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À TERME

Ni évidente, ni tangible, ni naturelle ! Voilà le creux dans lequel Christiane Alberti a logé l’élan qui nous a conduits depuis plusieurs mois pour aborder l’Être mère, titre donné aux 44es Journées de l’ECF en 2014.

L’Hebdo-Blog, depuis sa naissance en septembre dernier, a accompagné la gestation de ces Journées, ce travail minutieux et enthousiaste où l’on peut saisir le multiple de cet être : première séductrice pour Freud, mais aussi réponse phallique au manque de la femme, Autre de la demande pour Lacan, transmettant la langue, impliquant l’enfant dans un désir, dans une jouissance, solution fétiche à la féminité voilant le manque comme l’interroge Jacques-Alain Miller, mais aussi Autre de l’amour, n’étant là qu’au prix de son manque assumé et reconnu. Christiane Alberti avance un vouloir être mère généralisé à mesure qu’avance le déclin de l’empire du père dans notre modernité. Ces Journées de l’ECF nous invitent ainsi à interroger les fictions maternelles, celles qui leurrent et enchantent, à la lumière d’une satisfaction réelle, soit à la lumière de l’expérience de la psychanalyse et de la singularité à partir de laquelle elle autorise à considérer notre époque.

« À devenir mère, cesse-t-on d’être une femme ? » interroge l’argument des Journées 44.

L’Hebdo-Blog propose, arrivé au terme de ce parcours, un triptyque qui part justement de cette question avec des textes issus de la journée préparatoire proposée par nos collègues de la délégation Val de Loire-Bretagne de l'ACF.

Dans les textes de Christine Maugin, Nathalie Leveau et Anne-Marie Le Mercier, on pourra suivre ce questionnement qui met en relief que l’être-mère ne se présente au fond que comme une modalité singulière de réponse, et notamment à l’énigme de ce qui fonde l’existence pour une femme. Mais cette réponse singulière, et donc multiple, non standardisable, impossible à réduire à une recette comportementale, révèle du même coup l’inadéquation profonde de l’existence à l’être.

Ce trajet à trois voix, trois énonciations, est clinique, ancré dans la clinique que l’expérience de la psychanalyse permet de transmettre.

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L’Être mère : à chaque mère, une solution !

Notre après midi du 18 octobre a donné la parole à L’ÊTRE MÈRE À NANTES. Ce qu’enseigne la psychanalyse c’est que l’être mère pose la question de lecture au cas par cas. Comme le questionne Christiane Alberti dans l’argument des journées, être mère n’est pas quelque chose qui se passe dans son corps uniquement. Avec l’enseignement de Lacan, nous pouvons avancer sur le fait qu’avoir un enfant, dans son ventre ou dans la réalité, est tout autre chose que de l’avoir dans sa préoccupation, dans son esprit.

Avoir un enfant cela peut être tout à fait satisfaisant pour la mère, mais cela peut tout aussi la confronter à un moment d’étrangeté. Dans la clinique nous pouvons rencontrer des mères pour qui l’enfant qui est là représente à la fois l’objet qui lui manque, la comble, mais aussi l’angoisse, l’inquiète. Et pour chacune des mères cela n’est pas chose facile.

Alors on peut répondre par un enseignement aux mères, à s’exercer à ce métier de la maternité, en donnant des modes d’emploi. Heureusement, Lacan nous indique dans sa Note sur l’enfant, que tout cela ne vaut que pris dans « un désir qui ne soit pas anonyme »[1].

À chaque mère, un lien à un enfant. Être mère est une solution que chacune trouve pour faire entrer son enfant dans ce qu’on appelle couramment sa préoccupation maternelle. Être mère, c’est aussi trouver une manière de faire avec cette question, trouver un arrangement, une solution singulière que la rencontre avec un psychanalyste peut aider à élaborer.

Chez Freud, être mère a été la première réponse phallique : au manque de la femme répondait l’avoir de la mère. L’enfant est alors un substitut phallique, la femme ayant trouvé dans l’enfant ce petit avoir qu’elle n’a pas et que son père ne peut lui donner.

