Toujours en devenir

« Être analyste, ce n’est jamais que travailler à le devenir. L’analyse finie, disais-je, est aussi infinie » [1] propose Jacques-Alain Miller [2]. Travailler s’entend comme « travail » analytique, indication que l’on devient analyste, non pas en analysant des patients, mais en s’analysant soi-même. Cette citation fait référence à Freud : « Analyse finie et infinie » [3]. J.-A. Miller dira un peu plus loin dans le texte, « et ce n’est pas ou ». Quelque chose finit et quelque chose continue. Je propose que ce « ET » est la réduction de ce toujours en devenir.

Dans « Analyse finie et infinie », Freud invite à être attentif au transfert négatif et la mise en acte des mécanismes de défense : c’est le signe que le sujet se défend de ce qui fait point de butée : le roc de la castration sur quoi, je le cite, « vient se briser tous nos efforts ». Penisneid pour la femme et refus de la féminité pour l’homme. Ainsi, pour Freud, une analyse finit sur ce point de butée, il propose de refaire une tranche tous les cinq ans, afin d’en savoir un peu plus sur ce qui se joue pour celui qui se dit analyste, de son rapport indépassable à la castration.

Pour Lacan, on peut dépasser le roc de la castration sur la scène du fantasme, ce qui fit dire à J.-A. Miller que tout fantasme est fantasme de virilité [4]. L’objet a vient boucher la castration permettant une récupération de jouissance. Passage d’un moins à un plus.

Si la castration opère par un moins, mettant en scène le manque et toute la dialectique du désir, le fantasme procède d’un plus par la récupération de jouissance incluse dans l’objet. La formule du fantasme ramasse la chose, $ : le sujet est barré du fait de la castration, conséquence de l’aphorisme lacanien « le mot est le meurtre de la chose » dont J.-A. Miller nous a donné la formule : A sur J, mais il y a un reste : l’objet a. Avec l’introduction de l’objet a, Lacan va au-delà de Freud comme l’indique le titre choisi par J.-A. Miller dans Le Séminaire XI : « l’inconscient freudien et le nôtre ». Le nôtre implique que le mot n’est jamais totalement le meurtre de la chose, mais qu’il est jouissance. On a donc une version nouvelle de l’analyste toujours en devenir : une freudienne : finie ET infinie, le et renvoyant au roc de la castration et une lacanienne : l’inconscient freudien ET le nôtre, le et soulignant l’au-delà de la castration, l’articulation du fantasme : la castration ET l’objet a. Cette subversion implique une nouvelle définition de la fin de l’analyse formalisée par Lacan trois ans plus tard dans sa proposition d’octobre 67 sur le psychanalyste de l’école. Où il s’agira d’un nouveau ET : Le fantasme et son au-delà.

Une analyse est donc un chemin de parole où s’opère une réduction qui mène vers un bien‑dire qui permet de déloger l’objet a, mais il y a un au-delà, quelque chose reste opaque au sens et ne peut se cerner que logiquement. « Comme Lacan l’indique le sujet est poème plutôt que poète, c’est un être parlé. Une psychanalyse accomplit sur le poème subjectif une sorte d’analyse textuelle qui a pour effet de soustraire l’élément pathétique afin de dégager l’élément logique » [5].

Au-delà du sens on peut atteindre ce point qui, s’il ne peut se dire, peut s’éprouver d’un effet de dire. Il en est ainsi de la formation de l’analyste. La coupure, l’équivoque, la jaculation, c’est viser la résonnance et délaisser la raison du sens. « Cela fait partie de la formation de l’analyste que de savoir repérer cette réduction propositionnelle, c’est-à-dire de savoir capter la constante » [6]. Ce qui résonne, c’est le corps, il résonne dans l’itération de ce qui fut la première frappe du signifiant sur son corps jouissant, première morsure. Cet impact implique une jouissance seconde, jouissance de la rencontre du signifiant, c’est celle-là qui itère, qui s’infiltre, qui s’immisce.

 

L’inconscient freudien, c’est l’inconscient interprète qui renferme la part de sens à retrouver. Le nôtre comporte une dimension hors-sens, du côté de la référence vide, de la lettre, de la trace. Il en est de même pour le symptôme versus le sinthome, une part du symptôme est freudien, il veut dire quelque chose, il insiste, il est expression cryptée de la pulsion et l’analyse permet de le décrypter. Mais quelque chose insiste au-delà du sens, il y a une persistance, une itération, la levée du refoulement n’est jamais complète. « Le sinthome, à la différence du symptôme, n’est jamais levé » [7]. Le sinthome relève de l’inconscient réel, il inclut le réel de ce dont il s’agit. Une analyse menée au bout vise à toucher cette zone où l’esp d’un laps n’a plus de sens, où l’inconscient n’est plus interprète, ni interprétable, il est la chose même, trace, marque.

