Étiquette : L’Hebdo-Blog 47

Éditorial

Nous sommes en route vers les J45 mais aussi déjà tout à fait engagés vers Rio comme vous allez le découvrir ici. Oui nous marchons, courons, nageons avec Philippe Mengue, grâce à Serge Cottet, et traversons les océans avec Isabelle Autissier dans ce numéro vacancier !

L’Hebdo-Blog n’est cependant pas le porte-voix d’une « communauté de travail » à l’idéal, « sinon religieux, du moins un tantinet « boy scout », soit insupportablement mièvre […] ».[1]

Pourquoi ? Comme pouvait le préciser François Leguil, en 1994 dans la Lettre mensuelle n° 130, nous lions Contrôle et Garantie, « c'est-à-dire l’élucidation des pratiques dites de contrôle et l’ambition d’en forger enfin l’embryon de doctrine qui n’existe pas encore, articulées à la responsabilité que prend l’École de garantir “ce qui relève de sa formation” ».

Le texte de Yasmine Grasser, d’emblée, éclairera ce point.

      [1] Leguil F., « La Garantie et le Contrôle dans l’École, La théorie de la psychanalyse », La Lettre mensuelle, n° 130.

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Soirée du mardi 6 octobre 2015 Le désir de contrôle. Des analystes parlent de leur contrôle

On a ri, on a réfléchi, on a contredit, on a soutenu, on a laissé des questions ouvertes, lors de la dernière soirée de la commission de la garantie où des analystes membres de l’École (AME) ont partagé les trouvailles et les vicissitudes de leur contrôle avec un auditoire bien réveillé et venu nombreux. Le style laboratoire initié par la présidente, Patricia Bosquin-Caroz, son orientation exigeante, la prestesse des échanges a donné une impulsion prometteuse à la discussion l’inscrivant dans un work in progress que les membres de la commission sont déjà décidés à poursuivre.

La question de chaque intervenante était bien articulée permettant qu’émerge une question d’École : Parler « à-propos » d’un autre que soi à un analyste qu’on a choisi comme contrôleur produit des effets de formation que la commission de la garantie a à recueillir et à remettre au travail. Que ce soit sur le mode de l’association libre, Jacques-Alain Miller l’avait souligné, implique, pour l’analyste en contrôle, à la fois de donner tout son poids de « pari sur la contingence » contenu dans cet « à-propos » et de l’articuler à des nécessités exigeantes : se détacher de l’association libre de l’analysant, de s’éveiller aux signifiants de la demande, de s’ouvrir à cette autre lecture que les interventions du contrôleur convoquent. Marga Auré a témoigné de cette nécessité qui ne va pas sans un certain apprentissage qu’il ne faut pas négliger. Hebe Tizio disait joliment au Congrès de l’AMP à Bruxelles en 2002 : « il faut parfois un rhinocéros pour trouver de nouveaux tournants ». Il faut donc du temps pour que l’analyste contrôlant sorte de son aveuglement et trouve la voie du symptôme, de son serrage, de sa sinthomatisation. À chaque analyste son trajet, son usage du contrôle, sa nécessité. Celle de Délia Steinmann par exemple qui, s’apercevant à grand frais que le recours au savoir universitaire ne traite pas les restes symptomatiques de l’analyste, s’est adressée cette fois au contrôleur dont elle savait pouvoir attendre de lui qu’il remette en jeu de la bonne façon la confrontation des corps que seul le désir de l’analyste peut régler. Quant à Monique Amirault, après l’analyse, elle se sert du contrôle pour traiter « le bavardage » de ses restes symptomatiques et c’est convaincant : consentant dans un cas à délaisser, pas sans difficultés, ses préjugés issus de ses acquis ; dans deux autres cas à faire valoir que l’analyste ne dispose que du « devoir de bien dire » face à l’impossible s’il ne veut pas tomber dans l’impuissance.

On aura appris que la voie de l’analyse et la voie du contrôle sont proches puisqu’elles prennent chacune leur départ dans l’association libre obéissant en cela à une même logique qui articule contingence et nécessité, mais en vérité ces deux voies diffèrent l’une de l’autre dans leurs finalités c’est-à-dire quant à l’usage éthique que fait le praticien de cette articulation logique dans l’abord du réel. En ce sens, la mutation de l’écoute à obtenir du contrôle est proche mais diffère de la mutation subjective à obtenir de l’analyse.

Ce 16 octobre 2015.

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Quand la rupture devient le ressort d’une passion

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Un couple, un roman. Une rupture. Ils s'aiment encore mais ne se supportent plus, ils se quittent, se désirent plus que jamais. Est-ce fini?

Il ne faut pas se méprendre à propos du titre du premier des quatre romans de Jean-Philippe Toussaint qui composent le cycle de Marie : Faire l’amour[1]. Il est ici question, en effet, du moment même d’une rupture.