Dans son rôle œdipien le père venait barrer la jouissance maternelle, celle de posséder son produit. Le père était le garant de la séparation de la mère et de son enfant ; par son intervention il empêchait la mère de dévorer l’enfant. Cette figure de dévoration, Lacan l’a transformée en celle de la bouche du crocodile que le phallus paternel vient empêcher de se refermer sur l’enfant[2]. Quand le Nom-du-Père peut barrer la jouissance de la mère, celle-ci devient symbolique : au désir de la mère peut se substituer le Nom-du-Père, laissant alors à l’enfant la possibilité de s’inscrire dans la castration, le manque et donc le désir. Lorsque l’enfant ne répond pas à la demande, il l’oblige à désirer en dehors de lui : la mère est d’abord une femme et son désir d’ailleurs permettra à l’enfant de se confronter à un manque et de cheminer vers son désir. Lorsque l’enfant satisfait la mère, ce n’est qu’au travers de son image phallique à elle la mère : ce que sa mère désire en lui, sature en lui, satisfait en lui, ce n’est rien d’autre que le phallus[3]. Ne pas être ce phallus de la mère crée une « discordance imaginaire »[4]. Il divise alors la mère, entre mère et femme.

Derrière la mère, une femme. Et Jacques-Alain Miller le rappelle[5]: une mère, quels que soient les soins qu’elle apporte à son enfant, cela ne doit pas la détourner de désirer en tant que femme. Sinon, c’est l’angoisse: un enfant qui comble sa mère l’angoisse au sens où elle ne désire plus en tant que femme. Autant la vraie femme est celle qui, sous la figure de Médée, peut aller jusqu’à tuer la progéniture de son mari Jason pour rester femme, autant la mère est celle du don symbolique, de l’amour, soit de ce qu’elle n’a pas. Le texte de Nathalie Leveau ouvre la discussion en effet sur cette division entre la mère et la femme.

[1] Lacan J., « Note sur l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 373. [2] Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991, p. 129. [3] Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La relation d’objet, Paris, Seuil, 1994, p. 56. [4] Ibid., p. 57. [5] Miller J.-A., « L’enfant et l’objet », La petite girafe, n° 18, Agalma, 2003.

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Le « ou mère/ou femme » de la névrose

La maternité serait-elle une solution fétiche à la féminité se demande Jacques-Alain Miller[1]. Le fétiche est un voile qui sert à masquer le manque, pour faire croire qu’il y a, là où il n’y a rien. Lacan en parle à propos des perversions. Quand l’enfant reste pris dans la relation imaginaire à la mère constituée du couple mère-phallus, il a comme solutions de s’identifier soit à la mère – qui ne l’a pas – soit au phallus qui lui manque. Ainsi il ne sort pas de l’univers de la mère et du phallus. Lacan qualifie cet univers de « phallocentrisme » et le retrouve chez le petit Hans, un cas de névrose. Hans, cinq ans, déclenche sa phobie après la naissance de sa petite sœur dans un moment où pour lui le phallus, jusque-là imaginarisé au champ de la mère, devient réel. Avec ses premières érections, Hans l’appréhende désormais dans son corps. Ce phallus lui est solidement accroché. La mère dont le désir est tourné vers le phallus va le dévorer – le phallus et Hans avec ! Hans s’en sortira à condition de faire advenir le phallus comme signifiant. Il trouve la solution de la vis : le phallus se visse et se dévisse au gré des besoins.

Mais Lacan souligne que cette solution reste névrotique. La névrose c’est croire au phallus en tant qu’un objet pourrait combler le désir. L’enfant s’aperçoit que la mère manque, mais il ne l’accepte pas. J.-A. Miller parle de « scandale »[2] pour la castration maternelle : c’est un scandale ! Le sujet névrosé n’en veut rien savoir. Seule l’analyse permettrait de l’admettre, en découvrant qu’aucun objet ne sature le désir, que la mère ne peut être satisfaite, que le sujet ne peut combler la mère, ce qui constitue un soulagement. La sortie de la névrose se ferait donc par cette clé : admettre que la mère soit une femme.

Alors comment entendre la disjonction mère/femme? Est-elle à mettre au compte de la névrose ? Au sens où pour le névrosé la mère n’est pas une femme. On aurait donc : ou la mère / ou la femme. Car J.-A. Miller indique que c’est « dans l’inconscient » que la mère est le contraire de la femme.

