Éditorial : Un gain de formation au CPCT-Paris

Les deux années de stage au CPCT-Paris étant arrivées à leur terme, un certain nombre de praticiens sortants ont souhaité témoigner des effets de formation qu’ils ont pu en extraire.

Lors de son « Ouverture » à la dernière journée du CPCT-Paris, la présidente du CPCT-Paris, Lilia Mahjoub, soulignait la remarque de Lacan selon laquelle : être rigoureux ce n’est pas vouloir absolument que les petites chevilles rentrent dans les petits trous[1]. Quand cela résiste, ajoute-elle, « ceci indique qu’il y a un réel en jeu et que celui-ci ne peut se saisir avec ce que l’on sait déjà »[2].

Lisons alors, dans ce numéro de L’Hebdo-Blog, ce qui relève d’un savoir nouveau obtenu par ces praticiens qui ont fait l’expérience de la clinique du traitement bref. Répondre sans savoir comment, comme le soulignait une praticienne, pourrait en être le principe.

Par contre, ce que le praticien sait par l’expérience de sa propre analyse, c’est qu’il s’agit d’opérer avec la parole, non pas dans le sens de boucher les « petits trous » avec les « petites chevilles » des règles techniques, applicable à tous, mais dans le sens d’agir afin de produire une rencontre avec « ce qui opère »[3], à savoir le désir de l’analyste et obtenir un effet de sujet, ce qui est toujours singulier.

Certes, il ne s’agit pas de faire des cures psychanalytiques au CPCT, mais il y a une exigence de rigueur quant au désir que le praticien est appelé à mettre en jeu qui, ne visant pas la guérison, permet d’éloigner le traitement bref d’une psychothérapie. Précisons avec Lacan qu’« Il s’agit bien d’une rigueur en quelque sorte éthique, hors de laquelle toute cure, même fourrée de connaissances psychanalytiques, ne saurait être que psychothérapie. »[4]

« Une pratique n’a pas besoin d’être éclairée pour opérer »[5], dit Lacan. En effet, mais ses remarques sur la charité sont également à prendre en compte dans un lieu comme le CPCT où le traitement est gratuit[6]. Le praticien qui éclaire sa pratique ne jouit pas de faire du bénévolat, le bien de l’autre, car c’est à partir de son désir qu’il va en extraire un savoir.

Les auteurs de ces textes témoignent de leur position décidée de ce point de vue. Grâce au travail casuistique interne du CPCT-Paris, au contrôle, et à l’analyse, ces praticiens ont essayé de saisir, au-delà de tout effet thérapeutique, ce que leur désir a pu avoir comme lien avec le discours analytique pendant ce temps court au CPCT-Paris et en tirer un gain de formation.

[1] Cf. Lacan J., Le Séminaire, livre X, LAngoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 23-24.

[2] Mahjoub L., « Ouverture », intervention lors de la journée du CPCT-Paris : « Que savent les enfants ? Questions et réponses au CPCT », le 28 septembre 2019, inédit.

[3] Collectif, Ce qui opère. Au CPCT-Paris, Paris, École de la Cause freudienne / Huysmans, 2015.

[4] Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 324.

[5] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 513.

[6] Voir l’argument de Lilia Mahjoub : « Ouverture », Ce qui opère, op. cit., p. 12.




Ce que m’a enseigné mon expérience au CPCT-Paris

Mon expérience au CPCT a été l’opportunité de recevoir des patients dans une institution « conçue pour répondre à l’exigence et à l’éthique de la psychanalyse ». Aussi, me suis-je efforcée de me situer au plus près de la position d’analyste, d’en témoigner par la construction de cas et d’exposer ce travail clinique lors des cartels et des séminaires internes.

J’ai ainsi pu mesurer la capacité du discours analytique à fonder un lien social nouveau, et j’ai pu apprécier l’écart entre ce discours et la relation de soin telle que je la rencontre dans ma pratique de neurologue où prime la clinique du regard et des images. Au CPCT c’est bien la parole du patient et son écoute qui oriente l’acte analytique.

