L’École dans l’ACF-Belgique

L’Hebdo Blog se fait l’écho, dans ce numéro, de la dernière des trois soirées-conversation organisées en 2016 par l’ACF-Belgique[1] sous l’égide de l’EuroFédération de Psychanalyse. Et la conversation se déploya, ce soir-là, fort étonnamment, comme une modalité nécessaire à l’existence même de l’École.

Qu’est-ce donc que l’École ? Pourquoi l’École ? Comment l’École ? Vous découvrirez, ci-après, quelques extraits des réponses que Christiane Alberti et Yves Vanderveken apportèrent à ces questions. Pascale Simonet, quant à elle, épinglera quelques axes forts qui l’ont retenue lors de la discussion.

Pourquoi avons-nous mis ces questions au programme de notre ACF et, pour tenter d’y trouver quelques réponses, avons-nous invité nos collègues, président ou vice-président en fonction, des Écoles en Europe ? Nous avons voulu rendre présente l’École dans notre ACF, l’amener si je puis dire en chair et en os. Nous avons également voulu faire valoir cette nouvelle appréhension des ACF comme relais de l’École dans les régions. Et, pour ce faire, nous avons décidé de sortir de l’entre nous, de regarder ailleurs et de parier sur la conversation.

[1] Elle invitait le président de l’EFP, les présidents des quatre Écoles européennes de l’AMP, et le vice-président de l’ECF. En janvier, Jean-Daniel Matet conversa avec Domenico Cosenza à propos de l’action lacanienne en Italie ; en mars, Gil Caroz conversa avec Santiago Castellanos à propos de l’action lacanienne en Espagne ; et en mai, Christiane Alberti et Yves Vanderveken conversèrent à propos de l’École.




Faire École par le lien

Qu’est-ce qu’une institution qui place en son cœur la psychanalyse ? Nous prendrons les choses par le biais du singulier et du pratique.

D’une cause

Le rapport à la cause peut s’appréhender très précocement dans une existence, avant même qu’elle se dégage comme analytique.

Qu’est-ce qu’une institution qui place en son cœur la psychanalyse ? 
J’aborderai la question à un niveau concret, à partir de mon expérience de l’École, et également de celle du Directoire dans sa troisième année.

Que la psychanalyse soit en jeu dans le rapport à l’École pour chacun, est à relier au fait qu’on y accède, un par un, sur la base d’une supposition de savoir avec effet transférentiel plus ou moins immédiat. C ‘est le un par un par où l’institution coïncide avec la pratique. On y entre non pas à partir de son statut social mais à partir d’un désir d’analyse : avoir mis la psychanalyse en position de cause dans son existence. On loge ainsi dans l’École le rapport à la cause.

Une communauté vivante

L’ECF est une association, et à ce titre une fiction légale mais elle est aussi d’un autre ordre : elle est enracinée dans la réalité effective d’une communauté, soutenue par une adhésion profonde, qui témoigne de sa longévité. Ses mécanismes statutaires et réglementaires sont délicats, qui permettent de supporter une autre réalité. Ils ne sont au service d’aucun pouvoir mais d’une politique. À distinguer de l’appareil bureaucratique, il y a la communauté vivante que l’on intègre à partir d‘un désir.

Le fonctionnement de l’École tient à ses forces vives. Il y a à la fois des dispositifs organisationnels et institutionnels solides, et le mouvement, les initiatives, qui font de l’École une réalité vivante et une présence dans la vie de chacun, une chose autour de laquelle gravite le désir d’analyse.

Une cause, des liens, un travail

Ça fonctionne comment ? Une cause, des liens, un travail.

Une action est politique si elle contribue à une politique de la psychanalyse, et ce, à condition de réaliser la pérennité des instances de l’École, de contribuer à la constitution d’une communauté vivante (physique et virtuelle), et d’élaborer une politique (tactique et stratégie). C’est parce que les instances de l’ECF fonctionnent dans leur stabilité et qu’elles se caractérisent par une conversation assidue sur la politique de la psychanalyse, qu’elles constituent des points d’appui sûrs pour l’action lacanienne, qu’elles rendent possible un travail d’École qui stimule les initiatives individuelles, suivant une organisation moins centralisée. L’action lacanienne en est d’autant plus inventive, aérienne, créatrice.

