Edito : Crise climatique et psychanalyse

 

 

De multiples actions dénoncent l’inaction face à l’urgence climatique. Celles de Dernière rénovation appellent à entrer en résistance par des opérations coups de poing. Récemment, une de ses jeunes militantes s’est attaché le cou au filet du court de tennis lors de la demi-finale homme du tournoi de Roland-Garros. Elle affichait sur son tee-shirt un message en anglais : Il nous reste 1028 jours. L’image a fait le tour du monde.

En s’étranglant ainsi à la face du monde, la jeune militante dont le prénom Alizée évoque un vent doux et régulier, nous renvoie à une vérité. Elle l’a mise en scène à travers ce simulacre d’étranglement. Étranglement : c’est ce que prédisait déjà Lacan en 1974, à Milan, comme effet du réel de la science.

Ce réel de la science est différent de celui dont on parle en psychanalyse. Celui de la science est précisément « au bout des équations mathématiques » [1] comme a pu le dire Serge Cottet. Il se traduit matériellement dans la prolifération d’objets technologiques. C’est ce réel-là qui « nous […] écrase. Ça fait en réalité plus que ça : ça nous empêche de respirer, ça nous étrangle. » [2] dit alors Lacan.

Dans une interview accordée au Monde, cette jeune militante livre le sens de son action : « C’était une action de désespoir. Je voulais détourner le regard des spectateurs vers la réalité : nous allons tous mourir si nous n’agissons pas face à la crise climatique. Il n’y aura plus de tennis dans dix ans. » [3] 

Il y a déjà fort longtemps qu’on pressent l’impact de la nature sur l’être humain. De plus, depuis la nuit des temps, la nature a toujours été source de souffrances. D’abord redoutée parce qu’hostile, voire terrible, on n’eut de cesse d’en asservir la force imprévisible. À la fin du XIXe siècle, constatant les nuisances de la révolution industrielle en pleine expansion, on inventa la protection environnementale, en sanctuarisant des espaces, préservant ainsi une nature plus imaginaire que réelle, idéalement sauvage. Ce concept dit de wilderness, cette vision romantique d’une nature intouchée par la trace humaine fut un leurre mais apaisa sans doute temporairement l’angoisse de l’homme. Angoisse fondée sur un impossible, cette butée à concevoir ce qui « expose la planète à [l’]obscur désir [de l’homme] » [4] à savoir un désir d’en finir et d’en finir avec ladite nature. L’anthropocène en est le nom contemporain.

Puis le wilderness a cédé le pas, dès les années 1990, au « capital nature ». Expression dénotant l’alliance du discours de la science et du discours capitaliste, fondé sur une analogie avec la théorie financière. Ainsi, par exemple, afin de financer ce qui est qualifié de politique d’atténuation de la crise climatique, les économistes établissent la cote de la « valeur carbone » en ces temps nouveaux où « la qualité climatique [n’est plus] considérée […] comme un bien libre » [5].

La psychanalyse ne se détourne ni du réel de la science ni du réel auquel a à faire chaque être parlant. Qu’il advienne dans les suites d’une catastrophe causée par le dérèglement climatique ou qu’il soit causé par la menace de la sixième extinction. C’est ce dont témoignent, dans ce numéro, les textes de Patricia Bosquin-Caroz et de Geert Hoornaert établis à partir de leur intervention lors d’une soirée organisée par l’antenne liégeoise du CPCT de Bruxelles intitulée « Climat et trauma » [6].

Martine Versel

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[1] Cottet S., « En ligne avec Serge Cottet », La Cause du désir, n°84, 2013, p. 16.

[2] Lacan J., « Alla ‘Scuola freudiana’ », le 30 mars 1974, paru dans l’ouvrage bilingue : Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan, La Salamendra, 1978, p. 106. Cité par Hoornaert G., « Malaise dans l’alèthosphère », La Cause du désir, n°106, juin 2020, p. 153.