Cette expérience a nourri ma réflexion sur les particularités du transfert dans le cadre d’un traitement court et gratuit, dans une institution elle-même fondée sur un transfert sur lequel le praticien peut prendre appui

J’ai pu prendre la mesure de l’importance dans notre société d’une institution comme le CPCT, qui offre à des sujets qui n’auraient peut-être jamais rencontré la psychanalyse cette opportunité. C’est là une dimension politique que de s’impliquer au cœur du social.

Enfin, j’ai appris des patients et de l’imprévu ; des questionnements ont en effet émergé à chaque traitement, mais aussi lors des discussions à l’occasion des séances de contrôle, de cartels et des séminaires internes. Ces élaborations témoignent de l’importance de la pluralité dans l’appréhension clinique d’un même cas.




Un effet de formation du CPCT dans l’après-coup

L’idée de faire, après environ quinze ans de pratique institutionnelle, un stage dans ce que je percevais alors comme une institution s’orientant de l’enseignement de Lacan, s’accompagnait d’un certain espoir de m’affranchir de ce que l’institution en elle-même peut comporter de surmoïque. À ce surmoi institutionnel, j’avais attribué une certaine difficulté à régler mes scansions dans la séance non sur le chronomètre mais sur la jouissance à l’œuvre dans la parole. Il me semblait alors que je ne pouvais réellement pratiquer la coupure après un temps bref de séance, sans risquer de m’attirer de graves remontrances. M’exerçant néanmoins à l’écoute du signifiant, une écoute en elle-même subversive par rapport au bain de sens et de signification par ailleurs répandu autour de moi, je ne pouvais me résoudre à arrêter une séance trop vite. Ainsi, avec ce stage au CPCT, l’idée était de me permettre de résoudre cette impasse, avec l’assentiment d’un Autre, toujours un peu trop consistant.

Pourtant, cela ne se fit pas si facilement, la plainte d’une patiente reçue, qui estimait ne pas avoir bénéficié d’un temps assez long lors de la séance précédente, me conduisit encore à m’éloigner du tranchant de l’acte de coupure d’une séance. Pourtant mes années de formation dans le champ freudien et mon analyse, m’avaient amenée à entendre, au-delà des dits, un dire appelant à une scansion. Cela se mit aussi au travail en analyse. Qu’est-ce-qui en moi rechignait à mettre en œuvre une pratique dont le maniement de ma propre analyse me démontre l’efficace ? De quelle signification imaginaire cet acte est-il trop encombré pour susciter une telle résistance ?

Récemment cependant, mon stage à peine terminé au CPCT, je me surprends à mettre fin promptement à la séance d’un patient qui venait à peine d’arriver mais qui avait formulé un dire inédit qui me semblait être un aveu de jouissance. À l’effet de surprise s’ajouta un effet d’allègement dont il me témoigna lors de la séance suivante. Je pense pouvoir émettre l’hypothèse, sans dérouler ici le cas, que quelque chose de la jouissance du sens a pu être, ce jour-là, entamé, avec une coupure qui a eu valeur d’interprétation pour lui.

C’est donc en cabinet et non pas au CPCT que je me suis autorisée à pratiquer une séance courte lorsque cela me semble une évidence, pour dégager un dire, « visant, comme le souligne Esthela Solano-Suarez, […] ce qui résonne dans la matérialité sonore de ce qui s’entend »[1] et, peut-être, produire quelques effets. Mais il m’a fallu le détour par le CPCT, pour m’apercevoir que ce que j’imputais alors à l’Autre institutionnel, que ce soit un Autre interdicteur ou un Autre qui autorise, venait surtout de mon propre rapport à l’Autre et qui provoquait une certaine résistance, voire un refus de couper la parole de l’autre.

L’enseignement du CPCT a donc permis de faire dé-consister l’Autre et de m’autoriser un peu plus de mon écoute. Il s’agit d’un effet de formation que je situe dans la manière que j’ai de régler ma position, et cela, comme le souligne Pierre-Gilles Guéguen dans un texte récent préparatoire à « Question d’École », n’est pas tant affaire de « règles techniques » que du « désir particularisé de l’analyste »[2].

[1] Solano-Suarez E., « Ce qui s’enseigne dans le contrôle », L’Hebdo-Blog, n°191, 3 février 2020, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr).

[2] Guéguen P.-G., « La vérité : s’en servir pour savoir s’en passer ? », L’Hebdo-Blog, n°189, 20 janvier 2020, publication en ligne (www.hebdo-blog.fr).