Peu de temps après leur rencontre, Marie avait expliqué au narrateur qu’elle était tombée amoureuse de lui à l’instant où il avait fait un geste, un simple geste. Au cours de leur premier dîner, il avait rapproché très lentement son verre du sien. Ce geste lui était alors apparu élégant et délicat, mais explicite.

Sept ans plus tard, les deux amants se retrouvent dans une chambre d’hôtel à Tokyo, alors qu’ils sont en train de se séparer. C’est Marie qui a proposé ce voyage au narrateur. Il se pose, en fait, la question : « Était-ce la meilleure solution de voyager ensemble, si c’était pour rompre ? »[2] Le narrateur a plutôt l’idée que « la présence de l’autre à nos côtés ne [peut] qu’accélérer le déchirement en cours et sceller notre rupture »[3].

Ébauche d’un échange :

« – Pourquoi tu ne veux pas m’embrasser ?

– Je n’ai jamais dit que je voulais t’embrasser.

– Alors, pourquoi tu ne m’embrasses pas ?

– Je n’ai jamais dit non plus que je voulais t’embrasser.

Marie le regarde longuement et lui dit :

– Tu ne m’aimes plus. »[4]

Une pointe d’acidité se fait en effet entendre dans les répliques du narrateur. Il a une façon de parler à Marie qui montre qu’à travers les phrases mêmes qu’il prononce, il la laisse tomber et s’éloigne d’elle. C’est pourquoi, d’ailleurs, Marie se laisse tomber sur le lit et se met à pleurer. Le narrateur s’approche d’elle. Ils font à ce moment-là l’amour, précise le narrateur, comme si c’était la dernière fois. Mais, remarque-t-il, n’ont-ils pas fait souvent l’amour comme si c’était la dernière fois ? Souvent, se dit-il. La pensée vient alors au narrateur que, peut-être, il n’aime plus Marie. Mais, ce qui le frappe, le narrateur, c’est surtout la violence de leur étreinte : « J’avais le sentiment qu’elle frottait sa détresse contre mon corps pour se perdre dans la recherche d’une jouissance (…) incandescente et solitaire, douloureuse comme une longue brûlure, tragique comme le feu de la rupture que nous étions en train de consommer. »[5]

Là-dessus, le narrateur quitte Marie, puis la rejoint un peu plus tard dans le hall de l’hôtel. Ils sortent dans la rue. Il fait nuit et il pleut. Ils marchent sans un mot et, au premier mot de Marie – elle lui adresse un reproche – il accélère le pas et la plante là. Or, un incident se produit. Elle lui demande de lui laisser le parapluie. Il le lui tend. Mais le parapluie tombe par terre. « – Ramasse-le. Il ne dit rien. – Ramasse-le. Il ne bouge pas. »[6] Commentaire du narrateur : « Nous nous aimions, mais nous ne nous supportions plus. Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable. »[7]

Ce moment de rupture à Tokyo se ponctue ainsi dans l’esprit du narrateur : « Et pourtant dieu sait combien j’avais envie de l’embrasser maintenant – et tellement plus / maintenant que nous nous séparions pour toujours / que la première fois que je l’avais embrassée. »[8] Cette ponctuation s’achève ainsi par un « aveu » qui surprend le narrateur lui-même : « Le jour se levait et je la désirais très fortement maintenant. »[9]

[1] Toussaint J.-P., Faire l’amour, Paris, Éditions de Minuit, 2002.

[2] Ibid., p. 25.

[3] Ibid., p. 25.

[4] Ibid., p. 19.

[5] Ibid., p. 33.

[6] Ibid., p. 81.

[7] Ibid., p. 82.

[8] Ibid., p. 89.

[9] Ibid., p. 90.

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Condamnés l’un à l’autre ?

 À La Rochelle, après une connexion « Voile et psychanalyse » organisée par l’ACF-Aquitania, Isabelle Autissier, bien que pressée par le temps, a accepté de répondre à trois questions que lui a posées Paul Gil, membre de l’ECF et responsable[1] de la délégation Charente-Maritime.

Dans son dernier roman, « Soudain, seuls », le couple des personnages principaux se retrouve en effet condamné l’un à l’autre, quasiment naufragé sur une île déserte des « cinquantièmes ». C’est avec ingéniosité qu’Isabelle Autissier situe l’essentiel de l’action sur l’île de Stromness, qui fut l’issue salvatrice pour l’expédition Shackleton et garde des traces de l’industrie baleinière passée. Des trois protagonistes, elle, lui et leur couple, lequel parviendra-t-il à survivre ?Bandeau_web_j452_def2

Isabelle Autissier répond à trois questions de Paul Gil

Paul Gil Dans votre dernier roman, le drame de ce couple tient-il à l’affrontement de l’amour et de ce que vous appelez l’instinct de vie ?