[3] Article d’Audrey Garric, « Climat : après Roland-Garros, la campagne Dernière rénovation veut multiplier les actions coups de poing », Le Monde, 11 juin 2022, disponible en ligne.

[4] Hoornaert G., « Malaise dans l’alèthosphère », La Cause du désir, op. cit., p. 156.

[5] Quinet A., « Quelle valeur donner à l’action pour le climat ? », Économie et statistique / Economics and Statistics, n°510-511-512, février 2019, p. 172, disponible en ligne : https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/4253053/510_511_512_Quinet_FR.pdf

[6] Cette soirée a eu lieu le 1er juin 2022.




Climat et trauma

 

Climat et trauma [1]

Les catastrophes climatiques de l’été 2021 ont confronté l’Europe, du nord au sud, « à l’irruption d’un réel sans loi » [2], d’une nature débridée, allant d’inondations hors-norme aux incendies des plus ravageant, échappant à une loi prédictive fut-elle celle des algorithmes. Des populations entières furent victimes du déchaînement sans précédent d’éléments naturels laissant apparaître un fait nouveau incontestable, « dans la nature ce n’est plus la main de Dieu qui nous frappe puisqu’elle est profondément modifiée par la main de l’homme » [3].

Dans ce contexte, des praticiens d’orientation psychanalytique rejoignant la subjectivité de leur époque, ont créé une antenne CPCT [4] dans la région la plus sinistrée de Belgique [5]. Le pari consistait à concevoir, plus que jamais, le psychanalyste comme un « un objet nomade, et la psychanalyse comme une installation portable, susceptible de se déplacer dans des contextes nouveaux » [6]. Sans en rajouter du côté des lieux d’écoute appelés à se multiplier par les autorités sanitaires, il s’agissait avant tout d’installer un dispositif qui se distingue de ceux-ci en se proposant comme lieu de réponse. Ceci implique comme le formulait Jacques-Alain Miller, que le déploiement du « bavardage [prenne] la tournure de la question, et la question elle-même la tournure de la réponse » [7]. Que ce soit en tant que savoir inconscient à inventer sous transfert ou comme solution sinthomatique à rétablir.

Une offre de parole fut ainsi faite à des personnes traumatisées, qui nous rappelaient avec Freud que c’est l’absence même d’anticipation, d’apprêtement par l’angoisse, qui crée le traumatisme et plonge le sujet dans l’effroi [8]. Effroi collectif, mais pas seulement, car « un trauma appelle toujours, réveille, met au jour, le trauma de ce qui est pour chacun trou dans la symbolisation » [9].

En effet, l’évènement traumatogène est à distinguer du traumatisme comme tel, du troumatisme [10], de ce qui fait trou dans la trame du sens. « Il ne suffit pas du feu et de la mort pour qu’il y ait traumatisme » [11]. L’expérience nous l’a de nouveau enseigné et nous a rappelé ce que Freud avait mis en lumière en dégageant la logique de l’après-coup propre au traumatisme, relevée ensuite par Lacan comme permettant aussi au sujet de subjectiver l’évènement, ce qui a pour effet de produire un soulagement indéniable. Si le trauma peut se forger à l’occasion d’une catastrophe, c’est en tant que le choc traumatique ramène le sujet à une situation antérieure où prend son origine la véritable source du traumatisme. En va-t-il ainsi de l’impact de paroles blessantes, libérant leur charge traumatique à l’occasion de « l’accident contingent […] ce qu’il ouvre, c’est [à] l’incidence de la langue sur l’être parlant » [12] et ses effets d’affect.

Si la plupart des situations ont mis clairement au jour cette structure de l’après-coup, certaines ont pris une tonalité distincte. En effet, il aura parfois suffi que des sujets soient subitement confrontés à la destitution sauvage d’une figure idéalisée d’un personnage central de leur vie, pour qu’ils logent dans cette disgrâce contingente le réel du traumatisme. Quand chute l’Idéal, apparaît alors l’objet qui habituellement reste voilé au sujet. Et comme le signalait J.-A. Miller : « C’est le point d’où il devient possible […] de se défaire de toutes les idéalisations qui produisent les traumatismes. S’il n’y a pas d’idéalisation, il n’y a pas de traumatisme » [13].