Ce n’est pas sans conséquences. Pour le névrosé, si la femme c’est le contraire de la mère, faut-il refuser d’être une mère pour rester une femme ? Toute une clinique est là convoquée : aléas des femmes pour avoir des enfants, mener à terme une grossesse ou se décider pour le bon géniteur, embrouilles des hommes et des femmes pour concilier vie de couple et vie familiale. Certains couples semblent s’accommoder très bien de cette disjonction, « couples exemplaires »[3] selon J.-A.Miller. Mais pour lui le soupçon pèse sur le secret de leur réussite : la femme consentirait à être une mère pour son homme. D’autres femmes voient dans la maternité un refuge à la féminité. Le dénuement qu’implique la position féminine, parfois vécu comme insoutenable, peut les précipiter dans « l’avoir des enfants »[4]. Souvent en rejetant l’époux, parfois le père. Ce qui est une manière de régler la disjonction.

Ainsi comment sortir de cette disjonction ? Comment le sujet peut-il en sortir autrement que par des solutions toujours coûteuses ? L’analyse n’offrirait-elle pas une voie de sortie meilleure en la dépassant ? Ce qui comporte d’accepter que la mère soit une femme, que la Mère n’existe pas, qu’elle n’est pas-toute, qu’elle n’absorbe pas-tout du manque et de la féminité. Ainsi le chemin est long, mais, passé le « scandale », l’« être mère » aurait chance de devenir plus supportable.

[1] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Donc », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris VIII, leçon du 30 mars 1994, inédit. [2] Ibid., leçon du 6 avril. [3] Ibid. [4] Ibid.

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De mère en fille, un « se jouir » dévorant

Dans un petit texte produit avant le congrès de l’AMP sur l’ordre symbolique au XXIe siècle, Dominique Laurent précise la logique du lien mère-enfant : l’enfant participe de ce qu’elle appelle « l’appareil à jouir » de la mère, dans une articulation logique entre le phallus (-φ) et l’objet a. « L’enfant est inclus dans la consistance logique de l’objet a, mais il n’en reste pas moins pris dans la valeur de (-φ). Il participe de l’appareil à jouir qu’est le fantasme. Le corps de la mère se jouit de l’enfant qui la remplit, bien qu’il reste un semblant dans la série des objets perdus. »[1] Lorsque seule la jouissance de l’enfant comme objet est en jeu, l’enfant est réduit à incarner l’objet cause du fantasme maternel ce qui le met en impasse quant à l’accès à un désir propre.

Dans la première partie de son enseignement, Lacan indique que c’est la métaphore paternelle qui régule la jouissance dans le lien mère-enfant. Dans son dernier enseignement, avec « R.S.I. », il parle des objets de la mère que sont ses enfants, et évoque le père qui se fait respecter non parce qu’il fait la loi, mais parce qu’il choisit une femme comme objet cause de son désir[2]. Chacun a donc son objet, une femme pour le père, l’enfant pour la mère. Ici c’est la père-version qui prend le relais de la métaphore paternelle. Chaque Un, dans le couple dit parental, doit trouver l’usage qui convient de sa version du père comme traitement de la jouissance, c’est ce dont il s’agit dans le Séminaire Le sinthome. Ainsi la recherche d’un juste écart entre une mère et ses objets-enfants ne procède pas toujours de la métaphore paternelle ni forcément du lien à un homme.

Aline refuse que l’allaitement cesse avant la scolarisation de sa fille. Elle s’appuie sur la promotion contemporaine de la santé de l’enfant via l’allaitement pour justifier la jouissance de cette dévoration réciproque. Au fil des séances, elle s’aperçoit qu’elle vit chaque progrès de sa fille comme une perte. Ce dire fait de l’avidité de l’allaitement un symptôme, et ouvre la question de la séparation.

Cet exemple témoigne du lien de la mère à la castration, mais permet aussi de repérer comment une mère tente de nourrir l’illimité de la jouissance féminine par sa localisation dans un corps à corps avec l’enfant. La métaphore paternelle ne suffit pas à traiter la jouissance en cause. Son mari est très amoureux d’Aline, elle l’aime aussi, dit-elle, et consent à le laisser s’occuper de l’enfant et l’éduquer avec elle. Mais elle estime qu’elle seule, du fait d’être la mère, sait naturellement ce qui convient en matière d’allaitement. Ceci ne l’empêche pas de se plaindre que son homme ne l’aide pas assez en matière de soin aux enfants.