Quelques notes sur mon expérience de praticienne au CPCT

Si je reprends le thème ayant concerné les trois temps du CPCT, je pars de ce point pour témoigner de mon expérience de praticienne en ce lieu. D’emblée, je peux dire que travailler au CPCT est une chance formidable. Il y a eu pour moi un « instant du regard »[1] quant au fonctionnement et à l’abord des patients venus après une ou plusieurs séances de consultation. Un « temps pour comprendre »[2] et pour trouver avec les patients une orientation qui se dégage de la demande. Nous rencontrons au CPCT des sujets parfois inattendus, particulièrement ceux qui viennent par le biais du « bouche à oreille ». J’ai beaucoup apprécié les cartels cliniques et les séminaires internes qui permettent d’élaborer la construction d’un cas, de le présenter et d’entendre les commentaires et les questions, en particulier des analystes animant ces séminaires. Je me souviens que la première fois, je suis restée presque sans voix face aux questions qui m’ont été posées. Cela m’a permis d’apprendre ! Il en est de même pour les journées de formation. Et c’est un véritable enrichissement, un plaisir aussi, de sentir le désir d’élaborer, stimulé pour et par le CPCT. Un autre temps fort est celui de l’émergence d’une question qui suscite l’entrée en analyse d’un patient après une série d’entretiens et ce, grâce au transfert au CPCT. Le dernier temps n’est pas, pour moi, un « moment de conclure »[3]. Ou plutôt, si. Le « moment de conclure » qu’il s’agit d’un work in progress à poursuivre, même modestement pour la cause analytique et avec enthousiasme…

[1] Lacan J., « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. Un nouveau sophisme », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 204.

[2] Ibid.

[3] Ibid.




Entre parole et écriture : une expérience au CPCT

L’effet de formation au CPCT est passé, pour moi, essentiellement par le travail d’écriture des cas, et par les échanges et les rencontres que mon engagement au CPCT a favorisés.

Travail d’écriture des cas, mais surtout de ré-écriture – entre le contrôle et le cartel, le cartel et le séminaire interne, et ensuite le rendez-vous clinique – à partir d’une question, d’une remarque qui m’était adressée et, sans doute essentiellement, à partir de l’énonciation attenante. C’est dans ce circuit entre une parole entendue dans un des lieux d’élaboration du CPCT et le travail plus intime de l’écriture et du contrôle, que j’ai saisi, entre surprise et satisfaction, un petit savoir : une articulation plus juste pour lire le cas, un concept théorique complexe qui s’éclaire un instant.

Disons que l’expérience du CPCT nous pousse inévitablement vers ce travail d’écriture, et donc vers le resserrage d’un point permettant de remanier la construction du cas, et qui a un effet de formation bien au-delà du cas.

Ainsi, l’expérience du CPCT reste pour moi indissociable du travail d’écriture. Elle l’est aussi des rencontres que j’ai pu y faire. Au CPCT bien plus qu’ailleurs, un bref échange, une discussion impromptue avec une collège a bien souvent suscité le désir d’approfondir un point, d’explorer ou de remanier une hypothèse clinique – bref, d’en savoir plus. Et de relancer le désir du côté de l’expérience analytique.

Ainsi, si l’effet de formation est passé par ces petits savoirs qui ont « infusé », pour reprendre le terme de Marie Lallouet[1], qu’en a-t-il été ? C’est après la soirée conclusive de ces deux années au CPCT, où chacun a pu témoigner à haute voix de l’effet formateur de cette expérience, que la réponse m’est apparue plus clairement. L’effet de formation se situe dans un abord différent du cas. Davantage du côté de « l’épaisseur » du cas (des hypothèses et de ce qui permet de les soutenir, ou non) que des effets thérapeutiques. C’est faire autrement avec ce qui rate.

Néanmoins, une question dont je me suis saisie à mi-parcours me semble être un préalable toujours à remettre à l’épreuve de sa pratique, au cours de cette expérience au CPCT : « qu’y-a-t-il de ‘‘psychanalytique’’ dans ce que nous faisons ? »

[1] Cf. Conversation « Les enfants et le savoir dans les livres », avec Marie Lallouet, Éric Laurent et Lilia Mahjoub, lors de la journée du CPCT-Paris : « Que savent les enfants ? Questions et réponses au CPCT », le 28 septembre 2019, inédit.




