits, 2022, p. 5.

[2] Lacan J., « Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 131.

[3] Lacan J., « La psychiatrie anglaise et la guerre », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 101-120.

[4] Cf. ibid., p. 101.

[5] Cf. ibid., p. 105.

[6] Bernstein S., Hitchcock A., La mémoire meurtrie. Memory of the camps, documentaire, 1945.