Ce moi seule peut-il ouvrir l’espace d’une autre singularité ? La cure vise à favoriser l’invention d’une autre réponse à ce qui, pour ce sujet féminin, reste énigmatique quant à ce qui fonde son existence. Aline se jette à corps perdu dans le travail qui la lie au corps médical. Mais c’est pour retrouver le même appétit de dévoration subie : elle se fait « bouffer » par son travail, et n’a pas assez de temps pour manger. Elle reconnaît là l’écho du refus anorexique qui animait le ravage entre elle et sa mère. Elle reste donc en attente d’une autre alliance entre le corps et la langue qui lui permettrait de s’orienter entre les femmes et les mères, sans que sa fille soit tenue de lui donner consistance de corps.

[1] Laurent D., « Mère », L’ordre symbolique au XXIe siècle, Scilicet, Collection Rue Huysmans, École de la Cause freudienne, Paris, 2013, p. 229-231. [2] Lacan J., Le Séminaire, livre XXII, « R.S.I. », leçon du 21 janvier 1975, inédit.

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Il manquera toujours un portrait

Au moment de constituer le dossier pour cheminer vers les Journées 44, une idée s’est imposée à nous : constituer une galerie. Une association immédiate persista tout au long de la mise en série des tableaux maternels, une idée qui ne nous a pas quittés, mais que nous n’avons pas mise en exergue car elle était en filigrane dans notre réflexion, il s’agit du livre Portrait de femme de Henry James. De toute évidence, ce magnifique ouvrage écrit en 1881 n’est pas le dessin d'une mère... Il s’agit de la tentative d’écrire la complexité d’une femme : Isabelle Archer dont « les profondeurs secrètes de [son] âme étaient un lieu peu fréquenté, dont les communications avec la surface étaient interceptées par des forces multiples et capricieuses »[1].

Un constat simple nous permet de tisser un lien entre Portrait de femme et notre collection de mères: la quantité infinie d’adjectifs utilisés par H. James pour saisir l’insaisissable chez Isabelle : jolie, intéressante, généreuse, étrangère, intelligente, pédante, curieuse, naïve, fraîche, ardente, cruelle... La liste se poursuit. Une longue série de termes qui tente de rendre compte de l’être de cette femme-là. Mais en un instant elle change, se nuance ou s’accentue et parfois se contredit, ce qui fait d’elle une énigme, et d’abord pour elle-même. Plus de six cents pages ne suffisent pas à l’écrivain, si talentueux soit-il, dans l’écriture dudit portrait psychologique pour la dire toute. Il aura toujours une nuance à apporter pour rendre tangible la singularité de femme d’Isabelle Archer dans le rapport amoureux, dans ses confusions et dans sa quête.

Une mère étant une femme, nous pouvons, à l’instar de H. James, noircir des pages et des pages d’adjectifs pour nommer ce qui échappe de l’être mère. Peut-on faire une liste exhaustive des mères ? La nomination d’une mère saisit-elle son être ? Mère angoissée, mère aimante, mère déprimée, mère courageuse, mère envahissante, mère douce, mère bizarre, mère bavarde, mère muette… Pourquoi autant d’adjectifs ? Que viennent-ils nommer ? C’est parce que les mères sont des femmes qu’elles sont à nommer une par une. Autant de noms de mères que de noms de femmes, pas forcément le même, et toujours partiel. Pas de liste exhaustive. Les dires cueillis tant sur le divan que sur la scène du monde en témoignent : « Ah… ma mère… c’est quelque chose ma mère... ». Ce « quelque chose » semble se cristalliser dans l’aperçu d’une contradiction, d’une zone d’ombre… Une « zone peu fréquentée » pour s’exprimer avec les mots de H. James.

Les adjectifs que nous avions épinglés dans lalangue et qui nomment les mille et une mères – pour emprunter un des titres du Blog des Journées – témoignent des différentes manières d’essayer de cerner ce qui échappe de la mère à chaque fois que le sujet essaie de la nommer. La liste des noms des mères est illimitée et le dessin que nous pouvons dépeindre, toujours pas-tout.