Isabelle Autissier – Ce n’est pas un affrontement entre l’amour et l’instinct de vie, à un moment le sentiment d’humanité, d’empathie, d’amour, qui est le sentiment propre à l’humain, vient se heurter à ces sortes de limites physiques que sont la faim, le froid. Et à ce moment, effectivement, ce qui m’a intéressée, c’est que le couple se pose la question : est-ce qu’on survivra mieux ensemble, ou chacun de son côté ?

Donc, ce n’est pas totalement une concurrence mais, oui, la question se pose.

PG – Accepteriez-vous qu’on voie dans l’épreuve de ce couple particulier une allégorie du couple en général ?

IA D’une façon pas aussi violente, oui bien sûr, parce qu’un couple est à mon sens une façon de composer avec ce qu’on peut être individuellement, personnellement, et avec ce qu’on trouve dans le couple qui nous conduit à changer un peu nos stratégies, nos façons de faire, pour tenir compte de l’autre. Soit parce qu’on a de l’empathie, soit pour faire perdurer cette association qui permet de belles choses.

PGDans votre roman, c’est une femme qui dit à Louise, l’héroïne, que « l’instinct de vie ne se communique pas. Toi et moi, nous l’avons, pas eux. » Alors, est-ce que l’instinct de vie est plus évidemment féminin ?

IAJe ne sais pas, je le fais dire à ce personnage parce que c’est dans sa logique. Elle le dit aussi à son interlocutrice, pour l’encourager. Lui dire : « Tu ne t’es pas trompée », c’est une façon de la rassurer sur ce qu’elle a fait. Je pense tout de même, ne serait-ce qu’à travers la maternité, qu’il y a un rapport à la vie qui n’est pas le même pour les hommes et les femmes. C’est à mon avis plus distancié, compliqué, pour les hommes. Les hommes donnent la vie par l’intermédiaire d’une femme, ce n’est pas un rapport immédiat pour eux.

[1] Avec Sophie Lafossas-Leynaud.

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« Mais qu’est-ce donc qui les pousse à traverser les océans ? »

Aujourd’hui, si la mer a perdu ses secrets, si l’on peut anticiper ses humeurs, le navigateur est devenu compétiteur, rivé à l’exploit, à la performance, son point de visée est de boucler la boucle. Ce navigateur est, entre autre, un corps complété de la série des objets techniques les plus précis et les plus sophistiqués apportant performances et dépassements. « Mais qu’est-ce donc qui vous pousse à traverser les océans ? » fut la question posée à Isabelle Autissier et Fabrice Amadéo[1] lors de la rencontre qu’organisait l’ACF-Aquitania à La Rochelle le 10 octobre.

La navigation, pour Fabrice Amédéo, apparaît comme « une certaine forme de douleur, le froid, le manque de sommeil […] une jouissance physique, une drogue dure, une espèce d’adrénaline qui donne envie d’y retourner […]. Ce sont aussi les moments d’émotion, de plénitude […] seul sur un bateau, je suis un animal solitaire qui doit se dépasser, prendre des risques ». Il évoque le sentiment océanique : « sur l’eau, il m’arrive d’avoir des moments de contemplation, de ressentir une présence physique ».

Isabelle Autissier nous indique : « ma vie entière a été structurée autour de la mer […] la navigation, c’est ce qui est le pivot, la toile de fond de mon existence, c’est ma méthode à moi d’exister dans la communauté des humains […] c’est là qu’il faut que je sois […]. Le bateau est un prolongement de moi… la mer, elle me comble, elle me donne l’occasion d’aller partout où ma curiosité m’emmène ».

Évoquant le corps (le corps parlant était à l’origine de notre conversation) elle avance qu’« il s’agit d’abord de sensations où l’on éprouve le mouvement du bateau sur l’eau, l’odeur de la mer […]. Cela parlait à tous mes sens […] aussi bien au corps qu’à mon esprit ; la douleur… jamais, c’est pour me faire plaisir ! »

Et la solitude? Ce n’est pas tant de solitude dont il s’agit mais d’éloignement : « ce n’est pas tant être seul qu’être loin. Il y a le moment où l’on a l’impression de rentrer dans la solitude […] cet isolement, il est intéressant parce qu’il est choisi, il nous permet de nous exprimer complètement […] je n’ai jamais été aussi près des autres que quand j’en suis loin, on ne fait plus de blabla, on dit l’essentiel […] j’ai pas mal appris sur mes relations aux autres en étant sur un bateau […]. Les filles supportent assez bien la solitude ».