Éros unitaire

Il y faut un Eros unitaire, selon l’expression de J.-A. Miller, un mouvement vers le Un. Quel est il cet UN? Le standard ? Non, c’est le UN de l’orientation lacanienne. Cette aspiration unitaire constitue une finalité d’ordre supérieur mais comme elle n’est pas un mouvement vers une doxa déjà là, elle nécessite la « conversation continue », ainsi que J.-A. Miller le proposait lors de son allocution de Délégué général de l’AMP en 1998. La conversation est nécessaire pour forger la langue commune de la psychanalyse, l’anti-Babel (le multiple sans le localisme), une langue entre les psychanalystes et avec la sphère publique. La conversation psychanalytique a commencé avec Freud disait-il, puis s’est poursuivie avec Lacan et aujourd’hui elle continue dans le Champ freudien. Ce n’est pas la langue de l’harmonie, car la conversation appelle la dispute, la confrontation des élaborations.

Surtout, ce n’est pas un Discours que l’on tient, car on est nous mêmes immergés dans le discours. On ne tient pas un discours aux membres de cette École, on tente d’extraire la logique dont on est serf.

Bref une responsabilité réside à ce niveau là : ce n’est pas un gouverner à partir d’un sommet, à coup de S1 tels des significations figées, de slogans ou de mots d’ordre, véhicules d’idéaux. Si S1, il y a, c’est le S1 de l’inscription de la voix, celui de l’orientation. Si pouvoir il y a, c’est par le lien, non par le sommet.

Il s’agit de s’assurer et d’assurer les conditions de la conversation, telle qu’elle arrime l’École au réel du XXIème siécle, à la civilisation, à la cité.

Immersion

Il faut souligner ici la particularité de l’axe central de la politique d’une École, soit la formation du psychanalyste. Elle ne se fait pas par ascension progressive, suivant un cursus, mais s’effectue, se réalise par « immersion » selon l’expression que J.-A Miller a proposée. Elle nécessite de séjourner assidûment et longtemps dans l’École, de plonger dans ses enseignements, conférences, débats, cartels, journées. L’immersion est une donnée essentielle en ce qu’elle touche au rapport à l’Autre. Il s’agit de créer les conditions actuelles d’immersion afin de favoriser l’insertion de la psychanalyse dans le siècle : en somme, de tenir compte du sujet de la civilisation contemporaine précisément.

Un Éros ça demande à être entretenu, enflammé parfois, c’est celui que suscite cette orientation, dans la conversation continue. Bref, ça ne s’entretient pas avec des passions tristes. D’ailleurs, il ne saurait y avoir d’éthique que de la joie (une joie toute spinoziste), dans l’art de la direction d’une École.

Ce texte a pour partie été prononcé lors de la soirée de l’ACF Belgique, « Conversation autour de l’École », le 20 mai 2016, à Bruxelles.

 




L’École, une expérience analytique

Nos Écoles de l’AMP sont à ce jour sept de par le monde. Elles trouvent toutes leur point de référence dans l’acte de fondation, par Lacan, de son École de Psychanalyse. C’est la thèse de Jacques-Alain Miller qui, bien que les ayant constituées, parfois avec d’autres, ne s’en considère pas comme le fondateur. « Nous considérons presque que Lacan en est le fondateur »[1], va-t-il jusqu’à dire. Pour lancer les bases d’une réflexion sur « Pourquoi » et « Comment l’École ? », la thèse de Jacques-Alain Miller valide donc de s’en référer à l’Acte de fondation.[2]

Un choix forcé

La création par Lacan de son École de Psychanalyse est lue par Jacques-Alain Miller à Grenade, en 1990, comme un choix forcé. Elle répondait à l’exclusion de Lacan de l’IPA. Le choix forcé résidait dans l’alternative suivante : « soit disparaître de la psychanalyse, soit former sa propre École »[3]. Lacan a été exclu, certes d’abord pour quelques raisons moins avouables. Mais ce qui était tout aussi visé c’était son approche même de la psychanalyse, sa façon de l’enseigner, et particulièrement sa façon d’analyser. C’est l’IPA qui a forcé Lacan à prendre cette décision. J’en tire comme premier élément de réponse à la question « Pourquoi l’Ecole ? » qu’il s’agit, ni plus ni moins, d’une question soit d’existence, soit de survie de la psychanalyse lacanienne même.