« Lacan fait entrer le corps vivant dans la psychanalyse en même temps que la jouissance de la parole : le parlêtre jouit en parlant. La symbolisation n’annule pas seulement la jouissance, elle l’entretient aussi » [8]. Du coup on obtient un nouveau « et », le sujet barré, résultat d’une mortification de jouissance par le signifiant et le parlêtre, corps vivant jouissant. D’un côté le manque-à-être et de l’autre le sujet plus le corps.

« Il reste pour le parlêtre analysé à démontrer son savoir-faire avec le réel, son savoir en faire un objet d’art, son savoir dire, son savoir le bien-dire » et J.-A. Miller ajoute : « un dire, c’est un mode de la parole qui se distingue de faire événement » [9].

Démontrer. Nous pourrions le lire ainsi : dé-montrer ce qui se montre en creux, dans le creux de ce que la parole ne peut rendre, mais que le dire qui fait événement en tant qu’il inclut le corps permet de faire passer. Vocifération [10].

L’analyste de l’École interprète l’École, son témoignage fait interprétation autant par une démonstration logique qu’une vocifération. L’interprétation jaculation, vocifération, trouve sa racine dans ce mouvement du corps qui jaillit. L’acte de l’analyste, alors, est une opération du corps. Cela ouvre une modalité du contrôle qui n’est ni de diagnostic, ni de vérification de la position, mais de transmettre cette place toujours singulière du corps dans l’acte.

Finie et infinie, traversée du fantasme et son au-delà, l’inconscient freudien et le nôtre, le sujet et le parlêtre, le manque-à-être et le corps, montrent que l’enseignement de Lacan se déploie sans déchirure [11].

« Quand on vous nomme AE, Analyste de l’École, c’est qu’on estime que vous êtes désormais en mesure de poursuivre seul votre travail d’analysant. Et pas autre chose » [12] . Voilà donc un nouveau ET : analyste et analysant.

L’analyse, formation première de l’analyste prend là toute sa dimension de « toujours en devenir » dans ce « et ». Permanence de la formation, comme est titrée cette journée.

Ainsi, l’analyste analysant, est celui qui reste réveillé de ce corps vivant qui échappe à la définition du sens, faisant de ce sinthome le point d’appui du désir de l’analyste, soit : mener chacun qui vient le voir pour se mettre sur ce chemin de parole de l’analyse, à ce point qui témoigne du plus singulier de lui-même. Sur ce chemin, après la passe, le contrôle est une tentative de serrage, toujours au plus près de cet opérateur qu’est le désir de l’analyste.

« On ne saurait être analyste sans être analysant. Et on ne saurait être analysant sans transfert. Vous nommer Analyste de l’École, c’est vous proposer l’École comme support de transfert » [13], propose J.-A. Miller.

Je conclurai donc par un support nouveau du et comme analyste toujours en devenir : l’analyse et le contrôle et l’École.

[1] Miller J.-A., « Présentation du thème des Journées de l’ECF 2009 : comment on devient psychanalyste à l’orée du XXIème siècle », La lettre mensuelle, n° 279, juin 2009, p. 4.

[2] Texte issu de la journée « Question d’École : Permanence de la formation », organisée à Paris par l’ECF le 02 Février 2019.

[3] Freud S., « Analyse avec fin et sans fin », Résultats, idées, problèmes II, 1921-1938, PUF. [ L’auteur souligne ]

[4] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. L’Un tout seul », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 9 février 2011, inédit.

[5] Miller J.-A., L’os d’une cure, Navarin, 2018, p. 27.

[6] Ibid., p. 29. [ L’auteur souligne ]

[7] Miller J.-A., « Présentation du thème des journées de l’ECF 2009 : comment on devient psychanalyste à l’orée du XXIème siècle », op. cit., p. 4.

[8] Miller J.-A., L’os d’une cure, op. cit., p. 69.

[9] Miller J.-A, « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n° 88, Paris, Navarin, p. 112.

[10] Miller J.-A, « L’orientation lacanienne. Tout le monde est fou », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 11 juin 2008, inédit.

[11] Miller J.-A, « L’inconscient et le corps parlant », op. cit., p. 112.

[12] Miller J.-A., « Présentation du thème des journées de l’ECF 2009 : comment on devient psychanalyste à l’orée du XXIème siècle », op. cit., p. 3.

[13] Ibid.