Et, bien sûr, il y a ses partenaires :

Ses bateaux : Ada dont elle parle dans Salut au Grand Sud[2] d’une façon inattendue. « C’est une fille ! Il n’y a pas à s’y tromper. Une allure élancée, des flancs généreux sous une robe grise qui manque, c’est vrai, un peu de coquetterie ; et surtout cette inimitable façon de poser la hanche sur l’eau, avec douceur mais fermeté. Ada est bateau-fille[3] ».

Ses copains : elle nous explique « quand je suis toute seule, je m’invente des copains, le vent, les nuages, l’eau ».

La mer : « C’est du dur, on ne discute pas, on ne compose pas, Il n’y a pas de blabla avec la mer : c’est ça que j’aime bien », précise Isabelle Autissier. C’est là, semble-t-il, sa façon à elle de parler du réel : pas de négociation possible.

La contingence, toujours là tapie dans l’ombre, l’évènement imprévu toujours susceptible de survenir à tout instant, quel que soit le soin qu’on a mis à tout préparer : « un bon marin c’est quelqu’un qui se prépare à l’imprévu […] cela fait partie des plaisirs de la navigation, il y a des surprises, la part de l’imprévu […] ce que j’adore, quand je pars, c’est que je ne sais pas ce qui va se passer deux heures après […]. Cet ailleurs où le temps n’est pas le même, cela me renouvelle ». Dans Salut au grand sud, elle écrit : « notre avenir peut basculer ici et maintenant à tout instant »[4]. Partenaire possible de la contingence : la mort. Il ne s’agit pas pour les navigateurs de tutoyer la limite comme c’est le cas pour beaucoup d’alpinistes : « une bonne navigation est une navigation sans peur. Mais quand la tempête est là, il faut bien l’affronter. C’est solide un bateau. »[5]

[1] Fabrice Amédéo, navigateur, journaliste sportif retenu par les préparatifs de la prochaine transat Jacques Vabre, avait fait parvenir une vidéo. Ses propos sont repris de cette vidéo. Ceux d’Isabelle Autissier, sans références, sont extraits de la conversation que nous avons eue avec elle lors de la rencontre.

[2] Autissier I., Orsenna E., Salut au Grand Sud, Paris, Stock, 2007.

[3] Ibid., p. 39.

[4] Ibid., p. 119. [5] Ibid., p. 260.

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Écho de l’ACF-Île-de-France Histoire de la psychanalyse au Mexique

Le 28 mai 2015 a été organisée avec l’Association Franco-Mexicaine de Psychanalyse LaZo(s), la NEL-Mexico et l’ACF-IDF, la première rencontre à Paris autour de l’histoire de la psychanalyse au Mexique. Accueillis dans la très belle salle de l’Université de Chicago à Paris, les fils rouges de la soirée étaient : Ana Vigano, Liliana Salazar, Véronique Outrebon et Miguel Sierra.

Mariana Alba de Luna nous fait vivre cette réflexion qui ne fait que commencer…

 Cette rencontre, ouverte à toute personne intéressée, eut le mérite de voir réunis les acteurs de notre temps qui écrivent l’histoire et la questionnent. Ceux qui écrivent l’histoire, c’est bien connu, ce sont les étudiants. Étudiants d’un jour, d’une période, étudiants toujours. Nous sommes donc venus tous en étudiants questionner les origines de la psychanalyse dans ce pays si surréaliste qu’est le Mexique. Des étudiants doctorants en psychologie, psychanalyse et histoire ont répondu à notre invitation, accompagnés des étudiants de la psychanalyse que nous sommes tous quand le savoir nous questionne et que nous le laissons nous questionner.

Elena Monges, historienne mexicaine, nous a présenté une partie de sa recherche autour du premier manicomio d’État (Maison des fous) : La Castañeda. Construction commandée et inaugurée en 1910 par le président mexicain Porfirio Diaz qui voulait faire de son pays une autre France. Nous avons constaté que derrière les belles pierres édifiées s’édifiait également une ferme volonté de ségrégation et d’ordre moral imposé afin de mettre hors de vue ceux qui dérangent. La division de la population entre folie et raison, valides et déviants était à l’œuvre. Le corps des femmes prostituées enfermées avait été utilisé pour tenter de cataloguer la folie. L’imaginaire collectif, qui construisit ce lieu à l’image de l’hôpital d’Auxerre et autres hôpitaux français visités par une commission mexicaine d’experts dans ces années-là, continue d’être en grande partie le ciment et le socle de l’orientation hygiéniste qui, de nos jours, plane encore comme un fantôme dans les hôpitaux psychiatriques mexicains. Autre détail : voulant protéger la population d’une possible contagion, les fous avaient été placés derrière les murs, loin de la métropole. Avec le temps, les habitants des bourgades avoisinantes se sont mis à régler leur vie quotidienne au rythme des sonneries hebdomadaires de La Castañeda ! En se nouant au temps des villageois, le temps des fous était ainsi venu régler leur normalité supposée. Le leurre de la division voulue par le grand Autre échoua, laissant la fluidité psychique faire son œuvre.