Certes, cette contingence est datée. La question se pose de savoir pourquoi ce constat garde toute sa validité.

Lacan a dégagé la psychanalyse de son époque de ce qu’il considérait une dérive. A savoir sa réduction toujours plus grande à ne plus s’équivaloir qu’à une seule technique thérapeutique réadaptative, normalisante et normalisatrice. C’est, pour la résumer, la critique majeure en raison qu’il développe à l’époque par rapport à l’ego-psychology. C’est pourquoi il finira par dire préférer au terme de cure analytique, celui d’expérience.

Mais Lacan ne s’est pas arrêté à cela. Il n’a pas fondé une autre association de psychanalystes. Il a fondé une École qu’il a pensée, presque en opposition, à la structure de l’IPA. Il a fondé une structure qu’on pourrait dire syntone avec l’expérience analytique elle-même. Du moins, à son service. Alors que la structure de l’association qui l’a exclu allait, selon lui, contre l’expérience de la psychanalyse. Il le développe assez.

Si dans son Acte de fondation, il n’en parle pas comme tel, Jacques-Alain Miller isole que Lacan, par la façon dont il pense son École, y anticipe la passe. Dispositif qu’il proposera quelques années plus tard. Par un effet rétroactif, cela vaut donc la peine d’essayer de nous reformuler ce qui a conduit Lacan à proposer ensuite, dans la logique même de la création de son École, cette procédure de la passe.

Les Écoles de l’AMP : des Écoles de la passe

C’est précis. Lacan constate que, lui, qui a conduit de nombreuses cures à leur terme et est l’auteur d’un enseignement à nul autre pareil sur plusieurs années dans le champ de la psychanalyse, n’a pas le savoir, en tant qu’analyste, de sa position d’analyste, sur la question de la fin de l’analyse. Que pour en extraire un, il y faut un dispositif qui sorte de la cure elle-même. Afin, une fois celle-ci selon le sentiment de l’analysant terminée, de pouvoir se retourner dessus pour en formaliser le parcours et les changements qui se sont produits durant l’expérience[4]. Jacques-Alain Miller précise que, ça, « seul l’analysant peut (le) savoir »[5]. Certes, poursuit-il, « l’analyste a son point de vue (sur la question) mais il n’en a en aucune façon le dernier mot »[6]. Quelque chose de cela échappe à l’analyste. Seul l’analysant peut en témoigner et, je rajoute, en convaincre un auditeur ou un auditoire par son témoignage. Lacan considère donc que sur cette question de ce à quoi peut conduire une analyse (ce qui fonde tout le corpus analytique), le savoir ne peut s’en extraire par une discussion entre analystes, « mais – je cite – par ce qui se passe entre analystes et analysants »[7]. Et cela ne peut se faire que dans un autre cadre que celui de la cure elle-même.

Le renversement de perspective opéré est puissant. Il détermine l’ensemble ou la structure-même de l’École de Lacan. Et renverse le gradus de l’association de psychanalystes fonctionnant sur le modèle de la formation du maître à l’élève, où l’on entre comme candidat choisi par le maître pour se former à la discipline dont il aurait, lui seul, le savoir à transmettre.

C’est une façon de saisir pourquoi, dans l’Acte de fondation, le signifiant « travail » est majeur. Il y a certes dans l’École une structure pour en assurer son fonctionnement. Mais elle est permutative – pour en dissoudre les effets d’identification à la chefferie. « Nul n’aura à se tenir pour rétrogradé de rentrer dans le rang d’un travail de base »[8]. C’est une phrase, connue, qui situe comme essence « le travail de base ». Celui-ci est promu tout au long de l’Acte de fondation. Quel est-il ? Je pose, à partir des indications de J.-A. Miller, que c’est celui qui trouve son paradigme dans le dispositif de la passe. En ce sens, on peut penser l’École qui fonde son point de perspective de la passe, à son instar, aussi comme un lieu extérieur syntone et nécessaire à l’expérience d’une psychanalyse-même. Pour y travailler et en formaliser, toujours et sans cesse, les effets et fondements, pour qui souhaite s’engager dans cette zone de la psychanalyse qui excède le thérapeutique. C’est cela seul qui forme et fonde l’analyste. Cela se fait d’une position analysante. C’est pour ça et ainsi qu’on entre dans l’École. Miller va jusqu’à dire qu’à la limite, l’École ne reconnaît même pas les analystes, elle reconnaît un travail[9].