 




La case des incasables

Je crois que Gil Caroz avait l’idée que j’avais eu une certaine expérience de l’EFP [1]. Je dois dire qu’en réalité, je m’en suis trouvé un peu éloigné pendant ma formation. J’ai demandé à être membre de l’EFP peu de temps avant la dissolution et l’on m’avait reçu en m’expliquant que les candidatures étaient suspendues. Pour moi, la psychanalyse c’était surtout mon analyse avec Lacan, le contrôle et la pratique. Mes quelques visites aux enseignements de l’EFP m’avaient fait leur préférer la lecture des Séminaires que l’on se procurait à l’époque dans le plus grand secret. C’était aussi l’époque où je travaillais trois cent soixante jours par an, dont la moitié du temps dans une clinique, proche de Laborde, qui regroupait quelques vieux analysants de Lacan.

Puis il y a eu la dissolution et la lettre aux mille.

Au commencement de l’École de la Cause Freudienne, être membre de l’École, c’était surtout travailler à la faire exister. L’expérience de l’École, l’expérience dont je garde le souvenir, c’est une expérience de batailles et de ces sortes d’amitiés singulières qui naissent dans ces batailles. On y perd aussi des amis, puisqu’il n’est d’amitiés que politiques. Dans ces batailles, ce que l’on sentait menacé, ce n’était pas soi-même, c’était l’École et, à travers elle, la psychanalyse. On peut dire que cela continue.

Faire une expérience, c’est pâtir, percevoir, recevoir, mais c’est aussi agir, transformer. Ce que j’ai reçu d’abord, c’est l’expérience de passeur et il me reste le souvenir un peu comique et douloureux de l’indifférence arrogante de certains membres de l’EFP qui s’étaient attardés dans les premiers cartels de la passe de l’ECF. La bataille comme membre de l’École, c’était donc, au début des années quatre-vingt, une bataille pour la passe et, selon le mot de J-A Miller, dans Delenda, d’une École pour la Passe.

Être membre de l’École, c’est aussi s’essayer à ce que l’École soit un lieu d’interprétation et d’intervention au niveau du malaise dans la culture. Comme nous l’a indiqué Jacques-Alain Miller, à Turin, cela suppose une École sujet interprétée et une École d’interprétants. Je pense que les Forums, depuis 2003, ont été des interprétants actifs du lien social en France. Si l’inconscient c’est la politique il n’existe pas sans l’interprétation.

Ce qui est soumis à l’expérience dans l’École de Lacan, si l’on en croit la première version de la Proposition de 67, ce sont les « garanties dont notre École pourra autoriser de sa formation un psychanalyste » [2].

Lacan supposait une communauté d’expérience, celle des praticiens, à soumettre à la critique. Cela passait par le fait que la « racine de l’expérience du champ de la psychanalyse posé en son extension, seule base à motiver une École, est à trouver dans l’expérience psychanalytique elle-même, nous voulons dire prise en intension »[3]. Pour moi, la réalité active de la psychanalyse en intension, je l’ai rencontrée au moment où, à Strasbourg, en décembre 1993, les AE dont je faisais partie, ont commencé pour la première fois à parler de leur cure.  C’était le balbutiement de la passe III, le passage de la passe à l’exotérique. Ce qui était nouveau, c’était d’être plusieurs à essayer d’énoncer « sa solitude subjective ». L’inverse de la solitude c’est l’isolement. L’École c’est la solitude sans l’isolement. Cette première fois était une façon de saisir qu’il n’y avait plus une exception « mais un ensemble d’exceptions » et ce qui réalisait cette exception, c’était le symptôme de chacun, un par un. Donc être membre de l’École, c’est peut-être témoigner publiquement d’un certain courage au regard de son symptôme. L’École constitue un sujet supposé savoir, à travers ses AE. Ce qui pose aussi la question de savoir pourquoi il n’y a pas que des AE aujourd’hui dans les membres de l’École. C’est certainement parce que, d’un autre côté, l’École procède du pas-tout, elle n’est pas toute, autre nom d’une règle qui implique le réel. J.-A. Miller, en 1994, pouvait évoquer la mise en question de la règle par Kripke : « Toute nouvelle application d’une règle, c’est un vrai saut dans le noir » [4]. L’École est pas toute aussi au sens où l’AMP met l’ECF en place de centre pour les autres Écoles, et donc la rend pas toute seule. Être membre de l’ECF c’est donc aussi penser toujours à l’AMP et agir en ce sens. J’ai eu la chance d’animer un temps la question de la garantie dans l’AMP, malgré mon incapacité garantie et native à parler Castillan.

Il y a aussi l’expérience de l’extension, de l’action lacanienne ou de la psychanalyse appliquée. C’est d’abord la question de la clinique, celle que Lacan a mise en place à côté de l’École et non pas dans l’École, soit au lieu de la Section clinique. Nous avons été un peu la génération Section clinique en tant que jeunes psychiatres. Le moment d’Arcachon a été ici crucial dans ce nouage entre extension et intension. Il y a eu ensuite le travail de faire exister l’École dans la cité d’une façon stable, pour moi en tant que membre du Conseil. C’est ce qui nous a amené à l’utilité publique en 2007. Elle fait partie du mur qui peut nous protéger du malaise de la civilisation mais aussi nous y enfermer si nous n’y prenons pas garde. La clinique aussi, du reste, peut enfermer le praticien !