Un transfert commun pour un acte au singulier

L’expérience de travail au CPCT s’est inscrite pour moi dans la lignée de l’Atelier de Psychanalyse Appliquée, dans une temporalité tant effective que subjective. Effectivement, l’APA fut un temps premier nécessaire en raison de l’effet que j’y ai prélevé, celui d’une possibilité de lire Lacan par le bais d’une inscription nouvelle dans un « à plusieurs », qui s’est notamment traduite par différents cartels.

C’est cette même inscription dans un « à plusieurs » orienté par un transfert commun pour la psychanalyse qui a défini et orienté la mise au travail amenée par ces deux années dans ce lieu institutionnel inédit qu’est le CPCT ; particulièrement au sein de ses séminaires internes et de ses rendez-vous cliniques. Y entendre les praticiens rendre compte de leurs traitements ou de leurs consultations, avec des styles, des positions et des interventions à chaque fois singulières, dans un au cas par cas qui vaut aussi bien pour les patients que pour les praticiens, a introduit l’allégement d’un idéal surmoïque, entrainant un effet d’« à prendre »[1]. Si cet effet, avec l’Atelier de Psychanalyse Appliquée, touchait à un pouvoir lire, noué à un pas tout comprendre, avec le CPCT ce fut donc sur la question de l’acte qu’il est venu se jouer.

Ces deux années au CPCT ont ainsi constitué pour moi une expérience vivante d’un « à plusieurs » où le décompte des styles cliniques de chacun aura permis d’assumer le singulier de son propre acte. De s’autoriser à une pratique clinique, tout en s’orientant sur un axe commun celui d’un transfert à une psychanalyse rigoureuse et inventive.

[1] « Le statut du savoir implique comme tel qu’il y en a déjà, du savoir, et dans l’Autre, et qu’il est à prendre. C’est pourquoi il est fait d’apprendre. » (Lacan J, Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 88-89.)




Témoignage sur les effets de formation au CPCT

Je me suis décidée à intégrer le CPCT, motivée par l’idée de travailler, avec des psychanalystes de l’ECF, la clinique qui se pratique dans ce lieu de parole qu’est le CPCT où le discours analytique est plus vivant que jamais.

Après deux ans de stage, je peux dire que l’expérience du CPCT a été une belle aventure humaine et clinique qui m’a mise au travail. Je témoignerai des effets de formation obtenus pour moi au CPCT à partir de mon expérience au sein du cartel clinique.

Avant d’intégrer le CPCT, j’avais été amenée – dans le cadre de mon travail dans une institution orientée par la psychanalyse – à présenter des cas cliniques lors des journées adressées à un public essentiellement composé de travailleurs sociaux. À l’occasion, j’écrivais « de beaux cas », bien rédigés, j’en dépliais la logique afin que, soumis à la discussion, un autre psychanalyste puisse les commenter et tirer les conclusions que le cas en question offrait et qui permettaient de mettre en valeur le discours analytique.

J’ai été bouleversée de constater que, lors de nos réunions de cartel au CPCT, alors même que la bienveillance était de mise, à chaque fois que j’écrivais un cas pour le présenter au séminaire interne ou dans les rendez-vous cliniques, les consultants remettaient en cause ma lecture du cas, voire n’étaient pas d’accord avec l’orientation que j’avais donnée au traitement. Nous n’entendions visiblement pas les mêmes choses. C’était pour moi un problème car, d’une part, je reconnaissais aux consultants leur expérience clinique et théorique, cependant, j’étais assez convaincue que l’orientation que j’avais donnée au traitement était au plus près de ce que j’avais entendu en séance, et ce d’autant plus que les effets thérapeutiques étaient là, sur ce point nous étions d’accord. Il y avait donc un problème de transmission.

Cette difficulté m’a permis de franchir ce qui, jusqu’à présent, était pour moi un obstacle, à savoir l’embarras que j’avais à exposer ma clinique en affirmant ma position en tant que clinicienne lorsque j’écrivais un cas. Dans l’après coup, je réalise qu’avant mon passage par le CPCT, j’écrivais des cas où, d’une certaine façon, « je n’étais pas dedans ». Au CPCT j’ai pu écrire et présenter des cas en assumant mon point de vue et ma position dans le traitement. Depuis, il m’est arrivé de présenter des cas en dehors du CPCT, des cas où, enfin, je m’y retrouve.