Carolina Becerril a fait ses études dans les années soixante dix en lien avec des associations psychanalytiques naissantes dans la ville de Mexico. Des médecins psychiatres étaient de retour des pays où ils étaient eux-mêmes allés chercher une formation psychanalytique (Angleterre, Argentine, USA et France). Ils imposèrent à leurs analysantes désireuses de s’installer le veto de l’usage du divan et du mot psychanalyse. Ils les nommèrent Las Viudas de Freud (les veuves de Freud). La reconnaissance ne pouvait venir pour eux que de leur croyance dans les préceptes de l’IPA, qui réglementait à cette époque leurs querelles internes et frustrations collectives de façon très hiérarchique. Celle-ci comptabilisait l’obtention du titre de psychanalyste en donnant des « garanties » de cette nomination en fonction du nombre de séances et des supervisions suivies par le candidat, et non pas sur l’expérience et résultat d’une analyse personnelle. Ana Viganó, notre invitée, nous fit remarquer que pour eux, dans cette nomination outrageuse, se cachait probablement une mise à mort déjà accomplie de Freud.

Carlos Gomez Camarena, doctorant à Paris VII, aborda avec beaucoup de sagacité la façon dont, au Mexique, le monde de l’art et du théâtre avait été aussi un des premiers lieux d’accueil de la psychanalyse et de ses effets. Il nous invita à revisiter l’œuvre théâtrale Feliz nuevo siglo, Doktor Freud, de Sabina Berman (d’ailleurs fille d’une des psychanalystes dites Viuda de Freud) autour du cas Dora, grâce à l’apport de Bruno Bosteels, critique littéraire. B. Boostels affirme qu’aucune histoire de la psychanalyse en Amérique Latine ne peut être complète sans prendre en compte les développements créatifs, artistiques ou les fictions qui vont parfois plus loin que les dispositifs cliniques et institutionnels. Avec Lacan on peut affirmer en effet que l’artiste ici ou ailleurs, précède le psychanalyste.

Dans les trois exposés, nous avons pu extraire un trait commun, celui de la féminité, qui depuis l’origine de la psychanalyse reste incontournable. Lacan nous propose une orientation plus serrée de ce qui pour Freud était resté un continent noir, et qui pour nous maintenant a à voir plus précisément avec la position de l’analyste en fin d’analyse. Nous avons pu constater aussi que certains traits de l’histoire des institutions psychiatriques font dangereusement retour dans l’actualité de notre siècle où les apports de Freud et Lacan voudraient être encore effacés à la faveur de classifications aveugles et d’un « pour tous » de la norme.

Cette première rencontre nous a ouvert un passionnant chemin de savoir et de recherche de filiation théorique qui va se poursuivre. Il se veut itinérant entre Paris, Mexico et Barcelone. Nous continuerons donc à nous interroger et à cheminer. La prochaine rencontre aura lieu le 15 janvier à l’Hôpital Saint-Anne.

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À propos du livre de Philippe Mengue, Marcher, courir, nager. Le corps en fuite[1]

« Nous ne savons pas ce que c’est que d’être vivant  sinon seulement ceci, qu’un corps cela se jouit »[2] , dit Lacan. Le «  se jouir » du corps mis en acte dans la gymnastique, le saut, la course prend avec la marche une dimension Autre que les philosophes et les poètes ont repérée. Comment l’avoir ce corps qui « fout le camp à tout instant »[3] ? Et ira-t-on jusqu’à dire que certains sports ouvrent à une quasi extase mystique ? C’est ce qu’ose Philippe Mengue, lu pour nous par Serge Cottet.

Le livre de Philippe Mengue propose une réflexion philosophique sur le corps sportif, thème plutôt délaissé par les philosophes ; la stimulation de la pensée par le corps en mouvement n’est pourtant pas étrangère à une certaine tradition philosophique qui fait l’éloge de la marche, des voyages, des ascensions au contact de la nature pour élever la pensée au sens propre comme au figuré. De grands noms y sont associés : Jean-Jacques Rousseau, Nietzsche, et d’autres… L’auteur procède à la relecture des textes fondamentaux qu’il réinterprète dans un style deleuzien où domine le concept de ligne de fuite ; l’éloge qu’il fait de la marche couvre aussi tout un pan de la littérature nomade ; notamment celle des Américains de la Beat Generation, tel Kerouac.