À partir de la fin du siècle dernier, l’École est passée d’un lieu de refuge face au malaise à celui d’un lieu d’opérations. J’ai plus de goût pour les opérations extérieures que pour les forteresses. Je crois que la meilleure défense c’est l’attaque. C’est pourquoi aujourd’hui je m’emploie à sortir souvent de mon cabinet pour participer au travail des élus, des représentants, qui s’occupent de l’embrouille contemporaine. Ils traitent de la violence, de la ségrégation, de la vie de la cité, le jour, la nuit, de la désaffiliation, de la condition féminine. Il ne s’agit pas de faire l’expert mais de faire un peu forum, d’assurer la table ronde des discours pour que cela ne tourne pas rond, que le réel y fasse trou quand même. D’ailleurs être membre de l’ECF c’est savoir y faire aussi avec les discours, avec le signifiant maître, savoir s’hystériser, parfois enseigner et aussi animer et gérer ! G.-Th. Guilbaud, un mathématicien qui a travaillé avec Lacan pouvait dire que le courage mathématique c’était : « parler rigoureusement des à-peu-près. » [5]

On s’avise aujourd’hui que l’ère de l’individu produit des sujets qui se présentent comme des objets a, pas des sujets divisés. Ils sont dans le rejet du signifiant et du lien social, conçu comme une imposture, comme du semblant. Ce sont des hommes jetables et qui le savent. Ce qui me frappe chez ces sujets qui peuplent les rues en masse c’est leur refus de la représentation. Ils sont et se veulent irreprésentables, c’est pour cela qu’on les voit partout, qu’on les montre, qu’ils ne font pas série, encore moins sérieux. Ils rejettent les sujets supposés savoir, ne se réfèrent souvent qu’au seul réel obscène du complot et souvent au pire croyant y saisir le réel.

L’analyse peut montrer que l’on peut toucher du doigt par un tout autre chemin son être d’objet a, son être de déchet et le passer au semblant. L’irreprésentable de l’objet a, devient alors un semblant actif. Le représentant d’un savoir qui touche au réel, celui de l’inconscient. C’est une action, pas un passage à l’acte, qui trouve une issue dans le sinthome ensuite.

Ce à quoi on assiste aujourd’hui c’est à ce qu’avait perçu Foucault : « la rationalité néolibérale discrimine le modèle des marchés dans tous les domaines de l’activité, même là où il n’est pas question d’argent » [6].

Dans ce monde où tout est calcul, concurrence et évaluation, les valeurs de l’éthique et de l’État de droit deviennent aussi impossibles que le sujet de la démocratie. À cela s’oppose ce que la psychanalyse apporte : un peu d’air, une aération, (a)ération. Elle n’est pas seulement dépendante de la démocratie, elle est une condition de la possibilité du Dèmos lui-même.

Être membre c’est donc savoir apprendre de son symptôme à faire un peu d’air sans s’en donner ! Le mien de symptôme n’est pas au reste si désincarné, il est aussi inséparable de la présence d’une femme, sans qui d’ailleurs, cette École et son extension dans le Champ freudien ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui.

L’École est-elle un symptôme, ou plutôt un lieu d’accueil ouvert pour les symptômes, la case des incasables, comme a pu le dire Jacques-Alain Miller, dans ce monde ?

[1] Texte issu de la journée « Question d’École : Permanence de la formation », organisée à Paris par l’ECF le 02 Février 2019.

[2] Lacan J., « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », Autres écrits, Paris, Seuil, 1966, p.576.

[3] Ibid., p.576.

[4] Miller J.-A., « Donc, je suis ça », La Cause freudienne, Paris, Navarin/Seuil, n° 27, Avril 1994, p. 14.

[5] Guilbaud G-TH., Leçons d’à-peu-près, Christian Bourgois éditeur, 1985.

[6] Brown Wendy., Défaire le Dèmos : le néolibéralisme, une révolution furtive,  Éditions Amsterdam, 12 septembre 2018, p. 33.




L’École forme

 

Gil Caroz m’a demandé d’intervenir, entre autres points, sur la trésorerie, sous le titre « L’École forme » [1]. En fait, il s’agit d’attraper comment l’entrée dans l’École, pour moi il y a bientôt dix ans, n’est pas un aboutissement mais le début d’un parcours. Cela implique de saisir en quoi le lien social de l’École n’est pas un lien social comme les autres. La façon d’incarner les différentes fonctions qu’on y occupe, quelles que techniques qu’elles paraissent, ne va pas sans mobiliser pour chacun le rapport à la cause qui l’anime.