L’expérience nous a permis également de prendre la mesure de l’importance de l’habitat pour un sujet. À l’occasion de l’effraction ou de la destruction de celui-ci, le sentiment du laisser tomber voire d’une Hilflosigkeit première n’est pas loin, révélant la fonction d’enveloppe corporelle que constitue l’habitat. On se souvient de la peur du Petit Hans éprouvée lors de l’éloignement de sa maison. Ce dont il a peur, soulignait Lacan, c’est « que toute la maison s’en aille, que toute la baraque foute le camp » [14]. C’est dire que l’habitat, ce stabitat [15], se noue pour chacun à la dimension de lalangue que l’on habite. Ainsi, un dispositif tel que le CPCT appliqué à ces situations, peut garantir davantage qu’un abri : la possibilité même pour le parlêtre de réhabiter lalangue dont il a été à l’occasion éjecté.

Patricia Bosquin-Caroz

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[1] Titre de la soirée de l’antenne liégeoise du CPCT-Bruxelles du 1er juin 2022.

[2] Bassols M., « La loi de la nature et le réel sans loi », publié dans Lacan Quotidien n°875, 22 mars 2020, publication en ligne.

[3] Hoornaert G. « La main de l’homme », texte paru sur la liste de diffusion du CPCT en vue de la soirée « Climat et trauma ».

[4] Antenne liégeoise du CPCT-Bruxelles.

[5] Région wallonne faisant partie de l’EuroFédération de Psychanalyse.

[6] Miller J.-A., « Vers Pipol 4 », Mental, nº20, février 2008, p. 186.

[7] Ibid, p. 187.

[8] Freud S., « Au-delà du principe de plaisir », (1920), Œuvres complètes, vol. XV, Paris, PUF, 1996, p. 303.

[9] La Sagna P., « Les malentendus du trauma », La Cause du désir, nº86, mars 2014, p. 49.

[10] Lacan J., Le Séminaire, livre XXI, « Les non-dupes errent », leçon du 19 février 1974, inédit.

[11] Miller J.-A. (s/dir.), Effets thérapeutiques rapides en psychanalyse. La Conversation de Barcelone, Navarin éditeur, 2005, p. 35.

[12] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’expérience du réel dans la cure analytique », (1998-1999), enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 9 juin 1999. Voir également Miller J.-A., « Biologie lacanienne et évènement de corps », La Cause freudienne, n°44, février 2000, p. 47.

[13] Miller J.-A. (s/dir.), Effets thérapeutiques rapides en psychanalyse. La Conversation de Barcelone, op. cit., p. 40.

[14] Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La Relation d’objet, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1994, p. 328.

[15] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 455.




Carbone Blitz

 

Il y a quelques semaines, The Guardian révélait que les grandes entreprises mondiales de combustibles fossiles planifiaient discrètement de vastes projets de ce qu’on appelle apparemment des « bombes carbone ». Définies comme des infrastructures de charbon, pétrole et gaz qui émettront plus d’un milliard de tonnes de CO2 sur leur durée d’exploitation, ces « bombes » entraîneraient de manière irréversible le climat au-delà des limites de température convenues au niveau international, provoquant des impacts mondiaux catastrophiques ; cent-quatre-vingt-quinze projets de ce type sont en préparation [1]. Quatre jours plus tard, Le Monde annonçait que des chercheurs avaient identifié quatre-cent-vingt-cinq de ces « bombes climatiques » qui sont d’ores et déjà en opération ou encore à l’état de projet dans quarante-huit pays, et qui pourraient réduire à néant les efforts, déjà maigres en soi, contre le changement climatique [2].