C’est avec précision que nous sont rappelées les confidences de Nietzsche sur le corps, les pensées du corps, « le corps philosophe ». Nietzsche écrit en marchant et marche en pensant. P. Mengue établit précisément le temps consacré au trajet classique de Nietzsche, par exemple le tour de toute la baie de Santa Margherita pour établir, montre en main, qu’il ne pouvait effectivement écrire sur ses feuilles de carnet qu’en marchant. Contre Flaubert qui ne pouvait qu’écrire assis, Nietzsche affirme que « seules les pensées que l’on a en marchant valent quelque chose ». Les références à la physiologie du penseur, parfois même la réduction d’un système philosophique à un corps malade, ne sont pas des réflexions à l’emporte-pièce ou des métaphores. Le grand large, l’air pur loin de la ville, doivent être les sources d’une pensée nouvelle qu’engendre la grande santé : « Dans les montagnes solitaires ou tout proche de la mer, là où même les chemins se font songeurs. » [4]

 C’est dans cette perspective que P. Mengue examine les motifs des grands penseurs partisans des ascensions montagnardes comme autant de métaphores de l’élévation de l’âme vers Dieu, tel Pétrarque. D’un penseur à l’autre, la stimulation de la pensée n’est pas toujours le motif de longues marches. Peu de rapport en effet, entre Nietzsche et le Kerouac de Sur la route. Il s’agit parfois, de penser le moins possible. P. Mengue consacre de belles pages à Rousseau et ses Rêveries du promeneur solitaire, notamment la cinquième. La marche est chez celui-ci un pur « laisser-aller » du corps comme de l’esprit : « Dans mes voyages je ne sentais que le plaisir d’aller »[5]. Le pur plaisir d’exister dans la rêverie ; voilà ce que la marche suscite, faite de sensations et de sentiments. Là, on ne ressent « aucune fatigue de pensée » et même on y est « sans être obligé de penser »[6]. C’est le sommet de la présence à soi de la pensée et de l’être, commente P. Mengue : « On laisse à tout cela suivre sa marche, et l’on jouit sans agir », écrit Rousseau[7].

Une belle analyse est consacrée à Rimbaud, piéton céleste, où P. Mengue convoque à nouveau Deleuze avec le concept de déterritorialisation. Marche infinie dans les déserts du Harar, non sans but mais gardant sa raison d’être en elle-même, le voyage n’en étant qu’une « rationalisation secondaire »[8]. À la suite d’Henry Borel et d’Henry Miller, P. Mengue réunit les deux Rimbaud, celui des déserts et Rimbaud le poète, réconciliés, l’aventurier marchant dans le soleil : « J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. »[9]

À la fin de ce parcours littéraire, on a le sentiment que l’expérience du détachement l’emporte sur l’exercice de stimulation de la pensée ; la fuite du corps fait balancer l’aliénation lacanienne du côté de l’être et non de la pensée : « ou je ne pense pas ou je ne suis pas » ; car on n’est jamais aussi assuré de son être que pour autant on ne pense pas.

C’est alors, dans la troisième et la quatrième partie, que l’essai prend peu à peu un tour mystique. On passe alors du vagabondage à l’extase, notamment dans la description du corps sportif. P. Mengue s’attache spécialement aux sports de glisse opposés au sports dynamiques (où l’essentiel est de faire produire par le corps une énergie pour lancer, sauter, etc.). Au contraire, les sports de glisse sont loin de toute compétition commandée par l’exploit, comme de tout enjeu de performance. Ils mettent en jeu un désir sans objet ou, mieux, sont sans objectif : voler, nager, n’intéressent que la jouissance du corps ; ils sont les plus propres à engendrer ce que P. Mengue nomme un sentiment non d’infinitude mais d’indéfinitude qui semble abolir les limites du corps. Nulle transcendance pourtant à attendre des mouvements mêmes du corps, la glisse pure met en jeu des lignes de force ou de fuite qui illustrent le devenir animal de Deleuze (devenir poisson, oiseau, etc.) : « Avec la glisse, c’est une sorte de devenir oiseau qui semble l’emporter. Car c’est vraiment avec l’oiseau que les courants sont utilisés (ascendants ou descendants) et pour cela l’aile volante ou mieux le deltaplane, le parapente, accomplissent au mieux ce devenir oiseau de l’homme. Icare. »[10] De belles pages consacrées à la natation détaillent cette ascèse : la brasse, le crawl et bien sûr, paradigme de ce fantasme, le dauphin ou le papillon.