Pour dire vrai, quand G. Caroz m’a proposé, après l’avoir proposé à d’autres, de le rejoindre comme trésorière au sein du directoire, j’ai davantage dit oui au signifiant directoire qu’à celui de trésorière. Je ne l’aurais pas fait pour le syndic de copropriété de mon immeuble par exemple – et d’ailleurs, je ne suis pas propriétaire. Le syndic, c’est pour moi l’image la mieux à même de représenter l’enfer sur terre ! Sans compétences a priori pour la fonction dont j’ai dû tout apprendre, un vertige, voire une certaine angoisse ont pu me prendre, à l’idée d’abord de l’hygiène quotidienne vis-à-vis des comptes à quoi cette responsabilité astreint. Ma propre banquière ne me contredirait pas si je vous dis que ce n’est pas mon fort. Mais, c’est différent, pour l’École. Et, à mon propre étonnement, je me suis retrouvée à exercer une certaine fermeté et une certaine rigueur que je ne me connaissais pas.

Cela ne vous surprendra donc pas non plus que mon entrée en fonction, sous cette forme de bousculade, ait constitué pour moi un événement de corps, produisant diverses formations de l’inconscient, en particulier un rêve. J’ai rêvé de plomberie. Je me retrouvais dans une salle envahie de tuyaux, de longueurs, de formes et de tailles différentes dont je devais suivre les méandres pour en comprendre les circuits. Ce n’est pas un rêve crucial dans mon analyse, mais tout de même il fait clin d’œil à d’autres formations de l’inconscient qui ont jalonnées ma cure – par exemple un vieux rêve où la tuyauterie de la maison de mon père éclatait et où je me retrouvais donc, pardonnez-moi du terme mais je n’en trouve pas d’autre, sous une pluie de merde. Bref. L’École mène à presque tout, à la condition d’une mise au point de sa position. Je suis donc devenue, temporairement, plombière.

Il est certain qu’avec l’argent, on a les mains dans le cambouis, mais au-delà de la matérialité de la chose, il m’est apparu progressivement combien l’argent est un outil fin du désir, à calibrer précisément pour en faire un instrument politique comme tel. On met l’argent là, et pas là, pour des raisons qu’on doit justifier. On signe par un don une alliance qui nous est chère – avec la Fondation du Champ freudien ou le CPCT-Paris, par exemple. On soustrait aux membres quelque chose d’eux-mêmes, c’est l’entame vivante qui marque leur engagement à l’École, la soustraction, parfois douloureuse, de la cotisation – la part très concrète qu’on y met, au même titre que les autres, pour que l’École existe. C’est le fonctionnement de la vie même de l’École qui est en jeu, mais c’est aussi sa place dans l’Autre au titre de son existence sociale. Le maniement de la trésorerie situe certains points où, à ce titre, l’École est prise dans le discours du maître contemporain et dans sa rétrogradation en discours universitaire sous la forme évaluative que l’on connaît et qui habille bien des lois, car il s’agit de points où l’École est soumise à la loi commune. La formule n’est pas contingente, de dire que « nul n’est censé ignorer la loi ». C’est la dimension de ce qu’elle s’impose à vous, au corps social dont vous êtes membre, sans que vous ayez votre mot à dire. Le secrétaire du directoire a également cette responsabilité, sur d’autres points : il est responsable, entre autres choses, de l’insertion administrative de l’École, de sa situation bureaucratique dans le monde, si l’on peut dire. Ce n’est pas rien car la survie même de la psychanalyse en dépend. Cela a été une des leçons de la demande de l’utilité publique, bataille brillamment gagnée en 2007 par Lilia Mahjoub à cette table.

Que s’agit-il de maintenir, et comment ? Il ne s’agit pas tant de maintenir notre lien social, atypique il faut bien le dire, ou nos modalités de jouissance propres – il n’y a pas de raison que nous n’ayons pas nos petits travers imaginaires comme tous les groupes. Et pourtant, une « entente minimale » est requise. En 1990, lors de l’ouverture des Journées de l’ECF intitulées « Le concept de l’École, l’expérience de la passe et la transmission de la psychanalyse », Jacques-Alain Miller pouvait remarquer dans l’amorce de son propos qu’« Il n’est pas douteux que, dans le fait même de s’associer pour la réalisation d’une finalité commune, l’option suivante est incluse : celle de maintenir entre nous l’entente minimale nécessaire au bon fonctionnement, voire à l’existence, de l’association. Cette option n’est inspirée par aucun angélisme ; elle s’impose logiquement des prémisses. » [2] Il disait cela après une crise au sein de l’École. Cette entente minimale à maintenir entre nous implique peut-être l’usage d’une quote-part d’un autre type que la cotisation, celle du petit trou qu’on est prêt à creuser en soi-même pour dégager un peu d’espace au symptôme de l’autre – c’est du moins ce qu’on pourrait attendre de quelqu’un en analyse. Il y a un au-delà bien sûr de ce savoir-faire avec le symptôme de l’autre paramétré dans la cure, c’est celui de l’intérêt de la psychanalyse. Les scissions dans l’histoire de la psychanalyse ont ciselé ce dont il s’agit.