Remarquons que cela n’y met pas tout le monde au même niveau. Mais qu’elle situe les distinctions non pas au niveau du seul grade, mais bien à partir d’un transfert de travail. C’est un transfert qui se produit par une supposition de savoir attribuée à celui qui démontre en acte être sans cesse au travail de la question posée par l’expérience de la psychanalyse. Et ce savoir proprement analytique ne se transmet que par un transfert de travail, à partir mais tout autant en dehors de la cure-même. Remarquons que c’est aussi cela qui détermine ceux qui sont appelés à s’occuper du fonctionnement de l’École. Une dissociation ne peut être faite là, le tout forme un nouage.

C’est ma façon de tenter d’éclairer l’axiome que Jacques-Alain Miller pose dans sa Théorie de Turin que dans « une École, tout est d’ordre analytique »[10].

La NLS, et l’expérience d’École

La New Lacanian School (NLS) tente sans cesse de se fonder et d’exister en tant qu’École, au sens lacanien du terme. Celle qui fonderait le psychanalyste, sa formation et son discours. Et ce sur fond de ce qui pourrait vite se résorber à être une fédération. La NLS reste la plus jeune des Écoles de l’AMP. Ayant deux langues officielles, le français et l’anglais, elle est composée de plusieurs pays qui couvrent de fait une multiplicité de langues : grec, néerlandais, hébreu, polonais, allemand, danois, bulgare, russe, et d’autres. Elle est composée de Sociétés et de Groupes, de taille diverse et à l’histoire spécifique. Last but not least, elle compte aussi des membres sans groupe, en divers endroits parfois éloignés de la planète.

La NLS tente de produire qu’il y ait de la psychanalyse et du psychanalyste lacanien dans ses différents endroits épars et désassortis. En fonction de ce qui précède, ceci implique (et si cela est encore plus prégnant pour la NLS, cela vaut pour toutes les écoles) qu’elle ne soit pas le lieu de ce qui s’équivaudrait à un rassemblement des meilleurs éléments reconnus localement des Groupes et des Sociétés, ni même la somme des expériences analytiques personnelles de chacun de ses membres, mais bien la participation de chacun de ses membres, qui en démontrent le désir en acte, à l’expérience-même de l’École. Celle-ci est une expérience analytique en tant que telle, et qui, comme telle, demande à s’interpréter.

Ce texte est une partie de l’exposé prononcé lors de la soirée de l’ACF Belgique, « Conversation autour de l’École », le 20 mai 2016, à Bruxelles.

[1] Miller, J.-A., L’Ecole et son psychanalyste, http://www.causefreudienne.net/lecole-et-son-psychanalyste-2/

[2] Lacan J., « Acte de fondation » (1964), Autre écrits, Paris, Seuil, 2001, pp. 229-241.

[3] Miller, J.-A., Ibid.

[4]  « Que devient alors celui qui a passé par l’expérience de ce rapport opaque à l’origine, à la pulsion ? Comment un sujet qui a traversé le fantasme radical peut-il vivre la pulsion ? Cela est l’au-delà de l’analyse, et n’a jamais été abordé. » Lacan J., Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil, Paris, p. 245-246

[5] Ibid.

[6]  Ibid.

[7] Ibid.

[8] Lacan J., Ibid., p. 230.

[9] Miller, J.-A., Ibid.

[10] Miller, J.-A, La Théorie de Turin, http://www.causefreudienne.net/theoriedeturin/




Ce qui rend l’École désirable

Comment penser l’École à l’heure où le danger qui la guette est de sortir des discours ? Qu’est-ce qui nous lie dans une École de psychanalyse ? Jusqu’où s’étend-elle ? Ces questions étaient au rendez-vous de la conversation peu ordinaire qui s’est tenue à l’ACF-Belgique, le 20 mai dernier. S’y sont rencontrés, sous l’égide de l’EFP, Christiane Alberti, présidente de l’ECF et Yves Vanderveken, président de la NLS.