Faisant l’expérience d’une certaine euphorie engendrée par l’exercice sportif, P. Mengue n’hésite pas à qualifier de quasi mystiques ces noces du corps avec l’ivresse des profondeurs comme dans le film Le grand bleu d’Éric Besson, une extase sans dieu : un rite de l’immanence sans sacrifice. Une expérience laïcisée certes, mais qui n’empêche pas l’auteur de lui assurer la fonction de « service divin » (mot de Nietzsche). On pense à la transe des derviches tourneurs. Cette intuition se trouve confirmée par l’exclusion du corps érotique tant la jouissance obtenue relève de la fatigue, du détachement plutôt que d’un quelconque organe. On retrouve le sentiment océanique du moi dans un rapport fusionnel avec l’élément (air, vent, eau). Il n’échappe pas à l’auteur, grand lecteur de Freud et de Lacan, que cette recherche de l’extrême dans l’exténuation se branche sur la pulsion de mort[11]. P. Mengue qui répugne au conflit de doctrine est partisan des synthèses ; on est là entre Maître Eckart et le Freud de l’ « Au-delà du principe de plaisir », Lacan voisine avec Deleuze sur la qualification du désir en jeu dans cette expérience. On peut regretter que le dernier Lacan ne soit pas sollicité : le corps joycien ou l’autisme de la jouissance paraissent plus adéquats pourtant à ce dont il s’agit. L’activité en question met en effet en fonction un corps séparé du langage, autant que du phallus et de l’autre.

Retraçant son cheminement intellectuel, P. Mengue qui fit sa thèse sur Sade à Paris VIII avec Deleuze, affirme que le boudoir sadien constitua pour lui un premier pas pour un rendez-vous avec « les corps-langage » contre l’austérité kantienne[12]. La trajectoire trouve ainsi sa logique dans l’au-delà du corps morcelé vers le corps autistique.

Quoiqu’il en soit, à la veille d’un congrès sur le corps parlant dans sa tension avec sa jouissance, l’analyse de Philippe Mengue est on ne peut plus précieuse ; elle marque la scission entre un corps parlant phallicisé par l’exploit avec un corps taiseux qui « se jouit ».

[1] Mengue P., Marcher, courir, nager. Le corps en fuite, Paris, Éditions Kimé, 2015.

[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 26.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 66.

[4] Nietzsche F., Le gay savoir, cité par Mengue P., Marcher, courir, nager. Le corps en fuite, op. cit. p. 17.

[5] Rousseau J.-J., Rêveries du promeneur solitaire, cité par Mengue P., op.cit., p. 117.

[6] Rousseau J.-J., ibid., cité par Mengue P., op.cit., p. 120.

[7] Rousseau J.-J., ibid., cité par Mengue P., op.cit.

[8] Mengue P., op. cit., p. 108.

[9] Rimbaud, Illuminations, cité par Mengue P., op. cit., p. 109.

[10] Mengue P., op. cit., p. 137.

[11] Mengue P., op. cit., p. 180.

[12] Mengue P., op. cit., p. 13.

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Insistance des protocoles, persistance du désir

En 2001, Jacques-Alain Miller nous prédisait : « Le privé devient public. C’est là un vaste mouvement, un destin de la modernité, et la psychanalyse est entraînée pour le meilleur et pour le pire. » Et il ajoutait que les psychanalystes ne pourraient pas garder longtemps une « distance volontiers sarcastique à l’endroit de la politique »[1].

Le Forum Campus-psy qui vient d’avoir lieu à Rennes, organisé par l’ACF-VLB et les sections et antennes cliniques, avait pour titre Insistance des protocoles, persistance du désir. La communauté analytique, pratiquant dans des champs très divers, était largement mobilisée. Dans notre société désormais sous la dominance des protocoles tous azimuts, les cliniciens, loin de garder une « distance sarcastique », ont remis sur le métier la question de leur rapport au savoir statistique. Cinq cents personnes étaient présentes, témoignant, si nécessaire, combien la tension entre protocole et clinique est vive, tension qui nécessite une recherche conceptuelle afin de dégager une position éthique.

S’il y a un sujet du protocole, comme il y a un sujet de la science, celui-ci s’en trouve mortifié, mais il n’en est pas aboli pour autant, et le désir persiste ainsi que l’angoisse. Nos nombreux invités en ont témoigné : pour Jean-Paul Vernant, hématologue à la Pitié-Salpêtrière, il n’est pas question de subvertir le type de protocole mis en œuvre dans son service, pour un traitement ciblé de la leucémie myéloïde chronique. Personne d’ailleurs n’y songerait. « Les paroles ne changent pas le protocole », ajoutait-il. De quoi s’agit-il ? Qu’est ce qui, ici, est en jeu ?

Le travail de cette journée, progressivement, va nous éclairer sur ce qu’il en est de cette tension protocole-clinique, avec comme point d’orgue, la conférence d’Éric Laurent.