J.-A. Miller poursuit : « Cette option [de l’entente minimale] implique que les intérêts du groupe y sont subordonnés à une finalité supérieure, qui se confond avec la psychanalyse ; que la vie de groupe est parmi nous, sinon proscrite, du moins peu estimée, qu’elle est tenue pour un obstacle au regard du but qui nous réunit ». Je lis dans ces phrases le point par lequel saisir en quoi le lien social de l’École est différent des autres. Car dire « l’intérêt de la psychanalyse », qu’est-ce que ça dit ? Nous le disons tout le temps mais de quoi parlons-nous, sinon de ce fait que notre lien social sert à l’existence du psychanalyste : qu’il y ait du psychanalyste possible dans les cures, ainsi que dans l’ordre social général dont nous sommes tributaires. Il s’agit d’autre chose que de la fidélité à une cause commune, que nous partagerions, car ce partage est d’ordre imaginaire – c’est bien plutôt la fidélité au mouvement vivant de cette cause ultra singulière dont nous attrapons qu’en définitive, elle nous sépare les uns des autres, même si on ne la mobilise que par un transfert de travail (à son propre travail), qui implique a minima de supporter des autres. J.-A. Miller dans le même texte indique que « la cause » dans le nom de notre École signale, non qu’on enseigne cette cause, mais qu’elle est « un moyen et un effet. Elle est ‘‘pour la psychanalyse’’ ». Cet agrégat de solitudes que forme l’École est un produit de la sublimation de la pulsion : des causes distinctes, mais le but nous réunit.

À la place à laquelle je suis, cela implique donc de développer entre autres une pragmatique du discours du maître (c’est un point qui m’intéresse) où est requis le maniement de l’acte et du calcul de l’Autre auquel on a affaire. Il faut savoir à certains moments ruer dans les brancards pour faire cette place à la psychanalyse dans le lien social comme les forums Zadig de l’année dernière l’ont visée. Parfois il faut faire tout doux avec le maître et consentir, se faire le servant et obéir dans le registre de la loi. Il s’agit encore parfois de contourner le maître, ou même de le filouter quand il est trop féroce – les légionnaires que je peux recevoir à mon travail m’ont beaucoup appris sur ces manœuvres. C’est toujours à mesurer, avant d’agir. Et parfois encore, on l’incarne, ce maître, et ce n’est pas moins difficile à manœuvrer.

Ce que j’ai appris principalement de cette place, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de la promotion, de la transmission de la psychanalyse qui relèverait de la psychanalyse en extension – car il s’agit toujours aussi de l’articuler à la cause brûlante sans laquelle nous ne serions pas là aujourd’hui, seuls et réunis à la fois. Faire École, car c’est à faire, quelle que soit la place qu’on y occupe, c’est, peut-être, en faire une expérience de corps, le corps de signifiant agencé de telle sorte que la cause soit toujours à même d’y circuler, de l’embrasser, de l’enflammer – pas trop –, choisissez le verbe selon votre mode symptomatique.

[1] Texte issu de la journée « Question d’École : Permanence de la formation », organisée à Paris par l’ECF le 02 Février 2019.

[2] Cf. Miller J.-A., « Ouverture », Revue de l’École de la Cause freudienne, n°18, juin 1991, version CD-ROM, Paris, Eurl-Huysmans (Éditions de l’ECF), 2007, p. 6.




Au principe du contrôle, le désir

Récemment, un ami m’interpelle : « Là où tu en es, je me demande pourquoi tu continues à aller en contrôle ? » * Je m’entends répondre « Mais sinon, je mourrais d’ennui ! » L’ennui est un affect que Lacan situe dans la dimension du désir. Il signale « le désir d’Autre-chose, avec un grand A ». Et il continue : « ça ne dit rien du petit a parce qu’il n’est déductible qu’à la mesure de la psychanalyse de chacun » [1].