 




Quelques réflexions sur le CPCT-Paris

Ces deux ans passés au CPCT-Paris ont été riches d’enseignements. Dans ce bref exposé, j’évoquerai les points qui me semblent les plus marquants.

En ce qui me concerne, le CPCT représente avant tout des patients avec une demande. Bénéficiant surtout d’expériences en hôpital psychiatrique et en cabinet, je m’interrogeais sur le type de cure qu’il était possible d’y mener ainsi que sur les effets du nombre limité de séances. Gratuit, j’ai découvert que le CPCT n’attire pourtant pas la misère sociale. Les profils y sont variés comme autant de cas singuliers à écouter.

Une brillante khâgneuse qui ne parvenait pas à dire « au secours » a pu s’autoriser à le faire au CPCT. Un adolescent qui n’acceptait de parler à personne commença à se confronter à ses angoisses et à ses questionnements au grand étonnement de son environnement. Une patiente qui ne pouvait tolérer la présence de l’autre dans un espace confiné s’est retrouvée au CPCT comme lieu de la dernière chance et a renoué avec sa vie de jeune femme. La liste des patients est longue, évidemment. Et si cela a bien opéré avec eux, c’est parce que le dispositif du CPCT a ses particularités.

À l’heure où les détracteurs de la psychanalyse ont davantage pignon sur rue, le CPCT me semble être une réponse à la hauteur des enjeux contemporains. Le bouche-à-oreille entre patients fonctionne puisque la plupart de ceux que j’ai reçus venaient suite aux recommandations d’une connaissance qui avait constaté les effets concrets de la cure en ce lieu. Ce que m’a donc appris le CPCT, c’est que la psychanalyse a à tenir une place concrète dans la société en ne reculant pas dans les institutions. Alors qu’on veut « l’éradiquer » des hôpitaux et de l’université, il me semble essentiel que des lieux comme le CPCT-Paris continuent à exister. Cela est même nécessaire à l’heure où de tristes projets de société commencent à être mis en application à coup de protocoles formatés.

 




Gains de formation au CPCT

Je choisirai deux points – parmi les nombreux autres – qui furent les conséquences d’une mise au travail inédite au CPCT.

Le premier a provoqué des effets sur ma formation et ma pratique : il s’agit du travail d’élaboration des cas, à plusieurs, orienté par la psychanalyse lacanienne. J’ai pu cerner à partir de ce point un appui, en regard de ce que Lacan avait nommé l’horreur de l’acte. Il me semble que c’est dans l’inscription du plusieurs au CPCT que j’ai pu avancer dans la « clinique de la galère sociale »[1] avec beaucoup d’engouement, prête à m’y engager sérieusement. Je dis bien « plusieurs » et non « groupe » – j’y ai reconnu un trait de l’École, celui du chacun qui parle en son nom propre et de la résonance que cela implique : un travail solitaire mais sans isolement.

Ainsi, le fonctionnement du CPCT – comprenant le premier échange entre consultant et praticien, le travail d’élaboration en cartel clinique et en séminaire interne, la préparation aux différents évènements publics, dans un indispensable mouvement d’aller-retour avec l’analyse et le contrôle – ont non seulement nourri mon enthousiasme pour ce dispositif mais surtout m’ont aidée à y faire avec les interrogations et les points de butée que je pouvais rencontrer. En maintenant une tension avec ma pratique dans une autre institution où l’orientation analytique n’est qu’un horizon malgré les graines qu’on ne cesse de planter, j’ai pu mesurer combien une orientation institutionnelle assumée permettait à mon désir de cheminer et de s’épanouir par la constitution de petits savoirs propres et de questions à adresser.

Cette expérience est un nouveau terrain pour mes réflexions sur la psychanalyse appliquée. Me référant à l’intervention de Jacques-Alain Miller en 2007[2] sur les « lieux alpha », j’ai pu tirer des enseignements d’une pratique que je peux qualifier de pragmatique et de minimaliste. Le fait que le CPCT puisse finalement fonctionner uniquement avec le désir de ceux qui s’y engagent, est pour moi un savoir qui marquera ma pratique. C’est « une affaire de discours », a dit J. -A. Miller et, en effet, j’en ai fait l’expérience d’une façon inattendue.