Voici la raison pour laquelle Portrait de Femme de H. James a été notre toile de fond. En listant les noms de mère, peut-être avons nous pensé pouvoir réunir la mère et la femme dans un même tableau. Les articles publiés nous ont démontré que chacun des auteurs a épinglé, avec tact, un détail, à la recherche d’un bien-dire sur une mère.

Chaque adjectif accolé au mot « mère » tente de toucher ce qui lui échappe. Voici ce qui donne son caractère infini à cette liste de mères. Car l’une à peine cernée, une autre apparaît avec sa couleur à elle, son style, sa trace particulière ; et parfois est-ce la même. Ce qui nous amène à la conclusion qu’il manquera toujours un portrait et nous pouvons nous demander en empruntant les mots de Ralph intrigué par la présence d’Isabelle : « Qui est cette créature rare ? »[2], « Ralph devait découvrir par lui-même ce qu’il voulait savoir. »[3]

Ce qui éveille plus encore le désir de s’acheminer au Palais de Congrès les 15 et le 16 novembre.

[1] James H., Portrait de Femme, Paris, 10/18, Éditions Liana Levi,1995, p. 43. [2] Ibid., p. 52. [3] Ibid., p. 53.

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Hôtel Europe

Théâtre de l'Atelier, mercredi 5 novembre 20h30, acteur, Jacques Weber, auteur, Bernard-Henri Lévy, qui vint parler avec la salle après la représentation, rassemblée sur une initiative de l'Envers de Paris.

Après la présence de l'acteur, alternant la confusion, l'exaltation, l'outrance, l'ironie, la ferveur la déprime la joie la peine ou la douleur, BHL, généreux et bien présent, expliqua que son texte mêlait le corps de l'auteur avec la pensée qui l'attrape, le tient, le bouscule, le convoque.

Comme le fera remarquer Jean-Daniel Matet, président de l'EuroFédération de Psychanalyse dont le projet, pour BHL, correspond, dira-t-il, à celui des Lumières en Europe, avec ces échanges en plusieurs langues et ces pays multiples, il y a un enjeu du texte qui intéresse les psychanalystes. Il s'agit de cette question politique aiguë du choix, au présent, entre l'uniformité sans parole et une nouvelle donne politique.

Cette nouvelle donne, BHL l'expliquera avec une simplicité bien rare dans le débat politique contemporain. Elle relève notamment d'un constat: la nation n'est plus l'échelle adaptée. S'en déduit un autre constat : comment passer de plusieurs nations qui font leurs cuisines locales et s'isolent en silence, à une organisation politique nouvelle, à une donne novatrice qui ne soit pas juste le fruit d’un savoir-faire technocratique, comme l'est si souvent la Commission européenne, épinglée dans le texte d’Hôtel Europe, avec ses réglementations raffinées qui divertissent des juristes sourcilleux. À l'appui du constat, venait faire écho le final de Jacques Weber : une déclamation, voire un plaidoyer, pour la construction d'un discours qui se tienne en matière d'Europe.

Ainsi, ce que propose BHL n'est pas un remède, moins encore une recette. Il fera remarquer, suite à une interrogation de Philippe Benichou, directeur de l'Envers de Paris, précisément sur cette question d'acte politique et de suite à trouver devant ces constats peu glorieux, notamment ces ratés politiques dans différents conflits de ces dernières décennies, que les moments où il réussit à poser des actes sont finalement rares et dépendants des contingences.

Ces contingences sont encrées d'une traversée des siècles, elles imposent des outils nouveaux, un réveil radical et une rigueur renouvelée. C'est sur ce point qu'Anaëlle Lebovits-Quenehen interrogera BHL en reprenant le moment qui verra s'opposer Husserl et Heidegger : l'Europe n'avancera pas si chacun s'exclut d'un effort de lecture, d'un rapport à la lettre, qui est d'abord sa marque, de Jérusalem à Athènes, et d'Athènes à Milan, de Milan à Sarajevo, et de Sarajevo à Munich, de Munich à Stockholm.

On pourra relire le texte et revoir la pièce, pour sa densité. On pourra aussi relire ces époques pas lointaines du tout, où les décideurs, comme on dit d'eux, ne furent pas à la hauteur. Avec ce texte, BHL engage son corps dans l'élaboration d'une pensée sur l'Europe, comme il engage celui de chacun, pour rencontrer une histoire parfois un peu bizarre, souvent un peu violente.

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