Lacan pose cette question : « Y-a-t-il des cas ou une autre raison vous pousse à être analyste que de s’installer, c’est-à-dire de recevoir ce qu’on appelle couramment du fric » [2]. Ou encore :« Qu’est-ce qui donne le nerf de recevoir des gens au nom de l’analyse ? » [3]. On peut remarquer que ces questions prosaïques s’adressent aux anglo-saxons, à leur pragmatisme et à leur goût pour l’ego-psychology. Mais, pour autant, Lacan ne compte pas vraiment sur les analystes confirmés, installés, pour se faire garants et responsables de la psychanalyse, pour transmettre la psychanalyse. L’expérience et le savoir acquis lui paraissent plutôt propres à faire obstacle à l’acte analytique. Aussi, c’est sur les analysants, non-psychanalystes, qu’il compte, en ce qu’ils se distinguent des analystes praticiens qui, eux, « payent leur statut de l’oubli de l’acte qui les fonde » [4].  Lacan n’a pas trouvé de mots assez durs pour parler du fonctionnement de l’IPA, où l’infatuation et la prudence faisaient office d’organisation, où les droits acquis et le cadre rigide des standards assuraient aux didacticiens une autorité incontestable, garantissant la routine, le confort, et imposant le silence aux analystes en formation, ceux que Lacan nomme les « petits souliers ». Considérant que lui-même était allé trop loin dans les concessions faites au groupe analytique, Lacan fonde une « École » dont il fait un lieu de formation et d’enseignement, un lieu pour la psychanalyse (et non pour les psychanalystes).

Le secret de l’École

Dans la note adjointe à l’Acte de fondation, nous trouvons ce que Jacques-Alain Miller désigne comme le secret de l’École : « L’enseignement de la psychanalyse ne peut se transmettre d’un sujet à l’autre, que par les voies d’un transfert de travail. » [5] C’est une transmission qui s’effectue sur le modèle de l’expérience analytique. Et la structure de l’École doit être assez légère pour y faire le moins possible obstacle. C’est là un principe fondamental, qui balaie les standards et dont tout le reste découle.

La catégorie délétère des didacticiens, de ceux que Lacan nommait les Béatitudes a disparu. Aujourd’hui, « pour faire son cursus, dit J.-A. Miller, avoir des responsabilités, être connu de ses collègues, avoir une clientèle etc., parler, enseigner, écrire, est comme une nécessité (…) il y a à répondre, à fournir, dans l’ordre de la parole et de l’écriture » [6].

Étrange destin que fait aux analystes cette « nécessité » qui fait énigme à mon interlocuteur.

Comment se produit cette nécessité ? La fin de l’analyse marque le virage où s’amorce le passage du psychanalysant au psychanalyste : « Quand le désir s’étant résolu qui a soutenu dans son action, le psychanalysant, il n’a plus envie, à la fin d’en lever l’option, c’est-à-dire le reste. » [7] Destitué comme sujet, c’est dans un gain d’être, logé dans ce reste, dans l’objet a, que le parlêtre va se reconnaître et avec lequel il va  poursuivre. Il s’en fait une cause et Lacan ajoute « comme on dirait : se fait une raison » [8].

L’AME, un ayant- fait- ses- preuves

C’est ainsi qu’un jour, j’ai découvert, par un message du secrétariat de l’École, que mon nom figurait dans la liste de ceux qui venaient de recevoir le titre d’AME, ce titre que Lacan définit comme « constitué simplement par le fait que l’École vous reconnaît comme psychanalyste ayant fait ses preuves ».  C’est là ce qui constitue la garantie venant de l’École. Ayant fait ses preuves … Mais ses preuves de quoi ?

Je me souviens de l’effet produit chez moi par cette annonce : sidération, difficulté à articuler cette nomination, où se repérait la manifestation d’un reste symptomatique familier, qui s’était déjà présenté lorsque j’avais été appelée comme passeur. Puis, cette agitation intérieure très vite tombée, j’authentifiai en quelque sorte cette nomination. Les signifiants qui me vinrent à l’esprit furent ceux que Lacan utilise pour parler du symptôme : savoir y faire avec, tout en prenant une sorte de distance, de garantie, en répondre par mon travail, mon engagement pour la psychanalyse. Je pris acte, une nouvelle fois, que je poursuivrais, que j’avais fait de la psychanalyse ma cause. Choix forcé. Lorsque j’évoquais la nouvelle auprès de mon contrôleur, je me souviens avoir eu cette formule, grave et un peu lyrique : « Désormais, nous sommes compagnons de route ». Solitude des épars désassortis, certes, mais réunis dans cette solitude et avançant sur la même voie ouverte par l’éclaireur qu’est J.-A. Miller.

Désir et acte

« Ce n’est pas parce qu’on analyse les autres que l’on est analyste.  C’est d’abord en continuant d’être analysant, sujet de l’inconscient. « C’est une leçon d’humilité » dit J.-A. Miller. L’autre voie, ce serait l’infatuation de l’analyste – « s’il se pensait en règle avec son inconscient. On ne l’est jamais » [9].