Alors que la communauté scientifique affirme que, pour rester dans l’objectif d’une augmentation de 1,5°C, un arrêt immédiat de 80% de l’extraction des énergies fossiles s’impose, l’industrie de combustibles fossiles prépare un énorme bond qui laissera le seuil des 100% loin derrière. Le seuil franchi, un Dresde [3] climatique nous menace. Il ne connaîtra pas d’armistice et ses bombes ne cesseront de tomber, de génération en génération, et d’un ciel de plus en plus infernal, sur la tête des enfants à venir. Aussi effroyables qu’aient pu être les colonisations par les maîtres d’hier, ses horreurs pâlissent devant la colonisation de l’avenir en cours.

Mais nous flairons la même odeur de l’impossible dans la prescription de réduire notre consommation d’énergies fossiles à 20% de la norme actuelle. Le nombre de conditions à remplir pour arriver à une réduction globale de 80% est à peine imaginable, et il n’est pas du tout sûr que les conséquences de sa mise en œuvre très improbable ne nous expulseraient pas, autrement, certes, mais pas moins radicalement, de l’habitabilité de la terre ; la moindre des restrictions proposées déchaîne des révoltes passionnées. Comme on se retrouve face à quelque chose dont la complexité affole la pensée, et comme une « crise peut vraiment mettre la question du savoir sur la sellette d’une façon telle qu’on ne voudrait plus rien savoir » [4], le disque du discours courant continuera sans doute à tourner imperturbablement, jusqu’au gong du freeze final, qui sonnera quand le Réel imposera la limite. Quelle que soit la forme que prendra cette rencontre, elle signera le moment que Lacan a osé envisager : « L’être espèce humaine en finirait avec cette chose dont elle ne s’est jamais occupée, à savoir de la terre » [5]. Que nous ayons les yeux fermés ou grands ouverts, le regard up ou down, nous sommes tous aveuglés par ce feu dont on sait l’approche.

Pouvons-nous, analystes, encore nous taire face à ce qui vient ? Le terme d’Anthropocène, ainsi que la promotion – encore impensable il y a peu – de la « justice climatique », montre que la modernité loge désormais de l’Autre dans le climat, et que ce n’est plus la main de Dieu qui nous frappe dans la nature, mais la main productive de l’homme. La reconnaissance imminente de cet Anthropocène comme époque géologique par l’International Union of Geological Sciences et ses commissions de stratigraphie, reconnaissance impliquant une démarche aussi tortueuse que de faire cheminer la promotion de la béatification d’un saint à travers la diplomatie vaticane [6], signifie que nous ne traversons pas une crise dont nous pourrions bientôt refermer la parenthèse ; elle signifie que nos modes de produire et de jouir ont poussé la terre vers un état imprévisible qui sera là pendant des dizaines de milliers d’années. Sans qu’il soit dans la nature et les finalités de la psychanalyse d’appeler ou de proposer des « solutions », et encore moins des solutions globales, il nous revient d’aborder ce Réel, et d’œuvrer à cette actualisation de Malaise dans la Civilisation auquel Jacques-Alain Miller invitait en 1990 [7].

Geert Hoornaert

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[1] https://www.theguardian.com/environment/ng-interactive/2022/may/11/fossil-fuel-carbon-bombs-climate-breakdown-oil-gas

[2] https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/05/15/energies-fossiles-les-425-bombes-climatiques-qui-pourraient-reduire-a-neant-la-lutte-contre-le-rechauffement_6126177_3244.html

[3] Dresde fut quasiment détruite par un bombardement en 1945. Source Wikipédia.

[4] Lacan J., « Alla “Scuola freudiana” », Lacan in Italia 1953-1978. En Italie Lacan, Milan, La Salamandra, 1978, p. 121.

[5] Ibid.

[6] Cf. Latour B., Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, Paris, La Découverte, 2015, p. 150.