Les métaphores pour la dire ont été multiples :

- la stratégie du cheval de Troie, nous suggère François Brunet, professeur de droit, qui démontre qu’aujourd’hui l’économie du chiffre est devenue un discours plus efficace que celui des normes juridiques. Nous assistons à une politisation de l’économie, à une fragmentation des sources du droit, à une prise du pouvoir des bureaucraties. Mais en même temps, avec les cas de jurisprudence qui se multiplient, une subjectivation du droit fait gagner du terrain aux droits individuels. Les règles changent, provoquant un sentiment d’insécurité juridique. Sur le mode du cheval de Troie, choisissons, nous dit-il, la subversion de l’intérieur, permettant d’inventer, mais il s’agit d’une invention qui porte à conséquences.

- la désobéissance d’un petit soldat. Subvertir de l’intérieur, Frédéric Haury, directeur d’un ITEP, s’y emploie et voici comment : au cours d’une évaluation externe, réussir à sortir de la confrontation imaginaire par une lecture attentive des textes mêmes sur les évaluations et y trouver un point d’appui. Ceci nécessite de s’extraire du sens et de jouer de l’équivoque. Un nouvel usage des textes devient alors possible et crée un espace de respiration.

- antidote ? Laurence Cornu, philosophe et enseignante, résiste contre la normalisation du vocabulaire, et invite à être attentif à l’inattendu. Pour Rémi Lestien la loi (sur les PMA) et les protocoles sont hétérogènes et on se confronte toujours à l’impossible réalité. Entre l’universel et le particulier du cas il est nécessaire, dès qu’il y a une proposition pour tous, qu’une instance vérifie si le cas tombe bien sous le coup de la loi. Faisons naître cette instance. Le protocole du cas par cas serait un bon protocole !

É. Laurent reprend la distinction – qu’il nous avait explicitée lors de l’interview accordé à Accès n° 8 et édité à l’occasion de ce forum – entre, d’une part, les calculs de masse faits sur de longues séries et utilisés par les bureaucraties sanitaires pour calculer les traitements les plus efficaces et, d’autre part, un autre usage des calculs utilisés, cette fois, par les multinationales pour recueillir les données biologiques concernant chacun d’entre nous et qui proposeront une médecine personnalisée tenant compte de la singularité biologique de chacun.

Le savoir statistique ne met pas en question le savoir clinique lorsqu’ils sont disjoints. Pas question de réfuter des protocoles de revérification de procédures lorsqu’ils font diminuer le taux de mortalité dû aux maladies nosocomiales. Par contre, le savoir du clinicien est touché lorsqu’il y a conjonction entre savoir statistique et savoir clinique, lorsque le savoir du clinicien est soumis au contrôle statistique. Le clinicien doit alors se soumettre à une autorité supérieure (celle du « manager » hospitalier ou celle du statisticien). Les effets se font alors sentir sur le désir, faisant naître le sentiment que son savoir baigne dans une aura d’irréalité, et le faisant douter de sa position.

Ce savoir clinicien, indique É. Laurent, sera doublement touché par le savoir statistique qui s’impose sur les cas particuliers, calculant les risques à partir des données biologiques de chaque individu.

Pourtant, c’est dans cet écart entre la moyenne et le cas particulier qu’É. Laurent nous invite à revivifier le savoir clinique ; c’est là où peut s’exercer la faculté de juger du clinicien et où celui-ci peut y retrouver son acte. Et non seulement l’y trouver mais, surprise…, le potentialiser par l’utilisation des résultats que la technologie contemporaine lui permet d’utiliser. Il ne s’agit donc pas d’opposer calcul et désir, mais de rendre le désir informé des avancées scientifiques, de créer une nouvelle figure : le désir post-série statistique. Lacan parlant de l’acte analytique le disait déjà : non pas l’acte « d’un seul », ineffable, mais il invitait le clinicien à se former à l’exigence de la logique propre à l’acte, au-delà des embarras du narcissisme. Il exige une certaine destitution subjective, et l’angoisse est toujours au cœur de l’acte analytique, index qu’un désir est en jeu.

Un des aspects selon lesquels Lacan a considéré les effets de la science est qu’elle a fait disparaître, sous la production de sa littéralité, toutes les métaphores qui représentent la nature à partir de l’imaginarisation du rapport sexuel. De plus, elle a fait surgir le trou dans le savoir en faisait valoir qu’il n’y a pas de théorie du Tout.

Voir le rapport entre savoir statistique et singularité du désir comme un rapport de l’homme contre la machine est une opposition fausse. En effet, la façon dont on pourrait se servir de cet objet produit par la science qu’est la série statistique dépend de l’acte. Notre rapport aux statistiques, aux algorithmes en général, sera un rapport politique.

[1] « Lacan et la politique », entretien avec Jacques-Alain Miller, propos recueillis par Jean-Pierre Cléro et Lynda Lotte, Cités, n°16, Paris, Puf, 2003, p.105-123.

 

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