Ce « stage » au CPCT, que j’entends dans le sens de son étymologie latine de « séjour », est une expérience qui met celui qui s’y emploie en mouvement.

[1] Thème de travail au CPCT-Paris pour l’année 2019.

[2] Cf. Miller J.-A., « Vers PIPOL 4 », Mental, n°20, février 2008, p. 185-192.




Le CPCT et ses effets de formation

Quelques collègues m’avaient parlé de ce parcours, j’ai donc commencé ma pratique au CPCT dans une certaine hâte de faire cette expérience et de ressentir les effets de cette formation. C’est ce dont je vais essayer de témoigner dans cet écrit.

Tout d’abord, le traitement bref au CPCT, situé dans un contexte de psychanalyse appliquée au social, à la Cité, m’a confronté aux variantes de la cure-type issues de la clinique des nouveaux symptômes et à la capacité de l’analyste à s’inventer.

Deuxièmement, j’ai pu m’apercevoir que la question « qu’est-ce qui opère au CPCT ? » se posait lors de chaque traitement mené et j’étais invitée à y répondre, mais sans disposer d’un savoir tout fait. Le travail d’écriture de cas pour la discussion en cartel clinique et au séminaire interne a été fondamental et m’a permis d’éclairer plusieurs questionnements et d’apaiser les angoisses qui m’accompagnaient tout au long de ma formation.

Si, au début de ma pratique au CPCT, j’éprouvais une certaine hâte à vérifier les effets thérapeutiques rapides, mes séances de contrôle m’ont invitée à être attentive aux signifiants du patient, ceux avec lesquels il se présente dans le monde, puisque c’est justement par la parole que la psychanalyse, qu’elle soit appliquée ou pure, opère.

Dans ce sens, en ce qui concerne la temporalité du traitement au CPCT et les effets de celle-ci sur l’ouverture de l’inconscient, Lilia Mahjoub souligne qu’« Il n’est pas nécessaire qu’un temps de traitement soit long pour que puisse se produire en psychanalyse quelque chose de l’ordre de l’éclair »[1], puisque, tel que l’indiquait Freud, « les processus du système Ics sont intemporels, c’est-à-dire qu’ils […] n’ont absolument aucune relation avec le temps »[2]. Mais qu’en est-il du rapport au temps du côté du praticien ?

À ce propos, un texte de Serge Cottet intitulé « Raccourcir le temps pour comprendre ? » nourrit notre réflexion. L’auteur y introduit l’idée d’un « bricolage du temps logique, un déplacement de la fonction de la hâte vers le temps pour comprendre, alors que c’est avec ‘‘la hâte à conclure’’ que le concept est à la bonne place »[3]. Ceci dit, quel usage pouvons-nous faire de la fonction de la hâte et du temps de comprendre au CPCT, si dans une analyse ce temps de rectification subjective, de la découverte du sens d’un symptôme, de l’implication du sujet dans sa plainte, peut prendre des années ?

À ce propos, S. Cottet[4] nous donne une orientation tout en soulignant que la question du temps pour comprendre ne concerne pas seulement l’analysant, mais aussi le praticien. Selon lui, ce dernier ne doit pas encourager une plainte qui se répète, inchangée pendant seize séances, mais se focaliser sur un symptôme particulier, considéré comme l’os sur quoi bute la singularité du sujet et cela afin de précipiter un effet de vérité. Concluons, avec S. Cottet, que le praticien doit y mettre du sien, ce en quoi « sa formation est impliquée »[5].

[1] Mahjoub L., L’Inconscient éclair. Temporalité et éthique au CPCT, Paris, Eurl Huysmans, 2019, p. 52.

[2] Freud S., « L’inconscient », Métapsychologie, Paris, Gallimard, 1968, p. 96.

[3] Cottet S., « Raccourcir le temps pour comprendre ? », L’Inconscient éclair, op. cit., p. 14.

[4] Cf. Ibid, p. 17-18.

[5] Ibid., p. 18.