[7] Cf. Miller J.-A., « Jouer la partie », La Cause du désir, n°105, juin 2020, p. 26.




CHRONIQUE DU MALAISE : L’horreur de savoir et la parole de vérité (II)

 

Une place à laisser vide

Le passage à l’analyste ne s’opère donc pas sur les chemins de la vérité, mais sur ceux du savoir. Le chiasme de départ entre amour de la vérité et supposition de savoir se transforme en désupposition de savoir et réduction de la vérité à une fiction. Après avoir affronté, surmonté le transfert négatif du « je n’en veux rien savoir », il faut laisser libre la place de la vérité, elle doit rester cachée ; toute tentative de la montrer, de la dire toute revient à dire un mensonge, plus ou moins effroyable. Il faut s’en tenir au savoir qui s’en est déposé.

C’est un point que reprend Lacan dans LEnvers de la psychanalyse pour le préciser. « Rien n’est incompatible avec la vérité : on pisse, on crache dedans. C’est un lieu de passage, ou pour mieux dire, d’évacuation, du savoir comme du reste » [1].

Lacan oppose ensuite la posture de certains analystes qui croient pouvoir se tenir au lieu de la vérité sans avoir à passer par le savoir, qui seul permet de défaire les croyances à la vérité. « On peut s’y tenir en permanence, et même en raffoler. Il est notable que j’ai mis en garde le psychanalyste de connoter d’amour ce lieu à quoi il est fiancé par son savoir, lui. Je vous le dis tout de suite : on n’épouse pas la vérité ; avec elle, pas de contrat, et d’union libre encore moins. Elle ne supporte rien de tout ça. La vérité est séduction d’abord, et pour vous couillonner. Pour ne pas s’y laisser prendre, il faut être fort. Ce n’est pas votre cas. Ainsi parlais-je aux psychanalystes, ce fantôme que je hèle » [2]. La séduction de la vérité est telle qu’on peut vouloir s’y tenir. C’est le ressort de la position anti-intellectualiste dans la psychanalyse ou encore celle des tenants de la clinique séparée de la théorie, ou de l’écoute sacralisée. Cette illusion est le point de faiblesse du psychanalyste dont Lacan parle. Il n’est nul psychanalyste en particulier. C’est une fiction, mais Lacan veut attacher fermement le psychanalyste dont il parle au savoir. Ce n’est pas de la vérité qu’on apprend, on doit le savoir. Le bout de vérité, c’est ce qui peut s’en écrire. C’est ce que dit le chapitre IV du Séminaire XVII : « vérité n’est pas un mot à manier hors de la logique propositionnelle, où l’on en fait une valeur, réduite à l’inscription, au maniement d’un symbole […]. Cet usage […] est très particulièrement dépourvu d’espoir. C’est bien ce qu’il a de salubre » [3].

Noter la place dun manque

À condition de laisser dans le langage, la place du vrai sur le vrai libre, alors peut s’y manifester l’inconscient comme savoir. Il se manifeste dans les ruptures, brisures et ratures de la chaîne langagière des échanges, de la soi-disant communication. « C’est même pourquoi l’inconscient qui le dit, le vrai sur le vrai, est structuré comme un langage […]. Ce manque du vrai sur le vrai […] c’est là proprement la place de l’Urverdrängung » [4].

Lacan met donc le refoulé primordial non pas du côté du savoir à produire, mais de la structure en impasse de la vérité. Il faut la réduire à une place maniable, une fiction féconde, mais place d’un manque. « Ce qu’il y a d’effroyable dans la vérité, c’est ce qu’elle met à sa place ». Cette place n’est pas nommable, mais relève de l’écrit. C’est celle d’où l’on parle.

Éric Laurent

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[1] Lacan J., Le Séminaire, livre xvii, LEnvers de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1991, p. 214.

[2] Ibid.

[3] Ibid., p. 62.

[4] Lacan J., « La science et la vérité », écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 868.