Se maintenir analysant après l’analyse passe essentiellement par la voie du contrôle. Le contrôle, tel qu’il est pratiqué à l’ECF est à l’initiative de chacun. Et s’il n’est pas obligatoire, il est, de fait, nécessaire pour quiconque s’engage dans une pratique analytique. Demander un contrôle met en jeu un désir, un transfert, exige une décision, le choix d’un analyste, autant de dimensions analytiques qui n’étaient pas allées, pour moi, sans mobiliser le symptôme, mais qui n’étaient pas non plus allées sans joie ni certitude.

C’est de l’acte analytique seulement qu’il faut repérer ce que j’articule du « désir du psychanalyste » [10]. Depuis lors, j’ai appris à risquer l’acte, qui ne se calcule pas, mais se vérifie après coup par ses conséquences et c’est là que le contrôle est essentiel. Il permet d’interroger, d’examiner, la pertinence de son acte, de le juger à ses suites.

Car même ayant fait ses preuves, nul analyste n’est jamais à l’abri de l’ « horreur de l’acte », acte sans sujet, qui exige un détachement, un démunissement, que seule l’analyse poussée à son terme permet d’obtenir, mais qui ne sont jamais garantis.

L’angoisse de l’acte, elle, laisse un espoir, à condition de ne pas reculer devant le réel en jeu et l’éthique de la psychanalyse qui n’est pas une éthique des intentions, mais une éthique des conséquences, ce qui faisait dire à Lacan que « l’erreur de bonne foi est de toutes la plus impardonnable » [11].

Mais l’efficace du contrôle ne concerne pas la seule séance, le seul cas évoqué. Elle s’étend, en filigranne, à toute la pratique de l’analyste. Chaque cas est susceptible d’y être rapporté, l’instance du contrôle et le transfert en jeu, s’introduisent comme tiers entre l’analyste et sa pratique. Et si le contrôle est toujours neuf, c’est moins du fait des cas dont on parle que parce qu’à chaque fois il y a chance pour les ayant fait leur preuve, que s’y vérifie le désir de l’analyste.

On ne sait rien à l’avance de ce que réserve une séance de contrôle. Les effets d’interprétation y ont toujours leur place, ne serait-ce à partir d’un ennui plus ou moins discret perçu chez l’analyste, d’une interjection agacée, d’une injonction qui tombe comme un coup de tonnerre, d’une approbation encourageante, d’un intérêt marqué qui ouvre à un échange. On en sort souvent allégé. Sur un carnet, on note un signifiant, une formule qui recueille un bout de savoir, ouvre à d’autres articulations. Par la voie du contrôle lacanien, le désir de l’analyste se « muscle » [12] en permanence.

Je conclurai sur ce que proposait J.-A. Miller, il y a plus de dix ans : « Si une École de psychanalystes a un sens, c’est qu’elle devrait permettre à l’analyste de témoigner de l’inconscient post-analytique, c’est-à-dire de l’inconscient en tant qu’il ne fait pas semblant. Aussi bien, cela permettrait de vérifier que le désir de l’analyste n’est pas une volonté de semblant, que le désir de l’analyste est, pour celui qui peut s’en prévaloir, fondé dans son être, qu’il n’est pas, selon l’expression de Lacan, un vouloir à la manque. » [13]
Cette proposition est toujours d’actualité.

* Texte issu de la journée « Question d’École : Permanence de la formation », organisée à Paris par l’ECF le 02 Février 2019.

[1] Lacan, J., « Radiophonie », Autres Écrits, Paris, Seuil, p. 414.

[2] Lacan, J., « Préface à l’édition anglaise des Écrits », ORNICAR ? 1977, n° 12-13.

[3] Lacan, J., « Conférences dans les universités nord-américaines, Yale University », 24 novembre 1975, ORNICAR ? 1976, p. 15.

[4] Lacan, J., « Discours à l’École freudienne de Paris » », Autres Écrits, Paris, Seuil, p. 261.

[5] Miller, J.-A., Politique lacanienne 1997-1998, Collection Rue Huysmans, 2001, p.23.

[6] Ibid., p.87.

[7] Lacan J., « Proposition sur le psychanalyste de l’École », Autres Écrits, Paris, Seuil, p.252.

[8] Lacan J., « Discours à l’École freudienne de Paris », op. cit., p. 278.

[9] Miller, J.-A.,« L’orientation lacanienne. Choses de finesse en psychanalyse », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII cours du 19 novembre 2008, inédit.

[10] Lacan, L., « Discours à l’École freudienne de Paris », op. cit., p. 271.

[11] Lacan, J., « La Science et le vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 859.

[12] Expression de J.-A. Miller

[13] Miller, J.A., « L’orientation lacanienne. Choses de finesse en psychanalyse », op. cit., cours du 19 novembre 2008 ; inédit.