Que l’École soit avant tout une École d’analysants invite celui qui a mis la psychanalyse au cœur de sa vie à y loger son désir d’analyser la cause qu’il a très précocement expérimentée. S’il n’y a pas d’École sans rapport à l’idéal[1], le désir de savoir en jeu dans une analyse implique de cerner au plus près le rapport de jouissance qu’on entretient avec lui. Ce désir défait l’identification au trait unaire repéré par Freud, qui unit les foules avec effet de massification. Il y a bien des S1 dans l’École, mais ils s’inscrivent singulièrement pour chacun, et leur signification est sans cesse à interpréter.

L’École n’est donc pas une foule, plutôt l’incarnation d’un paradoxe : c’est parce qu’elle repose sur des singularités multiples qu’elle est Une. La solitude du réel de chacun en constitue le point d’idéal, mais ne s’inscrit pas à l’horizon. Il est plutôt cause qui pousse à faire lien par la conversation. L’École ne tient que de ce désir de converser adressé à elle à partir de cette myriade de sinthomes.

Son existence, sa survie, apparaissent alors comme répercutant, de structure, le choix forcé qui a présidé à sa fondation par Lacan : inventer, converser ou disparaître. Si, de tout temps, elle a eu à lutter contre ses virulents détracteurs, défenseurs d’une sorte d’evidence based psychology, ce choix forcé est aussi interne à la communauté analytique et invite chacun à se situer analytiquement contre la pente de la maîtrise, accrochée aux restes symptomatiques toujours à interpréter.

« Il ne s’agit pas dans l’École de parler la langue de l’Autre, sinon pour lui dire ce qu’il ne veut pas entendre »[2]. Chacun est appelé à s’immerger dans le bain d’une langue commune, à travers Congrès, Journées, Rencontres, etc., où le désir palpite. Cette langue commune, alluvionnaire, devient ainsi celle de l’anti-Babel et de l’anti-localisme. Elle s’acquiert dans un lien transférentiel auprès non pas de celui qui sait, mais du sujet-supposé-savoir.

Dans cet « Éros unitaire »[3] s’inscrit la volonté de l’École d’ouvrir les débats sur les questions proprement analytiques à un large public, non réservé à ses membres. Par la conversation infinie, le contrôle ou la passe sont ainsi rendus désirables. Le savoir en jeu dans l’École, en lien avec la jouissance et fondamentalement troué, diffère de celui, plutôt « funéraire »[4], de l’Université qui n’accroche rien du réel. Un gai savoir nous lie en rapport avec une éthique du bien-dire. « On ne fait pas la passe pour se sentir bien, c’est une affaire de savoir. Quand on attrape la jouissance, on est joyeux ! »[5] C’est une joie intranquille sans cesse bousculée par les mouvements de son cœur insaisissable et incandescent : la passe, qui toujours maintient un problème au milieu de l’École. Les témoignages des AE produisent du nouveau qui amène à la repenser et la remanier sans cesse[6].

La joie de la conversation est donc affaire de bien-dire, d’interprétation et de transfert. C’est ce que nous opposons en réponse aux discours contemporains, où prévaut l’idée que les mots diraient les choses ou que les choses parleraient pour dire tout ce qu’il y a à savoir. Mais, selon la belle formule de J.- Cl. Milner[7], les choses ne parlent pas, c’est justement ce par quoi nous sommes affectés.

Nous avons à tirer les leçons de l’avancée de Freud dans le siècle avec sa Psychopathologie de la vie quotidienne pour rendre visibles les signifiants de la psychanalyse. Il s’est adressé aux symptômes de ses contemporains en pariant sur leur désir de savoir. Parler de l’intime dans la cité aujourd’hui s’impose plus que jamais.

C’est dans nos ACF, présence incarnée de l’École dans les régions, que trouve d’abord à « s’attiser le feu du vivant »[8].

[1] Miller J.-A., « Théorie de Turin », http://www.causefreudienne.net/theoriedeturin/

[2]  Yves Vanderveken

[3] Christiane Alberti

[4] Philippe Hellebois

[5] Patricia Bosquin-Caroz

[6] Gil Caroz

[7] Milner J.-Cl. La politique des choses, Navarin, 2005.

[8] Katty Langelez